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Date : 20250414


Dossier : IMM-13443-23

Référence : 2025 CF 691

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 avril 2025

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

OLUBUNMI OLUWATOSIN AGBATO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Olubunmi Oluwatosin Agbato, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 21 août 2023 par laquelle un agent de traitement des demandes (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente qu’elle avait présentée dans le cadre du Programme des candidats des provinces de la Saskatchewan. L’agent a conclu que la demanderesse avait fait de fausses déclarations sur un emploi précédent et qu’elle était interdite de territoire au Canada pour une période de cinq ans au titre de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] La demanderesse soutient que la décision de l’agent est déraisonnable et inéquitable sur le plan procédural.

[3] Je suis en partie d’accord avec la demanderesse. Pour les motifs exposés ci‑après, j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Contexte

[4] La demanderesse est une citoyenne du Nigéria. Elle a travaillé pendant plusieurs années comme responsable des ventes pour une entreprise de distribution (l’entreprise).

[5] Le 18 janvier 2023, la demanderesse a été invitée à présenter une demande de résidence permanente au Canada dans le cadre du Programme des candidats des provinces de la Saskatchewan. Sa demande a été reçue le 22 février 2023 et approuvée le 28 juin 2023.

[6] Le 14 août 2023, des représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) se sont rendus à l’entreprise pour effectuer une visite des lieux. La demanderesse avait fourni les deux adresses suivantes pour l’entreprise : « 1, Itapeju Street, Apapa, Lagos » (le bureau principal), et « R.O Lasis Building Railway Compound, [à côté de] Flour Mills Nigeria PLC, Apapa, Lagos » (le bureau secondaire). La demanderesse a expliqué que l’entreprise avait temporairement déplacé son personnel du bureau principal au bureau secondaire, car des rénovations étaient en cours au bureau principal.

[7] Les représentants d’IRCC ont trouvé le bureau principal, mais n’ont vu aucune enseigne de l’entreprise. Les personnes se trouvant sur les lieux ont affirmé n’avoir jamais entendu parler de l’entreprise. Rien n’indiquait aux représentants d’IRCC que des rénovations étaient en cours. Ceux-ci ont donc conclu que [traduction] « [l’entreprise] ne sembl[ait] pas avoir exercé ses activités à cette adresse dans le passé ».

[8] Les représentants d’IRCC ont voulu se rendre au bureau secondaire, mais n’ont pas pu trouver l’adresse donnée par la demanderesse. Ils ont cherché l’adresse de Flour Mills Nigeria PLC à l’aide de Google Maps et ont ainsi pu trouver le bâtiment RO Lasisi, qui correspondait aux photos du bureau secondaire fournies par la demanderesse. Ils ont consigné l’adresse du lieu visité de la façon suivante : « 2, Old Dockyard road, R O Lasisi Compound, Apapa », soit l’adresse de Flour Mills Nigeria PLC.

[9] Au bureau secondaire, les représentants d’IRCC ont parlé à une personne qui a affirmé qu’elle n’avait pas entendu parler de l’entreprise et que [traduction] « personne ne s’était installé dans les locaux récemment ». Les représentants d’IRCC, qui croyaient que l’entreprise s’était établie à cet endroit en juin 2023, ont conclu que [traduction] « [l’entreprise] ne sembl[ait] pas exercer ses activités à [cette] adresse ».

[10] Le 15 août 2023, IRCC a envoyé une lettre d’équité procédurale à la demanderesse. L’agent a mentionné que, à la suite d’une visite des lieux, [traduction] « IRCC a[vait] pu confirmer que [l’entreprise] n’existait pas ou qu’elle n’exerçait pas actuellement ses activités aux adresses fournies par [la demanderesse] ». L’agent a également déclaré dans la lettre que [traduction] « le fait que l’emploi [de la demanderesse] n’a[vait] pas pu être vérifié soul[evait] des doutes quant à la crédibilité de sa demande dans l’ensemble », et que « si IRCC conclu[ait] que [la demanderesse] a[vait] fait de fausses déclarations, […] elle pourrait être […] interdite de territoire au Canada pour cinq ans ».

