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Date : 20231215


Dossier : IMM-6598-22

Référence : 2023 CF 1695

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2023

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

SAIDUR RAHMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Vue d’ensemble

[1] Le demandeur, Saidur Rahman, est un citoyen du Bangladesh. Il n’est pas contesté que le demandeur soit devenu un partisan du Parti national du Bangladesh (PNB) à partir de 2011. En janvier 2012, il est officiellement devenu membre de leur aile étudiante, Jatiyatabadi Jubo Dal. Peu après avoir rejoint le PNB, il a été nommé secrétaire organisateur de la section n8 de l’union de Sunapur. Il a occupé ce poste jusqu’en avril 2013. En 2013, le demandeur a quitté le Bangladesh et est arrivé aux États-Unis. Il est ensuite entré au Canada par le chemin Roxham en 2018.

[2] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur cherche à faire annuler une décision rendue le 27 juillet 2021 par la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la décision], selon laquelle le demandeur était interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité en tant que membre du PNB, en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SAI a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le PNB était une organisation qui se livre, s’est livrée ou se livrera à des actes visés aux alinéas 34(1)b) et c) de la LIPR, ayant trait à une personne qui est l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force et qui se livre au terrorisme. La SAI a également conclu que, de l’aveu même du demandeur, il y avait de sérieuses raisons de croire que le demandeur est demeuré membre du PNB entre 2012 et son arrivée au Canada.

[3] Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en concluant qu’il était interdit de territoire pour les raisons suivantes : (i) le PNB n’est pas une organisation violente qui se livre à des actes de terrorisme; (ii) le PNB n’avait pas « l’intention » d’infliger des blessures graves ou la mort; (iii) l’aveuglement volontaire ou la connaissance de la violence de la part du PNB ne suffisent pas à emporter interdiction de territoire pour le demandeur; (iv) les quelques éléments de preuve invoqués par la SAI sont périmés, affligeants et déficients; (v) bien que le demandeur ait versé des dons pour aider les membres du PNB détenus, il ne se considérait pas comme un membre ou un partisan du PNB et le simple fait de fournir un soutien financier ne démontre pas une appartenance continue; et (vi) la SAI a commis une erreur dans son analyse du renversement et n’a fait mention d’aucune preuve.

[4] Le défendeur soutient que la SAI : (i) a correctement déterminé et appliqué le critère de l’arrêt Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1 [Suresh] pour déterminer si les activités du PNB constituaient du « terrorisme », au sens des alinéas 34(1)c) et f) de la LIPR; (ii) a invoqué des éléments de preuve dans le dossier et s’est appuyé sur ceux-ci pour parvenir à ses conclusions; et (iii) a évité les erreurs commises dans d’autres affaires et a rendu une décision bien rédigée.

[5] Le défendeur avance en outre que la SAI a estimé raisonnablement que le demandeur est resté membre du PNB jusqu’à son arrivée au Canada en 2018, étant donné qu’il (i) a avisé les autorités au point d’entrée qu’il était demeuré membre du PNB après avoir quitté le Bangladesh pour les États-Unis; (ii) a fourni un soutien financier aux membres du PNB; et (iii) n’a jamais mis fin à son appartenance au PNB. Ainsi, le demandeur était membre au cours de la période où les activités du PNB correspondaient à la définition du terrorisme.

[6] Après avoir examiné le dossier et les observations des parties, de même que la loi applicable, le demandeur n’est pas parvenu à me convaincre du caractère déraisonnable de la décision de la SAI. Pour les motifs qui suivent, et malgré les observations pertinentes de l’avocat du demandeur, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[7] La question qui se pose en l’espèce est de savoir si la SAI a raisonnablement déterminé que le demandeur est interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Le défendeur décompose la question en trois sous-questions, à savoir : (i) Le demandeur est-il ou était-il membre du PNB et de son aile jeunesse? (ii) La preuve montre-t-elle qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le PNB s’est livré au terrorisme au sens de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR, tel qu’il est défini dans l’arrêt Suresh comme tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil »? (iii) La preuve montre-t-elle qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le PNB a été l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement du Bangladesh au sens de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR? Je conviens que ces trois sous-questions parviennent à bien saisir les questions qui se posent en l’espèce.

