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Date : 20241104 |
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Dossier : IMM-14076-23 |
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Référence : 2024 CF 1759 |
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[TRADUCTION FRANÇAISE] Vancouver (Colombie-Britannique), le 4 novembre 2024 |
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En présence de madame la juge McDonald |
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ENTRE : |
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GODWIN REGINOLD NAVARATHNAM |
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demandeur |
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur, Godwin Reginold Navarathnam, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 6 septembre 2023 par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a rejeté la demande de permis de travail qu’il avait présentée dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires au motif qu’il n’avait pas démontré qu’il serait en mesure de s’acquitter adéquatement des fonctions du poste convoité.
[2] Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka qui possède plus de 20 ans d’expérience professionnelle dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie. Il travaille notamment pour Pizza Hut au Sri Lanka depuis le mois d’avril 2018. Il a présenté une demande de permis de travail après s’être vu offrir le poste de superviseur des services alimentaires au Pizza Hut de Parksville, en Colombie‑Britannique, au Canada. Cette offre d’emploi découlait d’une étude d’impact sur le marché du travail (l’EIMT) favorable que Service Canada avait fournie aux restaurants Pizza Hut et dans laquelle figurait le nom du demandeur à titre de travailleur étranger.
[3] Le demandeur a joint les documents suivants à sa demande de permis de travail :
un affidavit à l’appui dans lequel il atteste avoir passé un test de maîtrise de la langue anglaise et précise les résultats obtenus;
une lettre d’appui de Mayfair Immigration Services Ltd.;
l’EIMT du 2 mai 2022;
une offre d’emploi des restaurants Pizza Hut datant de juillet 2023 pour le poste de superviseur des services alimentaires.
[4] Le 6 septembre 2023, l’agent a rejeté la demande de permis de travail au motif que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait en mesure de s’acquitter adéquatement des fonctions du poste convoité.
[5] Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC), qui font partie des motifs de la décision, indiquent ce qui suit :
[traduction]
J’ai examiné la demande.
Après avoir examiné les documents présentés, je ne suis pas convaincu que le demandeur pourra s’acquitter adéquatement des fonctions du poste qui lui est offert pour la raison suivante :
● Maîtrise insuffisante de la langue de travail.
Étant donné les résultats du demandeur à l’IELTS, je ne suis pas convaincu qu’il satisfait aux exigences linguistiques de l’EIMT et qu’il sera en mesure d’accomplir ses tâches efficacement et de composer avec d’éventuelles situations urgentes nécessitant qu’il comprenne l’anglais et qu’il tienne des conversations dans cette langue.
Après avoir soupesé les facteurs à prendre en considération dans la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.
Pour les motifs qui précèdent, je rejette la demande.
I. Question en litige et norme de contrôle applicable
[6] La seule question à trancher est celle de savoir s’il était raisonnable pour l’agent de rejeter la demande de permis de travail du demandeur en raison de ses compétences linguistiques.
II. Analyse
[7] Le demandeur soutient que la décision de l’agent est déraisonnable, car ce dernier n’a pas justifié la conclusion selon laquelle ses résultats à l’International English Language Testing System (l’IELTS) indiquaient qu’il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques de l’EIMT et qu’il ne serait pas en mesure d’accomplir ses tâches efficacement. Dans sa décision, l’agent n’explique pas pourquoi les résultats du demandeur à l’IELTS l’ont amené à tirer cette conclusion et ne précise pas en quoi ces résultats sont insuffisants. L’agent ne fait qu’affirmer que les résultats de l’IELTS ne satisfont pas aux exigences de l’EIMT et que le demandeur ne serait pas en mesure d’accomplir ses tâches « efficacement »
et de composer avec d’éventuelles situations urgentes.
[8] L’EIMT contient notamment une section [traduction] « renseignements sur l’emploi »
, et il semble que c’est à cette section que l’agent renvoie lorsqu’il fait mention des « exigences de l’EIMT ».
Il y est indiqué que le titre du poste est [traduction] « superviseur des services alimentaires ».
Pour ce qui est des exigences linguistiques en matière de communication orale et écrite, il est seulement indiqué « anglais »
. L’offre d’emploi que Pizza Hut a présentée au demandeur contient davantage de renseignements sur les fonctions du poste. Selon cette offre, un superviseur des services alimentaires doit notamment superviser le personnel, veiller au service de la nourriture et à la qualité de celle‑ci, former les employés, préparer les horaires de travail et embaucher du personnel.
[9] Le demandeur avait joint à sa demande de permis de travail ses résultats à l’IELTS, soit 4,5 en compréhension orale, 4 en compréhension écrite, 4,5 en expression écrite et 6 en expression orale, pour un résultat global de 5. Selon le système de notation de l’IELTS, un résultat global de 5 signifie que le demandeur a des compétences modestes. Il est indiqué ce qui suit :
[traduction]
-
·Le candidat a une maîtrise partielle de la langue et une compréhension globale dans la plupart des situations, mais est susceptible de commettre de nombreuses erreurs.
-
·Il devrait être en mesure d’avoir des échanges de base dans son domaine.
[10] Si l’on tient compte du profil du demandeur pour l’examen de ses résultats à l’IELTS, il convient de souligner qu’il a travaillé dans le domaine de la restauration au Sri Lanka pendant 20 ans.
[11] Contrairement aux affaires Nandha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1694, et Puyda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 82, l’agent en l’espèce avait à sa disposition une preuve des compétences linguistiques du demandeur, à savoir ses résultats à l’IELTS. Malgré cette preuve, on ne sait pas trop, à la lecture des motifs et des notes consignées dans le SMGC, comment l’agent a déterminé que les compétences linguistiques du demandeur n’étaient pas suffisantes pour le poste ni quelle norme il a utilisée pour évaluer ces compétences. Une décision raisonnable exige davantage qu’une simple affirmation selon laquelle les résultats du demandeur à l’IELTS sont insuffisants.
[12] Je conviens que les agents des visas jouissent d’un pouvoir discrétionnaire pour l’évaluation des demandes de permis de travail et que la Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des décisions qu’ils rendent. Toutefois, pour que la décision d’un agent soit jugée raisonnable, la Cour doit être en mesure d’examiner le processus décisionnel suivi et de dégager la justification qui sous‑tend la décision. Or, je me suis pas en mesure de le faire en l’espèce.
[13] Par conséquent, la décision de l’agent est déraisonnable.
III. Conclusion
[14] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-14076-23
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
-
La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision relative à la demande de permis de travail du demandeur est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.
-
Il n’y a aucune question à certifier.
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« Ann Marie McDonald » |
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Juge |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DOSSIER : |
IMM-14076-23 |
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INTITULÉ : |
GODWIN REGINOLD NAVARATHNAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 30 OCTOBRE 2024 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE MCDONALD |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 4 NOVEMBRE 2024 |
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COMPARUTIONS :
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Aman Sandhu |
POUR LE DEMANDEUR |
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Il Hoon Park |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Sandhu Law Office Surrey (Colombie-Britannique) |
POUR LE DEMANDEUR |
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Procureur général du Canada Vancouver (Colombie-Britannique) |
POUR LE DÉFENDEUR |