[11] La demanderesse a répondu à la lettre d’équité procédurale le 19 août 2023. Elle a déclaré qu’elle avait démissionné de son poste et pris des dispositions pour se rendre au Canada avec sa famille après l’approbation initiale de sa demande de résidence permanente. Elle a fourni l’explication qui suit : [traduction] « [L]es personnes rencontrées par les [représentants d’IRCC] au [bureau principal] n’ont peut-être pas été en mesure de […] confirmer les noms des différentes entreprises ayant un bureau dans le bâtiment », car « de nombreuses entreprises qui y exerçaient leurs activités […] ont fermé leurs portes » et le bâtiment « est presque désert ». Elle a déclaré que le bureau secondaire était situé à l’adresse suivante : « Flat 4, R.O Lasisi Building Railway Compound, [à côté de] Flour Mills Nigeria PLC, Apapa Lagos. » Elle a de nouveau transmis des photos du bureau secondaire. Elle a également fourni plusieurs nouveaux documents, dont des accusés de réception des déclarations de revenus annuels de l’entreprise, des documents relatifs à diverses transactions, ainsi qu’une lettre et une carte professionnelle du directeur général de l’entreprise.

[12] Le 21 août 2023, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse pour les motifs suivants :

[traduction]

Après vérification, IRCC a pu confirmer que votre expérience professionnelle au sein de [l’entreprise] n’était pas authentique. […] Une visite des lieux a notamment été effectuée, et personne n’a été en mesure de confirmer si [l’entreprise] avait déjà exercé ses activités à l’une ou l’autre des adresses fournies. La présentation de fausses déclarations à propos de votre expérience de travail a entraîné une erreur dans l’application de la [LIPR], à savoir l’approbation initiale de votre demande de résidence permanente. […] Vous êtes interdite de territoire au Canada pour une période de cinq ans à compter de la date de la présente lettre.

III. Questions préliminaires

A. Les nouveaux éléments de preuve que la demanderesse souhaite présenter ne sont pas admissibles

[13] La demanderesse cherche à présenter de nouveaux éléments de preuve provenant du directeur général de l’entreprise. Ces éléments n’étaient pas à la disposition de l’agent. Elle fait valoir que les nouveaux éléments de preuve devraient être admissibles, car ils « sont nécessaires pour que la Cour puisse évaluer correctement l’accusation de l’agent » selon laquelle elle aurait fait de fausses déclarations (Dimgba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 14 au para 10). Elle soutient en outre que ces nouveaux éléments de preuve relèvent de l’exception relative à l’équité procédurale énoncée dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 (Access Copyright).

[14] Le défendeur s’oppose à l’admission des nouveaux éléments de preuve que la demanderesse cherche à présenter, car ils visent à contester la décision de l’agent sur le fond et ne relèvent d’aucune exception établie dans l’arrêt Access Copyright (au para 20).

[15] Le défendeur a raison. Comme l’a affirmé la demanderesse, la production des nouveaux éléments de preuve vise à [traduction] « démontrer l’existence […] de [l’entreprise] » étant donné « les doutes de [l’agent à cet égard] et quant à l’emploi de la demanderesse ». Ces éléments de preuve ont donc trait au fond de la décision de l’agent et ne seront pas examinés par la Cour.

B. Le défendeur qu’il convient de désigner est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

[16] Le défendeur soutient, et la demanderesse est d’accord, que le défendeur qu’il convient de désigner dans la présente affaire est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, et non le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Par conséquent, l’intitulé est modifié de manière à désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur, avec effet immédiat (LIPR, art 4(1)); Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, art 76a); Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, art 5(2)b)).

IV. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[17] En l’espèce, les questions en litige sont celles de savoir si la décision de l’agent est raisonnable et équitable sur le plan procédural.

[18] Les parties font valoir que la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent sur le fond est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux para 16–17, 23–25). Je suis d’accord.

[19] La question de l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 (Chemin de fer Canadien Pacifique) aux para 37–56; Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35). Je suis d’avis que cette conclusion est conforme aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov (aux para 16–17).

[20] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov, aux para 12–13). La cour de révision doit déterminer si la décision faisant l’objet du contrôle, tant en ce qui concerne le raisonnement suivi que le résultat obtenu, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88–90, 94, 133–135).

[21] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Les erreurs que comporte une décision ou les préoccupations qu’elle soulève ne justifient pas toutes une intervention judiciaire. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve qui était à la disposition du décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait tirées par celui‑ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision ni constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100).

[22] En revanche, le contrôle selon la norme de la décision correcte ne commande aucune déférence. La cour appelée à statuer sur des questions d’équité procédurale doit essentiellement se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 RCS 817 (aux para 21–28); voir aussi l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54.