[8] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Une décision raisonnable est une décision justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable commande la retenue, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12 et 13). Ainsi, on doit faire preuve de retenue, tout particulièrement à l’égard des conclusions de fait et de l’appréciation de la preuve. Une cour de révision ne devrait pas modifier les conclusions de fait, à moins de circonstances exceptionnelles, et elle n’a pas pour fonction dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire d’apprécier et d’évaluer à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, au para 125).

III. Analyse

[9] Conformément à l’article 33 de la LIPR, la norme de preuve qui s’applique aux décisions d’interdiction de territoire pour des raisons de sécurité en application de l’article 34 de la LIPR est celle des « motifs raisonnables de croire ». Dans l’affaire Shohan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 515, la juge Mandy Aylen a décrit de façon succincte cette norme :

[TRADUCTION]

[33]… Les « motifs raisonnables de croire » exigent davantage qu’un simple soupçon, mais restent moins rigoureux que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile [voir Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, au para 114; Thanaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 349, aux para 11-13]. Les motifs sont jugés raisonnables lorsqu’ils possèdent un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi [voir Mugesera, précité, au para 114]. En d’autres termes, des motifs raisonnables de croire sont établis en présence d’une croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi [voir Hadian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1182, au para 17, citant Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16793 (CAF), [2001] 2 CF 297 (CAF), au para 60].

[10] La norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » s’applique à chacune des trois questions examinées plus loin, à savoir : a) l’appartenance du demandeur au PNB; b) si le PNB s’est livré au terrorisme au sens de l’alinéa 34(1)c) de la LIRP; et c) si le PNB a été l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement du Bangladesh au sens de l’alinéa 34(1)b) de la LIPR.

[11] Plus précisément, la question dont la Cour est saisie ne consiste pas à déterminer s’il y avait des « motifs raisonnables de croire » que le demandeur est interdit de territoire pour des raisons de sécurité. La Cour doit plutôt examiner si la conclusion de l’agent selon laquelle il y avait des « motifs raisonnables de croire » que le demandeur était membre du PNB et que le PNB se livre, s’est livré ou se livrera aux actes visés aux alinéas 34(1)b) et c) de la LIPR, était raisonnable en soi (Rahaman c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2019 CF 947, au para 9 [Rahaman]; Alam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 922, au para 13).

[12] Il a été longuement débattu à l’audience des résultats différents obtenus devant notre Cour en ce qui concerne le PNB et ses actes terroristes et actes visant au renversement d’un gouvernement par la force. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les décisions ne doivent pas être considérées comme contradictoires. Malgré les différents résultats, il ne faut cependant pas oublier que chaque affaire doit être tranchée en tenant compte du dossier en cause, des conclusions de fait établies dans la décision contestée, de même que des motifs invoqués par le décideur (Saleheen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 145, au para 26 [Saleheen]; Rahaman, au para 10; Haque c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2023 CF 847, au para 67; Miah c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 38, au para 30 [Miah]). Dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, il faut s’attendre à des résultats différents, puisque les décisions de la Cour sont fondées sur les facteurs susmentionnés. Les décisions rendues par notre Cour ne sont pas des déclarations générales sur le statut du PNB qui lient les décisions futures, ni ne doivent être considérées comme telles (Rahman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 807, au para 33).

A. La nature temporelle de l’appartenance du demandeur au PNB

[13] Dans son exposé, le demandeur a indiqué qu’il ne souscrivait pas à la conclusion de la SAI selon laquelle il était encore membre après avril 2023. Au cours de l’audience, le demandeur a toutefois centré son argumentation sur les points B et C qui sont traités plus loin.

[14] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la SAI a raisonnablement conclu, en fonction des éléments de preuve figurant au dossier, que le demandeur était membre du PNB jusqu’à son arrivée au Canada en 2018. Comme l’a fait remarquer la SAI, le demandeur a confirmé, lors de son entretien au point d’entrée, qu’il était toujours officiellement membre et qu’il avait versé des dons pour aider les membres du PNB arrêtés par le gouvernement. Je suis convaincue, par suite de l’examen de la transcription, qu’il n’était pas déraisonnable pour la SAI d’arriver à une telle conclusion. Je relève qu’au cours de cet entretien, le demandeur a déclaré qu’il avait une carte de membre et une lettre de recommandation d’un membre du parti, mais que la lettre était devant les tribunaux des États-Unis. Il a clairement indiqué qu’il aimerait continuer à travailler pour le PNB et demeurer actif s’il le pouvait.

[15] Par conséquent, j’estime que la SAI n’a pas commis d’erreur quant à la nature temporelle de l’appartenance du demandeur au PNB.

