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Date : 20250425


Dossier : IMM-4069-24

Référence : 2025 CF 732

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2025

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

DA XIANG SHEN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Da Xiang Shen [M. Shen], sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 9 février 2024 par laquelle la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté son appel visant la mesure d’exclusion prise par la Section de l’immigration [la SI]. Cette dernière a conclu que M. Shen avait fait une présentation erronée sur le nombre de jours passés au Canada dans sa demande de renouvellement de sa carte de résident permanent. La SAI a conclu que M. Shen avait fait une fausse déclaration au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], et que les motifs d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur la fausse déclaration et ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Nombre des arguments soulevés par M. Shen devant la Cour sont les mêmes que ceux qu’il a soulevés devant la SAI et que celle-ci a examinés et rejetés. La décision de la SAI, à savoir que M. Shen a fait une fausse déclaration et que les motifs d’ordre humanitaire ne justifient pas la prise de mesures spéciales et discrétionnaires à l’encontre de la conclusion d’interdiction de territoire, est raisonnable; la SAI a justifié sa conclusion de fausse déclaration au regard des faits et du droit et a raisonnablement conclu que la prise de mesures spéciales n’était pas justifiée dans les circonstances. La SAI n’a pas négligé ni mal interprété les considérations et faits pertinents.

I. Le contexte

[3] M. Shen, un citoyen chinois de 76 ans, est devenu résident permanent du Canada en 2003. Cependant, il a passé très peu de temps au pays après avoir obtenu la résidence permanente.

[4] En 2011, M. Shen a retenu les services de Sunny Wang, un consultant en immigration, pour renouveler sa carte de résident permanent. M. Shen a signé des formulaires vierges que Sunny Wang a remplis et présentés en son nom. La carte de M. Shen a été renouvelée, alors que M. Shen avait passé la majorité (si ce n’est la totalité) des cinq années précédentes à l’étranger.

[5] Le dossier de M. Shen a attiré l’attention de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] lors de son enquête sur la fraude à grande échelle orchestrée par Sunny Wang en matière d’impôt et d’immigration. Le dossier de M. Shen a été déféré à la SI pour enquête.

[6] Le 31 août 2022, la SI a conclu que M. Shen avait fait une présentation erronée sur le nombre de jours qu’il avait passés hors du Canada dans sa demande de 2011, en contravention avec l’alinéa 40(1)a) de la Loi, et a pris une mesure d’exclusion (aussi appelée « mesure de renvoi »).

[7] La SAI a rejeté l’appel de M. Shen le 9 février 2024.

II. La décision faisant l’objet du contrôle

[8] La SAI a noté que M. Shen était marié, que la femme à qui il était marié depuis 50 ans était une résidente permanente du Canada et que ses deux fils, ses cinq petits-enfants et plusieurs membres de sa famille vivaient au Canada. Elle a reconnu que M. Shen avait déclaré avoir vécu chez l’un de ses fils de 2004 à 2014 quand il était au Canada et avoir acheté un appartement au Canada en 2014, où il habite maintenant quand il séjourne au pays. M. Shen a reconnu que son établissement au Canada découlait du temps qu’il y avait passé au cours des 10 dernières années; il n’a présenté aucun élément de preuve de son établissement antérieur.

[9] La SAI a mentionné que, à l’audience, l’avocat de M. Shen avait mentionné qu’il ne contesterait pas la validité en droit de la mesure de renvoi si l’avocat du ministre acceptait que l’appel soit accueilli pour des motifs d’ordre humanitaire. Comme les avocats ne se sont pas entendus, M. Shen a contesté la validité de la mesure de renvoi (fondée sur la fausse déclaration) et a soutenu que si la SAI jugeait le renvoi valide, elle devrait accueillir son appel pour des motifs d’ordre humanitaire.

[10] La SAI a mentionné avoir reçu des observations écrites détaillées à la suite de l’audience et en avoir tenu compte.

[11] La SAI a jugé que la décision de la SI de prendre une mesure d’exclusion était valide en droit étant donné que M. Shen avait fait une fausse déclaration importante.

[12] La SAI a pris acte des observations détaillées de l’avocat de M. Shen, qui s’appuyait sur l’arrêt Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 [Mason]. Elle a traité des observations de M. Shen selon lesquelles l’alinéa 40(1)a) n’est pas une [traduction] « option de rechange » (backstop) dans le contexte d’un manquement à l’obligation de résidence prévue à l’article 28. (M. Shen a adopté le terme « backstop » figurant dans la version anglaise du jugement de la Cour fédérale (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1251), où le juge Grammond a déclaré au paragraphe 62 : « Parliament did not intend the inadmissibility provisions [en faisant référence au paragraphe 34(1)] to be a backstop for the failures of the criminal justice system ». Le terme « backstop » n’a pas été employé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mason. M. Shen semble l’utiliser pour faire valoir que la Cour ne devrait pas se servir de l’interdiction de territoire pour fausses déclarations comme moyen de substitution ou solution de rechange à une interdiction de territoire pour manquement à l’obligation de résidence).

[13] La SAI a fait observer que, dans la demande qu’il avait présentée en 2011 pour renouveler sa carte de résident permanent, M. Shen avait mentionné qu’il avait séjourné à l’extérieur du Canada pendant 948 jours au cours de la période visée, alors qu’il avait été hors du pays beaucoup plus longtemps. Bien que M. Shen ait nié avoir été à l’étranger pour la totalité de la période visée (une absence qualifiée de « manquement total »), la SAI a fait remarquer que nul ne contestait que M. Shen avait « considérablement » sous-déclaré le nombre de jours qu’il avait passés à l’extérieur du Canada.