V. Analyse

[23] La demanderesse fait valoir que l’agent a commis une erreur en s’appuyant sur le résultat défavorable des vérifications effectuées lors de la visite des lieux. Selon elle, les représentants d’IRCC se sont rendus à la mauvaise adresse pour la visite du bureau secondaire, ont agi de manière déraisonnable en se fiant à des passants pour vérifier l’existence de l’entreprise, et ont mal interprété ses observations lorsqu’ils ont affirmé que l’entreprise s’était installée dans le bureau secondaire en juin 2023. La demanderesse soutient que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve documentaire, qu’il a formulé des hypothèses sur la nature de l’entreprise et qu’il a arbitrairement accordé plus de poids à la visite des lieux qu’à d’autres éléments de preuve. De plus, elle fait valoir que l’agent a violé ses droits procéduraux en ne lui permettant pas de répondre aux doutes qu’il avait soulevés en lien avec sa réponse à la lettre d’équité procédurale et en refusant d’effectuer une visite supplémentaire des lieux après la réception de celle-ci.

[24] Le défendeur soutient que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle. Il fait valoir que les représentants d’IRCC se sont rendus à la bonne adresse pour effectuer la visite du bureau secondaire et que l’agent n’a pas commis d’erreur en s’appuyant sur leurs conclusions. Le défendeur soutient que la décision de rejeter la demande de résidence permanente est raisonnable compte tenu de la preuve changeante de la demanderesse concernant l’adresse de l’entreprise, et que la demanderesse cherche simplement à ce que la Cour apprécie à nouveau la preuve qui était à la disposition de l’agent. Il soutient en outre qu’il n’y a eu aucun manquement à l’obligation d’équité procédurale, puisque l’agent avait le droit de trancher la demande de résidence permanente selon les éléments de preuve à sa disposition et que celui-ci n’était pas tenu de demander des précisions à la demanderesse ni de procéder à des vérifications supplémentaires.

[25] Je suis en partie d’accord avec la demanderesse. Le défendeur fait remarquer à juste titre qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale et que les représentants d’IRCC se sont rendus à la bonne adresse pour effectuer la visite du bureau secondaire, mais je juge qu’il n’était pas raisonnable pour l’agent de s’appuyer sur la visite des lieux pour rendre sa décision.

[26] Les observations de la demanderesse relativement à l’équité procédurale sont sans fondement. L’agent n’était pas tenu d’informer la demanderesse des lacunes dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale (Walia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1171 au para 17). Comme l’a fait observer la Cour au paragraphe 9 de la décision Thandal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 489 :

Il est de droit constant que le demandeur a le fardeau d’établir le bien-fondé de sa cause. De façon générale, un demandeur a une seule occasion d’établir le bien-fondé de sa cause, ce qui ne devrait pas donner lieu à une sorte de récit en développement qui évolue de réponse en sur-réponse et ainsi de suite. […] Il n’y a rien d’inéquitable à ce que l’agent ait décidé de l’affaire selon la preuve déposée par la demanderesse à l’époque.

[27] De même, l’agent n’était pas tenu d’effectuer une visite supplémentaire du bureau secondaire après que la demanderesse lui eut donné une nouvelle adresse dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale. La demanderesse a elle-même déclaré que le changement d’adresse n’était [traduction] « ni important ni contraire à l’adresse [précédemment] fournie ». Il était donc loisible à l’agent de conclure qu’aucune vérification supplémentaire n’était nécessaire. Cette conclusion n’a pas donné lieu à une violation des droits procéduraux de la demanderesse.

[28] Dans ses observations orales, l’avocat de la demanderesse a maintes fois déclaré que l’agent avait fabriqué des éléments de preuve contre cette dernière. Il s’agit d’une accusation grave dénuée de fondement. Rien dans le dossier n’indique que des éléments de preuve ont été fabriqués dans le but de nuire à la demanderesse. La demanderesse n’a pas établi que la décision de l’agent était entachée d’un vice de procédure, et certainement pas d’un vice aussi grave que la fabrication d’éléments de preuve.

[29] De même, la demanderesse n’a pas établi que les représentants d’IRCC s’étaient rendus à la mauvaise adresse pour effectuer la visite du bureau secondaire. À l’appui de cette affirmation, la demanderesse fait remarquer que l’adresse fournie dans les documents relatifs à sa demande de résidence permanente diffère de celle consignée dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC). Cependant, l’adresse fournie par la demanderesse ne comportait ni numéro d’immeuble ni nom de rue. Cette dernière avait simplement mentionné que le bureau secondaire était situé à l’endroit suivant : « R.O Lasis Building Railway Compound, [à côté de] Flour Mills Nigeria PLC ». Les représentants d’IRCC n’ont pu trouver le bâtiment R.O. Lasisi qu’à l’aide de l’adresse de Flour Mills Nigeria PLC. Un affidavit souscrit par l’un des représentants d’IRCC confirme que l’adresse figurant dans les notes du SMGC est celle de Flour Mills Nigeria PLC, mais que la visite des lieux a été effectuée au bâtiment R.O. Lasisi, qui correspond aux photos du bureau secondaire fournies par la demanderesse. Par conséquent, je ne suis pas d’avis que les représentants d’IRCC se sont rendus à la mauvaise adresse pour effectuer la visite du bureau secondaire, malgré le fait que l’adresse fournie par la demanderesse diffère de celle figurant dans les notes du SMGC.

