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Date : 20250408

Dossier : IMM-10834-24

Référence : 2025 CF 646

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 avril 2025

En présence de madame la juge Aylen

ENTRE :

YASMIN RASAPOOR

ALI TAHMASEBIFARD

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs, qui sont mariés et ont la citoyenneté iranienne, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas [l’agent] a refusé de leur délivrer les visas de résident temporaire de deux semaines qu’ils avaient demandés pour se rendre au Yukon afin d’y acquérir une entreprise. Ils ont indiqué qu’ils avaient l’intention, pendant leur séjour au Yukon, de rencontrer les propriétaires actuels de l’entreprise et des fonctionnaires territoriaux de l’immigration rattachés au Programme territorial de candidature à l’immigration pour gens d’affaires.

[2] Les demandes de visa de résident temporaire des demandeurs ont été rejetées par lettres datées du 22 avril 2024, dans lesquelles l’agent a déclaré qu’il n’était pas convaincu que les demandeurs répondaient aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Le refus s’appuyait plus précisément sur les raisons suivantes : (i) les demandeurs n’avaient pas de liens familiaux significatifs en dehors du Canada; (ii) l’objet de leur visite au Canada n’était pas compatible avec un séjour temporaire, d’après les détails fournis dans les demandes; (iii) l’agent n’était pas convaincu que les demandeurs avaient un but commercial légitime au Canada.

[3] L’essentiel de la décision de l’agent figure dans les notes qu’il a consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], notes qui font partie des motifs de la décision et sont identiques pour les deux demandeurs. Dans les notes du SMGC, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

J’ai examiné la demande. Je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour en tant que résident temporaire et je prends note de ce qui suit : l’objet du voyage est commercial et est censé durer deux semaines. Je précise que ce sont les membres de la famille immédiate du demandeur qui l’accompagneraient au Canada, ce qui affaiblit les liens du demandeur avec l’Iran de même que sa motivation à retourner dans ce pays. Le principal but du voyage pour le demandeur est d’effectuer une visite exploratoire au Yukon. L’épouse et les enfants mineurs du demandeur voyageront avec lui. Les antécédents de voyage du demandeur ne sont pas suffisants pour constituer un facteur favorable dans mon évaluation. Le but de la visite ne semble pas raisonnable compte tenu des renseignements donnés dans la demande et, par conséquent, je ne suis pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Après avoir soupesé les facteurs en jeu dans la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable.

[4] La seule question en litige est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit évaluer si la décision contestée, aussi bien sur le plan du raisonnement suivi que du résultat obtenu, est transparente, intelligible et justifiée. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti [voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 15, 85]. La Cour n’interviendra que si elle est convaincue que la décision souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence [voir Adeniji-Adele c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 418 au para 11].

[5] Les demandeurs reprochent à l’agent de ne pas avoir fourni de motifs suffisants pour justifier le refus de leur délivrer les visas de résident temporaire demandés et maintiennent qu’il n’y a aucun lien entre les motifs et les demandes. Ils affirment également que cette situation les porte à soupçonner que leurs demandes de visas de résident temporaire n’ont pas été examinées de près par l’agent, ou que ce dernier n’a pas pris en considération certains éléments de preuve essentiels qui lui avaient été présentés.

[6] Toutefois, il est bien établi en droit que les agents des visas doivent traiter un volume considérable de demandes et qu’on ne peut attendre d’eux qu’ils produisent de longs motifs. Ils sont présumés avoir tenu compte de toute la preuve portée à leur connaissance, même s’ils ne mentionnent pas certains éléments de preuve précis dans leurs décisions. Par conséquent, les agents sont simplement tenus de mettre en évidence les facteurs déterminants qui les ont amenés à tirer une conclusion défavorable à un demandeur et de justifier cette conclusion [voir Bahrami c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 957 au para 3]. Je suis convaincue que l’agent a respecté cette norme en l’espèce.