[14] De l’avis de la SAI, M. Shen avait une obligation de franchise et a indirectement fait une présentation erronée en signant des formulaires vierges et en les fournissant à Sunny Wang. La SAI a conclu que cette présentation erronée était importante et avait empêché les autorités de l’immigration de se renseigner afin de savoir s’il avait respecté son obligation de résidence. La SAI a conclu que l’alinéa 40(1)a) n’était pas une option de rechange à l’article 28 de la Loi, contrairement à ce qu’a fait valoir l’avocat. Elle était d’avis que l’arrêt Mason n’aidait pas la cause du demandeur.

[15] La SAI a examiné l’argument de M. Shen selon lequel il y a une distinction à faire entre la fausse déclaration visant l’acquisition du statut de résident permanent et la fausse déclaration visant le renouvellement de la carte de résident permanent; l’avocat de M. Shen a qualifié cette dernière de [traduction] « fausse déclaration non fondamentale ». La SAI a aussi examiné l’argument de M. Shen selon lequel une « fausse déclaration non fondamentale » devrait être considérée comme moins grave lorsqu’il s’agit d’examiner s’il y a des motifs d’ordre humanitaire l’emportant sur la fausse déclaration.

[16] La SAI a noté que, bien que M. Shen ait reconnu que sa fausse déclaration n’était pas visée par l’exception restreinte relative à la fausse déclaration faite de bonne foi, il a soutenu qu’il n’avait eu aucun contrôle sur sa demande après avoir signé le formulaire vierge que Sunny Wang avait ensuite présenté.

[17] La SAI a tenu compte de l’observation de M. Shen à savoir que, si l’ASFC avait fait enquête et découvert sa fausse déclaration en 2011, il n’aurait pas été exposé à une interdiction de revenir au Canada pendant cinq ans, mais plutôt à l’interdiction de deux ans qui s’appliquait à ce moment-là. De l’avis de la SAI, il n’incombait pas à l’ASFC de découvrir plus tôt la fausse déclaration; c’était plutôt à M. Shen qu’il incombait de fournir des renseignements exacts dans sa demande visant à renouveler sa carte de résident permanent. La SAI a rappelé que M. Shen avait fait une présentation erronée sur le nombre de jours qu’il avait passés hors du Canada et que, ce faisant, il avait évité que les autorités de l’immigration posent davantage de questions.

[18] La SAI a également noté que les autres arguments invoqués par l’avocat de M. Shen concernant la validité en droit de la mesure de renvoi étaient les mêmes que ceux qu’il avait invoqués devant la SI et qui avaient déjà été examinés et rejetés par la Cour fédérale dans d’autres affaires.

[19] La SAI a ensuite examiné les facteurs d’ordre humanitaire pertinents : la gravité de la fausse déclaration, les remords exprimés par M. Shen, l’intérêt supérieur de tout enfant touché, l’établissement au Canada et les difficultés que représenterait le renvoi.

[20] La SAI a jugé que la fausse déclaration était grave, car l’intégrité du système d’immigration et la sécurité de la population canadienne reposent sur la communication de renseignements exacts. Selon la SAI, M. Shen avait une obligation de franchise et, en donnant à Sunny Wang des formulaires vierges signés, il a commis un manquement grave. La SAI a souligné que, vu la gravité du manquement, M. Shen devait démontrer l’existence de motifs d’ordre humanitaire importants pour que l’appel soit accueilli.

[21] La SAI a estimé que M. Shen, dans l’ensemble, éprouvait des remords pour ses actes et a reconnu qu’il aurait dû se montrer plus prudent lorsqu’il a retenu les services de Sunny Wang. La SAI a jugé que ce facteur militait légèrement en sa faveur.

[22] Quant à l’intérêt supérieur de l’enfant, la SAI a fait remarquer que les enfants de M. Shen sont adultes, que deux de ses cinq petits-enfants ont plus de 18 ans et que certains petits-enfants vivent à Toronto et d’autres à Vancouver. La SAI a noté que M. Shen avait volontairement choisi de passer beaucoup de temps loin de ses petits-enfants pendant les années décisives de leur développement et a également été absent pendant de longues périodes plus récemment. La SAI a jugé que rien ne démontrait que l’absence de M. Shen avait causé des problèmes à ses petits-enfants. Elle a conclu que l’intérêt supérieur de l’enfant était un facteur neutre.

[23] La SAI a jugé que, bien que M. Shen ait passé un certain temps au Canada dans les 10 dernières années, qu’il ait acheté une maison en 2014 et qu’il ait de la famille et des proches au pays, son établissement au Canada demeure limité. La SAI a mentionné que l’évaluation de l’établissement s’effectue au cas par cas et que, lorsqu’une personne est à la retraite, son établissement n’est pas évalué en fonction de son emploi et de son revenu. Toutefois, la SAI a fait remarquer que M. Shen avait choisi de séjourner en Chine pendant de longues périodes pour recevoir un traitement médical, qu’il y possédait une maison, que son établissement là-bas était important et qu’il avait peu participé à la vie communautaire au Canada. La SAI a conclu que l’établissement limité de M. Shen militait contre la prise de mesures spéciales.