[30] Je suis toutefois d’accord avec la demanderesse pour dire qu’il était déraisonnable pour l’agent de s’appuyer sur la visite des lieux pour rendre sa décision. Lors de la visite du bureau principal, les représentants d’IRCC se sont fiés aux renseignements fournis par des personnes qui ne connaissaient manifestement pas bien les environs. Par exemple, les représentants d’IRCC ont parlé au commis d’un magasin qui avait donné la mauvaise adresse pour le bâtiment dans lequel se trouvait le bureau principal. Les représentants d’IRCC ont aussi discuté avec une réceptionniste qui [traduction] « n’était pas en mesure de [leur] dire le nom de son propre employeur ». Malgré la déclaration de la demanderesse, dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale, selon laquelle les personnes se trouvant dans le bâtiment où est situé le bureau principal ne connaîtraient pas les entreprises y exerçant leurs activités, et malgré des indications claires portant que ces personnes ne connaissaient effectivement pas les occupants du bâtiment, l’agent s’est appuyé sur les renseignements fournis par ces personnes pour rejeter la demande de résidence permanente de la demanderesse. À mon avis, il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle.

[31] Cette erreur ne suffirait pas, à elle seule, à rendre la décision déraisonnable. Toutefois, je juge que l’agent a commis d’autres erreurs liées au bureau secondaire. À cet endroit, les représentants d’IRCC ont parlé à quelqu’un ayant affirmé que [traduction] « personne ne s’était installé dans les locaux récemment ». L’agent a souscrit à la conclusion des représentants d’IRCC selon laquelle l’entreprise ne devait pas [traduction] « exercer ses activités à cette adresse », puisque la demanderesse avait « affirmé » que l’entreprise s’était « installée là récemment ». Cependant, la demanderesse n’a rien affirmé de tel. Dans une lettre d’explication du 27 juin 2023, la demanderesse a déclaré que [traduction] « la direction a[vait] récemment décidé que les membres du personnel du [bureau principal] allaient travailler au [bureau secondaire] situé dans la même localité ». À mon avis, la demanderesse traitait du déplacement du personnel d’un bureau à un autre, et non de l’ouverture d’un nouveau bureau à un endroit où aucun n’existait auparavant.

[32] Outre les lacunes relatives à la visite des lieux, je juge que l’agent s’est mépris sur la preuve documentaire présentée par la demanderesse. Dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale, la demanderesse a fourni deux lettres accusant réception des déclarations de revenus annuels de l’entreprise. L’agent a conclu [traduction] « [qu’i]l n’[était] pas normal qu’une entreprise transmette à une ancienne employée des documents fiscaux contenant des renseignements confidentiels ». Je fais observer que les deux accusés de réception ne contiennent aucun renseignement confidentiel. Il ne s’agit pas non plus de documents fiscaux, puisqu’ils confirment simplement la [traduction] « réception [des] déclaration[s] de revenus annuels de [l’entreprise] » pour 2020 et 2021.

[33] À mon avis, l’effet cumulatif de ces erreurs fait en sorte que la décision de l’agent n’est ni intelligible ni justifiée (Vavilov, au para 99). En l’espèce, les lacunes dans l’analyse de l’agent sont particulièrement importantes en raison des conséquences sérieuses de la décision sur la demanderesse. À cause de la décision de l’agent, la demanderesse est interdite de territoire au Canada pour cinq ans. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a fait observer que « [l]orsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux » (Vavilov, au para 133). Dans la présente affaire, la décision de l’agent ne reflète pas adéquatement les « enjeux » auxquels fait face la demanderesse.

VI. Conclusion

[34] J’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire. L’agent s’est mépris sur les documents présentés par la demanderesse et la preuve au dossier, et il était déraisonnable pour lui de s’appuyer sur le résultat défavorable des vérifications effectuées dans le cadre d’une visite déficiente des lieux (Vavilov, aux para 127, 126).


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-13443-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est désigné à titre de défendeur avec effet immédiat.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-13443-23

 

INTITULÉ :

OLUBUNMI OLUWATOSIN AGBATO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2025

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 AVRIL 2025

 

COMPARUTIONS :

Babajide Kupoluyi

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Maria Green

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JK LAW

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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