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Date : 20240820


Dossier : IMM-1936-23

Référence : 2024 CF 1289

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 août 2024

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

PARSA JANAGHAEI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Parsa Janaghaei, est un adolescent qui est citoyen iranien et qui a présenté une demande de permis d’études afin de fréquenter l’école secondaire au Canada.

[2] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a rejeté la demande. L’agent n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de ses études, comme l’exige l’alinéa 216(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. Les dispositions législatives applicables figurent à l’annexe A.

[3] Le demandeur sollicite l’annulation de la décision au motif qu’elle est déraisonnable. Le défendeur soutient quant à lui que la Cour peut discerner à partir du dossier les raisons motivant la décision; autrement dit, des motifs plus longs et plus détaillés ne sont pas nécessaires.

[4] Après avoir pris en compte les dossiers des parties et leurs observations de vive voix, je ne suis pas convaincue que la décision est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

II. Analyse

[5] Les parties conviennent, et je suis du même avis, que la norme qui est présumée s’appliquer au contrôle de la décision en l’espèce est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 25, 99. Autrement dit, la Cour doit décider, en tenant dûment compte des motifs fournis, si la décision est intelligible, transparente et justifiée. Une décision peut être déraisonnable si le décideur s’est mépris sur la preuve qui lui a été soumise : (Vavilov, aux para 125-126). Il incombe à la partie qui conteste la décision administrative d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[6] Étant donné que les décideurs administratifs ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection (Vavilov, précité, au para 91), je ne suis pas convaincue que la décision dans son ensemble est déraisonnable, et ce, pour plusieurs raisons.

[7] Premièrement, le demandeur n’a présenté qu’une section du formulaire obligatoire de déclaration du gardien [la déclaration], à savoir la section contenant les renseignements sur le gardien d’un mineur qui étudie au Canada. La déclaration comporte toutefois une autre section contenant les renseignements sur les parents et tuteurs de la personne mineure. Les parties ne contestent pas le fait que les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], lesquels constituent les motifs de l’agent, indiquent que la section sur les parents et tuteurs de la personne mineure ne figure pas dans la demande de permis d’études du demandeur.

[8] Le demandeur n’a pas démontré, à la satisfaction de la Cour, pourquoi il est déraisonnable de la part d’IRCC d’exiger que tant le gardien que les parents/tuteurs du mineur signent la déclaration, surtout lorsque le gardien n’est pas un parent ou un tuteur du mineur et qu’aucun parent ou tuteur n’accompagnera le mineur au Canada.

[9] Deuxièmement, dans les notes du SMGC, l’agent indique que le plan d’études du demandeur contient des commentaires généraux vantant les mérites de l’éducation internationale au Canada et des affirmations générales sur la façon dont cette éducation améliorera la situation du demandeur en Iran. Compte tenu du court plan d’études du demandeur, lequel tient en une page, je ne suis pas convaincue que cette conclusion soit inintelligible ou injustifiée : Farnia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 511 au para 16.

[10] Bien que l’affidavit de la mère du demandeur, inclus au dossier de ce dernier, fournisse des renseignements supplémentaires sur ses projets, j’ai des doutes quant à l’admissibilité du document, car IRCC n’en disposait pas dans le cadre de la demande de permis d’études. De plus, le demandeur n’a pas démontré en quoi l’affidavit était visé par l’un ou l’autre des critères d’admissibilité décrits dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20. Je refuse donc de tenir compte davantage de l’affidavit.

[11] Troisièmement, il est mentionné dans les notes du SMGC qu’aucun relevé de notes à l’appui de la demande de permis d’études n’a été présenté. En se fondant sur cette omission, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il possédait [traduction] « les compétences scolaires nécessaires pour terminer les études visées au Canada ». Compte tenu de cette situation particulière, je ne suis pas non plus convaincue que la conclusion de l’agent est inintelligible ou injustifiée.

[12] Je tiens à faire remarquer que la Cour fait preuve de prudence quant à l’utilisation des résultats scolaires pour évaluer si un étudiant réussira son programme d’étude et, par conséquent, s’il quittera le Canada à la fin du séjour autorisé : Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 517 au para 24. Cela dit, la Cour a également conclu qu’il n’est pas déraisonnable qu’un agent tienne compte des notes ainsi que d’autres facteurs pour déterminer si le demandeur d’un permis d’études est un véritable étudiant : Bougrine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 528 au para 15.

[13] En l’espèce, toutefois, aucun résultat scolaire ou relevé de notes n’a été présenté avec la demande de permis d’études. Le demandeur n’a pas démontré en quoi la conclusion de l’agent était déraisonnable dans les circonstances, surtout en l’absence d’autres facteurs qui pourraient être pris en compte pour évaluer s’il est un véritable étudiant et s’il a la capacité de terminer le programme d’études prévu.

[14] Quatrièmement, en ce qui concerne la situation financière du demandeur, l’agent a conclu que les relevés bancaires iraniens des parents du demandeur étaient insuffisants pour attester d’un historique d’accumulation de fonds permettant d’expliquer les dépôts d’importantes sommes d’argent, ou pour attester de la disponibilité des fonds. Le demandeur admet que les relevés bancaires présentés ne sont pas détaillés.

[15] De plus, la Cour a déjà statué que « la LIPR et le RIPR [n’]interdisent [pas] à l’agent de tenir compte du montant et de la provenance des fonds au moment de décider si un demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour » : Kita c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1084 au para 20.

[16] Le demandeur conteste le fait que l’agent a écarté, sans explication, certains actifs, notamment un véhicule, des biens locatifs et des revenus potentiels, du calcul des fonds disponibles. Le demandeur fait valoir que les observations du défendeur selon lesquelles il s’agit de revenus potentiels plutôt que de liquidités ne correspondent pas aux motifs fournis par l’agent. Je ne suis pas d’accord avec le demandeur. L’agent a expressément mentionné le revenu potentiel, et il va de soi qu’un véhicule ne constitue pas un actif liquide. L’agent aurait effectivement pu s’exprimer plus clairement au sujet des biens locatifs, mais il ne s’agit pas, selon moi, d’une lacune suffisante dans la décision pour justifier l’intervention de la Cour.

[17] En fin de compte, j’estime que les observations du demandeur se résument essentiellement à demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait l’agent, ce qui n’est pas le rôle de la cour de révision dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Vavilov, précité, au para 125.

III. Conclusion

[18] Pour les motifs énoncés plus haut, je conclus que le demandeur n’a pas démontré que la décision est déraisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[19] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1936-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question aux fins de certification.

« Janet M. Fuhrer »

Juge


Annexe A : Dispositions applicables

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227.

Délivrance du permis d’études

Issuance of Study Permits

Permis d’études

Study permits

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

(a) applied for it in accordance with this Part;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

(c) meets the requirements of this Part;

d) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

(d) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

e) il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné.

(e) has been accepted to undertake a program of study at a designated learning institution.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1936-23

 

INTITULÉ :

PARSA JANAGHAEI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MARS 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 AOÛT 2024

 

COMPARUTIONS :

Anna Davtyan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Zofia Rogowska

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corporation

Thornhill (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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