[24] La SAI a reconnu que M. Shen et sa famille au Canada subiraient certaines difficultés s’il était renvoyé du Canada, mais a affirmé que ces difficultés étaient inhérentes au renvoi. Elle a reconnu que M. Shen avait 76 ans et était en mauvaise santé, mais a jugé que son observation selon laquelle, en raison de ses problèmes de santé, il ne pourrait se faire parrainer au Canada dans cinq ans quand la mesure d’exclusion prendra fin relevait de la conjecture.

[25] La SAI a également pris acte des observations de M. Shen concernant les répercussions pour son épouse, qui est résidente permanente et devra faire le choix entre rester au Canada pour conserver son statut ou retourner en Chine. La SAI a jugé que l’épouse de M. Shen avait suffisamment de flexibilité pour conserver son statut tout en passant du temps en Chine.

[26] La SAI a souligné là encore que M. Shen possédait une maison en Chine et y avait vécu la majeure partie de sa vie et qu’il n’avait présenté aucun élément de preuve démontrant qu’il subira des difficultés en Chine. Il serait séparé des membres de sa famille au Canada, mais il pourrait garder contact avec eux et sa famille pourrait lui rendre visite. La SAI a conclu que cette difficulté constituait un facteur neutre dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire.

[27] La SAI a accordé « peu de poids » à l’argument de M. Shen voulant que l’interdiction de revenir au Canada pendant cinq ans découlant de la conclusion de fausse déclaration ne devrait pas lui être imposée puisque qu’il s’agit d’un [traduction] « effet rétroactif ». La SAI a rappelé que M. Shen avait l’obligation de communiquer des renseignements véridiques dans sa demande (présentée en 2011) et ne peut faire valoir que l’interdiction de deux ans en vigueur à l’époque s’applique à lui au motif qu’il incombait à l’ASFC de découvrir sa fausse déclaration plus tôt.

[28] La SAI a conclu que la mesure de renvoi était valide et que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas, « vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales », soulignant que les facteurs défavorables l’emportaient sur les facteurs favorables.

III. Les observations du demandeur

[29] M. Shen soutient que la décision de la SAI est déraisonnable. Il prétend que la SAI a conclu à tort qu’il avait fait une fausse déclaration et que les motifs d’ordre humanitaire en l’espèce ne justifiaient pas que l’appel soit accueilli, notamment parce qu’elle s’est fondée sur des faits inexacts qui pouvaient avoir une incidence sur le poids accordé aux motifs d’ordre humanitaire.

[30] M. Shen soutient également que la SAI a manqué à son obligation d’équité procédurale parce qu’elle n’a pas envisagé de surseoir à son renvoi en application du paragraphe 68(1) comme mesure subsidiaire à une décision favorable en appel et parce qu’elle n’a pas examiné si la conclusion de fausse déclaration aurait dû entraîner une interdiction de deux ans seulement plutôt que de cinq ans.

A. La conclusion de fausse déclaration et la confirmation de la mesure de renvoi par la SAI ne sont pas raisonnables

[31] M. Shen soutient que la SAI n’a pas évalué les questions de droit qu’il a soulevées, dont celle concernant l’incidence de l’arrêt Mason sur l’interprétation de la fausse déclaration au sens du paragraphe 40(1).

[32] M. Shen soutient que la SAI n’a pas tenu compte du fait que le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mason concernant l’alinéa 34(1)e) de la Loi (interdiction de territoire pour raison de sécurité) devrait s’appliquer à l’interprétation de l’article 40. Dans les observations écrites qu’il a présentées à la SAI après l’audience, M. Shen a semblé soutenir, quoique de façon vague, qu’il devrait y avoir un lien entre la conclusion d’interdiction de territoire pour fausse déclaration et la conclusion d’interdiction de territoire pour manquement à l’obligation de résidence, tout comme la Cour suprême a statué dans l’arrêt Mason qu’il devait y avoir un lien entre la conduite visée à l’alinéa 34(1)e) et la sécurité nationale.

[33] Dans ses observations à la SAI, M. Shen a soutenu que, par analogie à l’arrêt Mason, la Cour ne peut se servir de l’alinéa 40(1)a) comme [traduction] « option de rechange » pour conclure à l’interdiction de territoire. Il affirme que si le résident permanent n’a pas manqué à son obligation de résidence prévue à l’article 28, une conclusion de fausse déclaration suivant l’alinéa 40(1)a) ne devrait pas servir à le juger interdit de territoire.

[34] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Shen affirme que la SAI a eu tort de ne pas examiner cet argument, qu’il juge central, et de simplement déclarer que les tribunaux l’avaient rejeté. Il soutient que les principes de justification et de transparence obligeaient la SAI à « tenir valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties ».

[35] M. Shen soutient que, à tout le moins, la SAI devait déterminer si, en tant que résident permanent, il devait être renvoyé du Canada pour avoir évité que les autorités de l’immigration posent davantage de questions sur sa possible interdiction de territoire plutôt que parce qu’il était réellement interdit de territoire.

[36] M. Shen soutient aussi qu’il existe une distinction entre les résidents permanents et les étrangers et que l’intention du législateur était que les résidents permanents ne perdent leur statut que pour des actes précis entraînant l’interdiction de territoire, comme la criminalité ou le non-respect de l’obligation de résidence, et non uniquement pour une réticence sur des renseignements. M. Shen souligne qu’un résident permanent a plus à perdre qu’un étranger qui n’a jamais mis les pieds au Canada. Il prétend que le critère pour qu’un résident permanent soit jugé interdit de territoire [traduction] « pourrait être » qu’il ait sciemment fait une présentation erronée.