B. Terrorisme

[16] Les parties s’accordent pour dire que la SAI a cité la définition adéquate de terrorisme, telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Suresh, afin d’évaluer si le PNB s’était livré au terrorisme. Dans l’arrêt Suresh, la Cour suprême a défini le terrorisme comme suit :

98 À notre avis, on peut conclure sans risque d’erreur, suivant la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, que le terme « terrorisme » employé à l’art. 19 de la Loi inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Cette définition traduit bien ce que l’on entend essentiellement par « terrorisme » à l’échelle internationale. Des situations particulières, à la limite de l’activité terroriste, susciteront inévitablement des désaccords. Le législateur peut toujours adopter une définition différente ou plus détaillée du terrorisme. La question à trancher en l’espèce consiste à déterminer si le terme utilisé dans la Loi sur l’immigration a un sens suffisamment certain pour être pratique, raisonnable et constitutionnel. Nous estimons que c’est le cas.

[17] La divergence d’opinions entre les parties porte sur l’application du critère par la SAI. Le demandeur soutient que la SAI n’a pas appliqué correctement le critère, en particulier en ce qui concerne l’intention. Le demandeur allègue que la jurisprudence a évolué et qu’il ne suffit plus de mettre l’accent sur la violence et la connaissance de la violence pour faire la démonstration de l’intention. Souligner le nombre de décès dus à la violence pendant les actions de désobéissance civile ou les manifestations n’est pas suffisant. On ne peut inférer une intention, pas plus que la Cour ne peut parcourir le dossier pour y trouver un motif à la décision. L’intention d’infliger des blessures graves ou la mort doit être manifeste.

[18] Le défendeur soutient que la décision est détaillée, bien rédigée et qu’elle se penche de façon appropriée sur la question de l’intention. Le défendeur souligne que la SAI a reconnu que l’aveuglement volontaire n’est pas suffisant pour satisfaire au critère. La SAI a déclaré à maintes reprises dans la décision que le PNB avait l’intention spécifique de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Le défendeur remarque que la déclaration de la SAI selon laquelle les hartals (grèves générales) sont organisés à l’avance et que des effectifs armés du PNB assistent à ces réunions organisationnelles. Le défendeur allègue que la SAI a raisonnablement conclu, compte tenu de la preuve dont elle disposait, que les activités du PNB concordaient avec la définition de l’arrêt Suresh, à savoir que le PNB avait l’intention spécifique de tuer et de blesser gravement des civils dans le but explicite d’intimider la population bangladaise et de contraindre le gouvernement du Bangladesh à modifier ses politiques.

[19] Je ne pense pas que la SAI ait mal appliqué le critère de l’arrêt Suresh ou qu’elle ait abaissé l’aspect mental requis pour établir l’intention. Pour conclure à l’existence d’un acte de terrorisme, il faut aller au-delà de la simple connaissance de la probabilité que l’appel à un hartal donne lieu à de la violence ou d’un aveuglement volontaire envers les décès et les blessures graves qui pourraient être causés; une intention spécifique doit être imputée au PNB (Saleheen, au para 41; Miah, aux para 34-35). On peut conclure à l’intention spécifique lorsqu’une conséquence résultera certainement ou presque certainement d’un acte ou d’une omission, comme se livrer « à des actes ou à des omissions tout en étant presque certain que la violence se produirait. » (Saleheen, aux para 42 et 44).

[20] Après avoir examiné attentivement le libellé de la décision, les incidents mentionnés par la SAI et le dossier présenté à la SAI, je ne suis pas convaincue qu’il était déraisonnable pour la SAI de conclure que le PNB se livre, s’est livré ou se livrera au terrorisme. La SAI a rappelé l’historique et le caractère inévitable de la violence pendant les hartals; l’implication des hauts dirigeants du PNB, des membres de l’aile jeunesse et des effectifs armés; les nombreux exemples de violence; la manière dont elle a été organisée et perpétrée; ainsi que les décès et les blessures survenus. La SAI a observé à plusieurs reprises qu’elle était convaincue que le PNB avait l’intention spécifique de tuer et de blesser gravement des civils, décrivant des actions comme l’incendie d’un autobus ayant des passagers à bord; le viol; l’utilisation d’armes à feu, de grenades et de bombes à essence; les bombes incendiaires sur les autobus de civils; les enlèvements et les meurtres. La SAI a estimé que les hauts responsables du PNB ont organisé et utilisé des effectifs armés pour imposer violemment les hartals, alors qu’ils savaient très bien que ces actions causeraient le décès ou blesseraient gravement des personnes innocentes.