[7] En ce qui concerne l’analyse de leurs liens familiaux, les demandeurs soutiennent que l’agent a fait abstraction d’éléments de preuve attestant leurs liens importants en Iran. Toutefois, l’agent n’a jamais prétendu que les demandeurs n’avaient plus d’attaches familiales en Iran. Il a simplement souligné que les liens des demandeurs avec l’Iran seraient affaiblis par le fait que les époux voyageraient ensemble et accompagnés de leurs enfants (sans aucun doute les membres les plus importants de la famille) au Canada. Il s’agit d’une considération pertinente et d’une conclusion raisonnable tirée par l’agent [voir Nourani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 732 aux para 23–26].

[8] Les demandeurs affirment en outre que l’agent n’explique pas dans ses motifs pourquoi il a conclu que l’objet de leur visite n’était pas raisonnable. De plus, ils estiment qu’une telle conclusion était contredite par des éléments de preuve substantiels présentés à l’agent confirmant les raisons de leur séjour prévu au Canada. Je ne suis pas de cet avis. La seule explication donnée par les demandeurs quant à l’objet de leur visite figure dans leurs formulaires de demande respectifs, où ils déclarent qu’ils prévoient acquérir une entreprise au Yukon, qu’ils ont l’intention de rencontrer les propriétaires actuels de l’entreprise ainsi que les fonctionnaires territoriaux de l’immigration pour connaître les étapes ultérieures à suivre et qu’ils ont besoin [traduction] « de faire des vérifications sur tous les aspects de la vie au Yukon pour [leurs] enfants ».

[9] Le juge Martineau a précisé ce qui suit au paragraphe 5 de la décision Kheradpazhooh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1097 :

En soi, l’existence d’un but commercial légitime, étayé par des éléments de preuve objectifs, est certainement une raison valable pour solliciter la délivrance d’un visa de résidence temporaire pour effectuer un court séjour au Canada. L’étranger n’est pas obligé de fournir un itinéraire complet de la visite anticipée. Il n’est pas tenu non plus de démontrer qu’il a « une raison impérieuse » de visiter le Canada (Agidi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 691 au para 7; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1210 au para 15). Par contre, des motifs abstraits, flous ou non fondés sur des éléments de preuve objectifs, peuvent constituer un facteur, parmi d’autres, permettant à l’agent de conclure que l’étranger ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (Hamad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 600 aux paras 13‑16; Omijie v Canada (Citizenship and Immigration), 2018 FC 878 au para 16.

[10] Je conviens avec le défendeur que les raisons données par les demandeurs pour expliquer le but de leur voyage étaient floues et n’étaient pas étayées par des éléments de preuve objectifs, par exemple un plan d’affaires, une lettre d’intention ou un autre document qui décrivait l’objectif du voyage. Les demandeurs renvoient à la lettre de la Direction de l’immigration du gouvernement du Yukon, mais je ne considère pas que cette lettre contredit la conclusion tirée par l’agent, car elle était tout aussi vague que les déclarations faites par les demandeurs dans leurs formulaires de demande. Elle décrit simplement leur voyage comme étant une [traduction] « visite exploratoire » (comme l’a précisé l’agent dans les notes qu’il a versées dans le SMGC). Compte tenu de la preuve limitée dont disposait l’agent, j’estime que la décision de ce dernier concernant le but du voyage des demandeurs était raisonnable et suffisamment justifiée.

[11] Puisque les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de l’agent est déraisonnable, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[12] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-10834-24

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

« Mandy Aylen »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-10834-24

INTITULÉ :

YASMIN RASAPOOR, ALI TAHMASEBIFARD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2025

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE AYLEN

DATE DES MOTIFS :

LE 8 AVRIL 2025

COMPARUTIONS :

Ramanjit Sohi

 

POUR LES DEMANDEURS

Daniel Nuñez

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raman Sohi Law Corporation

Avocats

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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