[37] M. Shen ajoute que les articles 11 et 16 de la Loi concernant l’obligation de franchise ne s’appliquent pas aux résidents permanents, ni l’article 41.

B. L’erreur de bonne foi aurait dû être prise en compte

[38] Selon M. Shen, la SAI a affirmé à tort qu’il avait admis que l’exception relative à la fausse déclaration faite de bonne foi ne s’appliquait pas. Il soutient qu’il aurait fallu en tenir compte dans le contexte de l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire. Il ajoute qu’il n’a pas eu l’occasion de voir les formulaires présentés par Sunny Wang et qu’il n’était pas au courant de la fausse déclaration.

C. La SAI a commis une erreur en faisant référence au « manquement total »

[39] M. Shen prétend que la SAI a mal interprété le contexte factuel et les dispositions législatives et a commis une erreur en faisant référence au « manquement total » de sa part. M. Shen affirme que cette expression semble indiquer qu’il n’a pas du tout respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28, ce qui ne tient pas compte du fait que cette disposition permet la prise en considération de circonstances d’ordre humanitaire. Il ne s’agit pas simplement de calculer le nombre de jours passés hors du Canada, ce qu’il conteste aussi. M. Shen affirme que cette erreur factuelle mine la décision de la SAI.

D. La conclusion de la SAI relativement aux motifs d’ordre humanitaire est déraisonnable

[40] M. Shen soutient que l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire réalisée par la SAI et sa conclusion voulant que ceux-ci ne justifient pas la prise de mesures spéciales sont déraisonnables. Il prétend que la SAI a fait abstraction de ses observations et s’est fondée sur des renseignements inexacts. Il nie demander une nouvelle appréciation des facteurs d’ordre humanitaire; il demande plutôt à la Cour de tenir compte des facteurs d’après des faits exacts.

[41] M. Shen soutient que les erreurs de fait [traduction] « flagrantes » commises par la SAI ont influencé son évaluation de la gravité du manquement, de l’établissement et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’appuie sur la décision Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 358 [Li], où la juge McVeigh a jugé que la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur avait signé un formulaire vierge constituait une erreur de fait grave qui avait influé sur l’évaluation de la crédibilité et d’autres conclusions.

[42] M. Shen prétend de nouveau que, dans son évaluation de la gravité de la fausse déclaration, la SAI n’a pas pris en considération la distinction entre la fausse déclaration [traduction] « fondamentale » et la fausse déclaration « non fondamentale ». Il soutient que sa fausse déclaration est « non fondamentale » et moins grave.

[43] M. Shen affirme également que la SAI a considéré à tort son établissement au Canada comme un facteur défavorable, sur le fondement de faits inexacts.

[44] M. Shen soutient que la SAI a jugé à tort qu’il avait été absent du Canada pendant deux ans. Il affirme être retourné en Chine à la fin de 2021 et y être resté jusqu’au début de 2023, ce qui n’équivaut pas à une période de deux ans; il y est retourné pour recevoir un traitement médical traditionnel pour son mal de dos et parce qu’il était plus à l’aise dans la langue du pays. Il mentionne aussi sa participation à des cours d’anglais pour démontrer qu’il a séjourné au Canada à d’autres périodes.

[45] M. Shen prétend que la SAI a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas établi au Canada, alors qu’il est retraité, qu’il a une maison au pays, qu’il suit des cours d’anglais depuis plusieurs années et que de nombreux membres de sa famille vivent au Canada. Il affirme que la SAI n’a pas tenu compte du fait qu’il est au Canada pour suivre des cours d’anglais, qu’il a commencés en 2012, qu’il s’investit auprès de ses petits-enfants, qu’il a acheté une maison et qu’il est très proche de sa famille. M. Shen soutient aussi que la SAI a fait abstraction de ses observations concernant le restaurant de son fils, commerce qui connaît du succès et qui, selon ses observations, soutient son propre établissement au Canada.

[46] En ce qui a trait à l’intérêt supérieur de ses petits-enfants, M. Shen affirme que la SAI n’a pas appliqué les directives de la Cour suprême du Canada énoncées dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], et n’a pas tenu compte du rôle d’un grand-père dans une famille chinoise traditionnelle.

[47] M. Shen soutient que la SAI a aussi omis de tenir compte de l’objectif de réunification familiale et de l’incidence de cette réunification comme facteur d’ordre humanitaire. Il ajoute que la SAI n’a pas pris en compte l’incidence de son renvoi sur lui, son épouse, ses enfants et ses petits-enfants. Il souligne qu’il fait partie intégrante de la réussite de son fils au Canada, que c’est son fils qui l’a parrainé au départ et qu’il s’est investi davantage auprès de ses petits-enfants ces dernières années. M. Shen est d’avis que la SAI n’a pas tenu compte de l’incidence de son renvoi sur son épouse, avec qui il est marié depuis 50 ans et dont le statut de résident permanent au Canada pourrait être compromis si elle retournait avec lui en Chine.

E. La SAI a manqué à son obligation d’équité procédurale

[48] M. Shen soutient que la SAI a manqué à son obligation d’équité procédurale parce qu’elle n’a pas envisagé, à titre subsidiaire, de surseoir au renvoi en application de l’article 68 de la Loi. Il affirme que des motifs d’ordre humanitaire et d’autres considérations appuient cette réparation subsidiaire.