[21] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que ce n’est pas suffisant de faire référence à la violence. En l’espèce, cependant, le raisonnement de la SAI et ses conclusions factuelles montrent qu’elle s’est penchée sur l’aspect mental requis afin de conclure que le PNB visait expressément à causer des lésions corporelles et la mort. J’estime que la SAI a correctement appliqué la définition du terrorisme dans l’arrêt Suresh et que les conclusions qui en découlent sont intrinsèquement cohérentes et justifiées dans le dossier.

[22] Le demandeur fait valoir que la SAI ne s’est pas appuyée sur des éléments de preuve pour étayer sa conclusion relative au terrorisme. Il s’agit d’une allégation à deux volets : premièrement, le demandeur souligne que très peu d’éléments de preuve ont été invoqués, et deuxièmement, bien qu’il y ait eu de la violence, le dossier n’indique nullement que le PNB encourageait la violence.

[23] Le défendeur a parcouru le dossier devant la Cour en soulignant les formulations et les faits que la SAI avait tirés de la preuve. Le défendeur soutient qu’il est manifeste que la SAI s’est appuyée sur une multitude d’éléments de preuve pour appuyer sa décision.

[24] Il aurait été préférable que la SAI cite les articles et les rapports de la documentation sur les conditions dans le pays dont elle a tiré les termes, les faits et les chiffres; cependant, je ne crois pas que cela rend la décision déraisonnable.

C. Le renversement du gouvernement du Bangladesh par la force

[25] Comme l’a fait remarquer le demandeur, l’expression « renversement d’un gouvernement par la force » à l’alinéa 34(1)b) n’est pas définie dans la LIPR. Les parties s’appuient toutes deux sur la définition dans l’arrêt Najafi c Canada (Citoyenneté et immigration), 2014 CAF 262 [Najafi], et conviennent que le législateur voulait que l’expression « renversement d’un gouvernement par la force » fasse l’objet d’une application large (Najafi, au para 78).

[26] Le demandeur soutient qu’un renversement doit avoir pour but de provoquer la chute d’un gouvernement. Bien qu’il y ait eu des actes de violence, le demandeur allègue que l’intention du PNB était de persuader le gouvernement de la Ligue Awami d’organiser de nouvelles élections multipartites sous un système de gouvernement intérimaire neutre, dans le but de favoriser la tenue d’élections équitables et démocratiques. Le demandeur affirme que les protestations ne sont pas un acte qui vise un renversement.

[27] Le défendeur soutient que les hartals destinés à contraindre le gouvernement de la Ligue Awami à rétablir le gouvernement intérimaire constituent un renversement d’un gouvernement par la force au sens de la LIPR. Le défendeur souligne la déclaration de 2015 attribuée à Khaleda Zia, la dirigeante du PNB, selon laquelle il fallait [TRADUCTION] « poursuivre les manifestations jusqu’à ce que le gouvernement soit évincé ».

[28] Je ne suis pas convaincue que la SAI ait conclu de manière déraisonnable que le PNB a été l’instigateur d’actes visant le renversement du gouvernement du Bangladesh par la force. La SAI a examiné le recours par le PNB à la violence armée afin de s’opposer au gouvernement de la Ligue Awami lorsqu’il était au pouvoir. La SAI a relevé les instructions données par les hauts responsables du PNB qui ont conduit à l’enlèvement et au meurtre de membres du gouvernement et de leurs partisans. Compte tenu des faits examinés par la SAI et du dossier dont elle disposait, il n’était pas déraisonnable de conclure que le PNB cherchait à renverser le gouvernement par la violence.

[29] Comme pour la section précédente, il aurait été souhaitable que la SAI cite la documentation sur les conditions dans le pays d’où elle a tiré les faits; cependant, j’estime que cela ne rend pas la décision déraisonnable.

IV. Conclusion

[30] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision satisfait à la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale pour certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-6598-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée;

  2. L’intitulé de la cause est modifié pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur.

  3. Il n’y a pas de question à certifier.

« Vanessa Rochester »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


DOSSIER :

IMM-6598-22

INTITULÉ :

SAIDUR RAHMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AOÛT 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 15 DÉCEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Me Viken Artinian

POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulippe

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph W. Allen & Associés

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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