[49] M. Shen ajoute que la SAI a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne prenant pas en considération, dans le contexte des motifs d’ordre humanitaire, l’iniquité des conséquences d’une conclusion de fausse déclaration, qui l’empêcherait de revenir au Canada pendant cinq ans, par opposition à l’interdiction de deux ans qui s’appliquait au moment où il a fait sa fausse déclaration.

[50] M. Shen fait également valoir que la SAI a manqué à son obligation d’équité procédurale en jugeant que l’interdiction de cinq ans s’appliquait rétroactivement à sa fausse déclaration. Il soutient que sa demande pour renouveler sa carte de résident permanent a été signalée en 2012 à des fins de suivi, mais l’ASFC n’a fait enquête que bien plus tard. Il s’appuie sur la décision Zeng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1586 [Zeng], qui, selon lui, étaye le point de vue selon lequel l’interdiction de deux ans devrait s’appliquer étant donné que la fausse déclaration a été faite avant 2014.

IV. Les observations du défendeur

[51] Le défendeur soutient que la SAI a raisonnablement jugé que la mesure de renvoi était valide vu la conclusion de fausse déclaration et que les facteurs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas que l’appel soit accueilli.

[52] Le défendeur fait valoir que M. Shen a soulevé les mêmes arguments devant la Cour que ceux qu’il a soulevés devant la SAI, que celle-ci a raisonnablement rejetés.

A. La conclusion de fausse déclaration est raisonnable

[53] Le défendeur renvoie à la jurisprudence portant sur l’objet et l’interprétation de l’article 40, où les tribunaux ont notamment conclu qu’il doit être interprété de manière large, qu’il s’applique aux présentations erronées directes et indirectes et que la seule exception est celle, restreinte, de l’erreur raisonnable commise de bonne foi.

[54] Le défendeur fait valoir que la conduite de M. Shen étaye manifestement la conclusion de fausse déclaration; M. Shen avait une obligation de franchise, il a signé des formulaires vierges pour Sunny Wang et les renseignements mensongers que ce dernier a fournis sur le temps que M. Shen a passé au Canada ont empêché les autorités de l’immigration de se renseigner afin de savoir si M. Shen avait respecté son obligation de résidence.

[55] Le défendeur soutient que faire une présentation erronée sur le nombre de jours passés au Canada constitue indéniablement une fausse déclaration importante étant donné que l’obligation de résidence établie à l’article 28 est de 730 jours de présence effective au pays au cours de la période quinquennale visée. Le défendeur fait observer que la présentation erronée de M. Shen a donné lieu au renouvellement de sa carte de résident permanent, alors qu’il n’y était pas admissible (ce qui a entraîné une erreur dans l’application de la Loi).

[56] Le défendeur affirme que la fausse déclaration de M. Shen était grave étant donné que celui-ci a été absent du Canada pendant de longues périodes, qui équivalaient probablement à la totalité de la période quinquennale visée, qu’il savait qu’il n’était pas admissible au renouvellement de sa carte ou de son statut de résident permanent et qu’il avait signé des formulaires vierges à faire remplir par Sunny Wang.

[57] Le défendeur ajoute que M. Shen reproche à la SAI d’avoir fait référence à un « manquement total », mais la SI a indiqué dans sa décision que, selon le calcul réalisé par l’ASFC, le temps qu’il a passé hors du pays pendant la période quinquennale visée était de 1 826 jours, ce qui correspondrait à la totalité de cette période. De l’avis du défendeur, que l’expression « manquement total » soit utilisée ou non, nul ne conteste que M. Shen a passé beaucoup plus de jours hors du Canada au cours de la période quinquennale que ce qu’il a déclaré dans la demande de renouvellement de sa carte de résident permanent.

[58] Le défendeur conteste l’argument du demandeur selon lequel il existe une distinction entre une fausse déclaration fondamentale et une fausse déclaration non fondamentale, soulignant que les mêmes arguments ont été présentés dans l’affaire Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2022 CF 329 [Yang], aux paragraphes 66 à 68, où la Cour a énoncé les principes bien établis concernant la fausse déclaration visée à l’alinéa 40(1)a), dont l’obligation de franchise et la responsabilité du demandeur à l’égard de toute présentation erronée faite directement et indirectement. Dans la décision Yang, la Cour a refusé de faire une distinction entre une fausse déclaration fondamentale et une fausse déclaration non fondamentale. Le défendeur rappelle que la Cour, dans cette décision, a confirmé qu’« il y a fausses déclarations ou non ».

B. La SAI n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas les arguments juridiques non pertinents

[59] Le défendeur n’est pas d’accord que l’arrêt Mason appuie la thèse de M. Shen selon laquelle une interprétation différente ou nouvelle devrait être donnée à l’article 40.

[60] Le défendeur affirme que l’arrêt Mason ne dit pas que, par analogie, un lien doit exister entre l’obligation de résidence prévue à l’article 28 et une conclusion de fausse déclaration suivant l’article 40; les articles 28 et 40 sont indépendants. De plus, les principes régissant l’article 40 sont bien établis.

C. La fausse déclaration n’a pas été faite de bonne foi

[61] Le défendeur fait observer que, à l’audience devant la SAI, M. Shen a reconnu que l’exception restreinte relative à l’erreur de bonne foi ne s’appliquait pas. Il ajoute que M. Shen ne peut soutenir que la SAI a commis l’erreur de ne pas tenir compte de cette exception, ni la soulever devant notre Cour. De toute façon, M. Shen ne satisferait pas au critère de cette exception, qui exige que l’erreur soit faite de bonne foi et soit objectivement raisonnable et que la connaissance de la fausse déclaration échappe à la volonté du demandeur.

D. La SAI a raisonnablement conclu que les facteurs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas que l’appel soit accueilli

[62] Le défendeur affirme que l’analyse effectuée par la SAI de tous les motifs d’ordre humanitaire pertinents, tels qu’ils sont énoncés dans la décision Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4 [Ribic], au paragraphe 14, et l’appréciation globale qu’elle en a faite étaient raisonnables. Le défendeur souligne que, dans ses arguments, M. Shen reprend les observations qu’il a présentées devant la SAI.

[63] Quant à l’établissement, le défendeur affirme que M. Shen met l’accent de manière sélective sur les courtes périodes qu’il a passées au Canada, sans tenir compte des 20 ans pendant lesquels il a été résident permanent. La SAI a évalué l’établissement de M. Shen en tenant compte de sa situation de retraité de 76 ans et ne s’est pas attardée au revenu ou à l’emploi au Canada.

[64] Le défendeur soutient que, bien que M. Shen ait passé près d’un an au Canada en 2021, c’était pendant la pandémie de COVID-19 lorsque des restrictions étaient imposées aux voyageurs. Selon lui, cela n’est pas révélateur d’un quelconque établissement.

[65] Le défendeur souligne que la SAI a évalué l’incidence du renvoi sur les enfants adultes et les petits-enfants de M. Shen. Il ajoute que, lorsqu’un grand-parent n’est pas l’aidant principal, la difficulté de la séparation à elle seule ne rend pas déraisonnable le refus d’accorder une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. M. Shen conteste simplement le poids accordé à ce facteur.

[66] Le défendeur conteste l’argument de M. Shen selon lequel la SAI n’a pas tenu compte de la réunification familiale ou de l’incidence de la décision sur la femme de M. Shen. Il renvoie à la section « Les difficultés que subiraient l’appelant et les membres de sa famille au Canada » de la décision de la SAI, où celle-ci a pris acte du fait que M. Shen et sa femme avaient volontairement passé beaucoup de temps loin l’un de l’autre dans le passé et où elle a mentionné précisément que la femme de M. Shen pouvait passer du temps en Chine et au Canada tout en conservant son statut de résident permanent. Le défendeur note aussi que M. Shen a volontairement passé beaucoup de temps loin de sa famille et que rien ne démontre que cette séparation a causé des difficultés dans le passé.

E. La SAI n’a pas commis d’erreur en n’envisageant pas la prise de la mesure spéciale visée à l’article 68

[67] Le défendeur n’est pas d’accord pour dire que la SAI a commis une erreur en n’envisageant pas la possibilité de surseoir au renvoi. Il fait observer que les mêmes arguments ont été soulevés et rejetés dans la décision Yang, aux paragraphes 104 à 118.

V. Les questions en litige

[68] La question principale à trancher est celle de savoir si la décision de la SAI est raisonnable. Bien que M. Shen ait soulevé de nombreux arguments et qu’il en ait qualifié certains à tort de manquements à l’équité procédurale, dans son évaluation du caractère raisonnable de la décision de la SAI, la Cour doit répondre aux questions suivantes :

  1. La conclusion de la SAI quant à la fausse déclaration est-elle raisonnable? Pour répondre à cette question, la Cour doit se pencher sur les questions suivantes :
    1. Y a-t-il une distinction à faire entre une fausse déclaration fondamentale et une fausse déclaration non fondamentale?
    2. La SAI était-elle tenue de répondre à tous les arguments juridiques, y compris celui de l’incidence de l’arrêt Mason?
  2. La SAI a-t-elle raisonnablement conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales? Pour répondre à cette question, la Cour doit se pencher sur les questions suivantes :
    1. La SAI s’est-elle fondée sur des faits erronés qui auraient influé sur l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire?
    2. La SAI a-t-elle évalué tous les facteurs d’ordre humanitaire pertinents?
  3. La SAI s’est-elle trompée en n’examinant pas la possibilité de surseoir à la mesure de renvoi en application du paragraphe 68(1)?
  4. La SAI a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de l’incidence de l’interdiction de revenir au Canada pendant cinq ans imposée à M. Shen? Cette interdiction s’appliquait-elle rétroactivement à la fausse déclaration de M. Shen? Cette application rétroactive aurait-elle dû être prise en compte dans le contexte de l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire?

VI. La norme de contrôle applicable

[69] La norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire de la SAI est celle de la décision raisonnable (Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 184 au para 19; Islam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 80 au para 7; Li c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2021 CF 358 [Li] au para 10; Yang, au para 47).

[70] En règle générale, il faut faire preuve de retenue à l’égard des décisions discrétionnaires étant donné l’expertise et l’expérience du décideur; quoi qu’il en soit, la décision doit posséder toutes les caractéristiques d’une décision raisonnable conformément aux directives de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[71] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, aux para 85, 102, 105–107). La Cour ne doit pas juger les motifs d’une décision au regard d’une norme de perfection (Vavilov, au para 91) et ne peut infirmer une décision que si elle souffre de « lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

[72] Lorsque des questions d’équité procédurale sont soulevées, la Cour doit se demander si la procédure suivie par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances; cet examen s’apparente à un contrôle selon la norme de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54). L’étendue de l’obligation d’équité procédurale varie selon les circonstances et dépend de plusieurs facteurs (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC) au para 21).

VII. Les dispositions législatives

[73] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les articles 16, 40, 41 et 66 à 68. Elles sont énoncées à l’annexe A.

VIII. La conclusion de fausse déclaration tirée par la SAI est raisonnable

[74] M. Shen a formulé de nombreux arguments, dont plusieurs ne concordent pas avec la jurisprudence bien établie concernant la fausse déclaration. On ne saurait reprocher à la SAI de ne pas examiner les arguments juridiques de M. Shen qui vont à l’encontre des règles de droit qui orientent la SAI.

[75] L’objet de l’article 40 de la Loi, qui consiste à dissuader les résidents permanents et les étrangers de faire de fausses déclarations, et l’importance de la franchise en tant qu’exigence légale et principe fondamental ont été soulignés à maintes reprises dans la jurisprudence.

[76] L’article 40 a pour objet de préserver l’intégrité du système d’immigration et commande une interprétation large (Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1004 [Malik] aux para 10–11; He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 112 au para 15; Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 368 [Wang] au para 15; Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971 [Goburdhun] au para 28; Oloumi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 428 [Oloumi] au para 23).

[77] Il incombe toujours au demandeur de s’assurer que sa demande est complète et exacte (Oloumi, au para 23; Wang, aux para 15–16; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 747 [Singh] au para 51; Tsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1941 [Tsang] au para 26). Ce principe s’applique à tout type de demande présentée au titre de la Loi. L’observation de M. Shen selon laquelle l’article 16 ne s’applique pas à un résident permanent est tout simplement erronée. Contrairement à ce qu’il prétend, l’obligation de franchise n’est pas moindre pour le demandeur présentant une demande pour renouveler sa carte de résident permanent qu’elle ne l’est pour celui qui cherche à obtenir le statut de résident permanent ou à démontrer qu’il respecte ses obligations de résidence permanente.

[78] Plus récemment, dans la décision Tsang, aux paragraphes 23 et 24, le juge Zinn a examiné les principes se dégageant de la jurisprudence et a réaffirmé les critères à appliquer pour conclure à une fausse déclaration :

[traduction]
[23] La jurisprudence confirme que pour que soit prononcée une interdiction de territoire en application de l’alinéa 40(1)a), deux éléments doivent être présents : 1) il doit y avoir une présentation erronée sur un fait et 2) la présentation erronée doit porter sur un fait important et entraîner ou risquer d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi :
Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1441 au para 14; Ragada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 639 au para 18; Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1004 au para 11.

[24] Aucune preuve de mens rea, de préméditation ou d’intention n’est requise pour conclure à une fausse déclaration : Punia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184 au para 51; Maan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 118, aux para 24-25. Même une omission involontaire de fournir des renseignements importants peut mener à une conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations : Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299 au para 15; Gobordhun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 971 au para 28.

[79] Dans la décision Tsang, au paragraphe 26, le juge Zinn a examiné le contexte et les principes directeurs relatifs à une conclusion de fausse déclaration, de même que les conséquences qui en découlent :

[traduction]
[26] D’autres principes généraux et le contexte juridique entourant l’alinéa 40(1)a) ont été examinés de façon exhaustive par le juge Little dans la décision
Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 747 [Singh], au paragraphe 28. Les principes fondamentaux sont les suivants :

1) L’article 40 doit être interprété de façon large afin de préserver l’intégrité du système d’immigration canadien en dissuadant quiconque de faire de fausses déclarations et en faisant en sorte que les demandeurs fournissent des renseignements complets et véridiques;

2) L’obligation de franchise visée au paragraphe 16(1) de la Loi exige que les demandeurs fournissent des renseignements complets et honnêtes quand ils présentent une demande d’entrée au Canada. Cette obligation de franchise oriente l’interprétation de l’article 40;

3) Le fardeau de vérifier l’intégralité et l’exactitude des renseignements fournis incombe aux demandeurs, qui ne peuvent prétendre plus tard qu’ils sont innocents et jeter le blâme sur une tierce partie;

4) Le libellé de l’alinéa 40(1)a) vise expressément à la fois la déclaration erronée et l’omission importante;

5) L’alinéa 40(1)a) s’applique aux fausses déclarations, qu’elles soient intentionnelles ou non, délibérées ou faites par négligence;

6) Les demandeurs sont responsables des fausses déclarations visées à l’alinéa 40(1)a) qu’ils ont faites eux-mêmes directement et de celles qui ont été faites indirectement en leur nom par d’autres personnes, comme des consultants ou des agents en immigration;

7) Les demandeurs peuvent être tenus responsables en application de l’alinéa 40(1)a) même si la fausse déclaration est faite à leur insu, y compris par une tierce partie.

[80] Les principes résumés dans la décision Singh et réitérés dans la décision Tsang ne sont pas nouveaux et ont été énoncés dans de nombreuses décisions; par exemple, la juge Strickland les a résumés dans la décision Goburdhun au paragraphe 28, dans la décision Wang aux paragraphes 15 et 16 et dans la décision Malik aux paragraphes 10 et 11.

A. Il n’existe aucune distinction entre une fausse déclaration fondamentale et une fausse déclaration non fondamentale

[81] Il n’y a pas de fausse déclaration « fondamentale » ni de fausse déclaration « non fondamentale »; il n’y a pas de distinction à faire entre les deux. La Cour reste d’avis que la gravité de la fausse déclaration demeure un facteur pertinent. La gravité de la fausse déclaration est évaluée dans le contexte pertinent par le décideur, comme la SAI l’a fait dans le cas de M. Shen.

[82] M. Shen soulève nombre des mêmes arguments qui ont été examinés, et rejetés, par la Cour dans la décision Yang, aux paragraphes 67 à 71 :

[67] M. Yang soutient également que la SAI a mal compris la distinction entre les exigences relatives au renouvellement d’une carte RP, qui est simplement une preuve de résidence permanente, et les exigences relatives à l’obtention du statut de résident permanent. Il fait valoir qu’il n’a pas obtenu le statut de résident permanent au moyen de fausses déclarations. Il soutient également que la SAI n’a pas tenu compte de son argument selon lequel ce type de fausses déclarations constituait une « forme secondaire de fausses déclarations », dont il aurait fallu tenir compte dans l’évaluation de la gravité, et que le renvoi serait un résultat disproportionné. Je ne suis pas du même avis.

[68] La SAI n’a pas fait abstraction de cet argument. Elle a examiné la jurisprudence sur laquelle M. Yang s’est appuyé pour dire que ses fausses déclarations étaient « secondaires » (Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1471 [Khan]). Comme l’a souligné la SAI, il y a fausses déclarations ou non. Le rôle de la SAI consiste à évaluer la gravité des fausses déclarations afin de décider si la prise de mesures spéciales est justifiée. C’est ce que la SAI a fait.

[69] M. Yang invoque encore une fois la décision Khan à l’appui de son argument selon lequel la SAI ne comprend pas la LIPR et a commis une erreur en ne faisant pas la distinction entre les éléments de preuve liés au statut de RP et le statut de résident permanent, lequel n’était pas touché par ses fausses déclarations. Il soutient qu’il aurait pu éviter les conséquences liées aux fausses déclarations s’il n’avait rien fait, c’est-à-dire s’il n’avait pas demandé l’aide de New Can pour renouveler sa carte RP deux ans avant son expiration.

[70] Dans la décision Khan, le juge Zinn a souligné, au paragraphe 1, qu’une carte RP « ne crée pas et ne maintient pas le statut de résident permanent d’une personne — elle ne fait que prouver ce statut » et qu’un résident permanent le demeure même sans carte RP. Ce fait n’est pas contesté. De plus, en l’espèce, la SAI a clairement compris qu’il s’agissait d’une demande de carte RP — et non d’une demande de statut de résident permanent.

[71] Dans la décision Khan, le juge Zinn n’a pas laissé entendre que l’obligation de dire la vérité était réduite au moment de présenter une demande de carte RP. Il a plutôt expliqué les exigences à satisfaire pour obtenir une carte RP, qui sont énoncées à l’article 59 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], et a souligné que ces exigences et celles qui sont liées à l’obligation de résidence sont différentes. L’article 59 exige, entre autres, que le demandeur se conforme aux articles 56 et 57 et au paragraphe 58(4). L’article 56 énonce les renseignements à fournir et l’article 57 précise que toute personne qui fait une demande doit la faire pour elle-même et la signer. La décision Khan ne donne pas aux résidents permanents une excuse pour se soustraire à l’obligation de faire — pour eux-mêmes — une demande complète et véridique en vue de renouveler la preuve de leur statut de résident permanent.

[Non souligné dans l’original.]

[83] S’appuyant sur la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yu, 2019 CF 1088, M. Shen soutient que la Cour a appuyé son point de vue selon lequel il existe une distinction entre une fausse déclaration pour l’acquisition d’un statut (fondamentale) et une fausse déclaration pour le renouvellement d’une carte de résident permanent une fois ce statut obtenu (non fondamentale). Cet argument a aussi été avancé dans la décision Yang, auquel la Cour a répondu ce qui suit aux paragraphes 74 et 75 :

[74] Selon le juge Diner, au paragraphe 11 de la décision Yu :

[11] La jurisprudence établit que la gravité des fausses déclarations et leur incidence sur l’acquisition du statut constituent un facteur pertinent pour l’analyse des motifs d’ordre humanitaire (Duquitan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 769, par. 10; Qureshi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 238, par. 19-21).

[Souligné dans l’original.]

[75] M. Yang cherche à dégager de la décision Yu une proposition qui va à l’encontre des principes établis dans la jurisprudence. Ce que le juge Diner a dit dans la décision Yu n’établit pas que la gravité des fausses déclarations n’est un facteur pertinent que lorsqu’elle a une incidence sur l’acquisition du statut. De toute évidence, tant la gravité des fausses déclarations que leur incidence sont des facteurs pertinents lorsque les fausses déclarations ont été faites dans le cadre d’une demande de statut — comme c’était le cas dans l’affaire Yu.

B. La SAI n’était pas tenue d’examiner les arguments juridiques non applicables ou contraires aux principes établis

[84] M. Shen soutient que la SAI a rejeté ses arguments juridiques en une seule phrase, en déclarant qu’ils avaient été rejetés par les tribunaux dans d’autres affaires. Il affirme que ce n’était pas raisonnable puisque les tribunaux n’avaient pas pris en compte l’arrêt Mason dans ce contexte. Cependant, le commentaire de la SAI ne concernait pas l’argument relatif à l’arrêt Mason, qu’elle avait évalué séparément et brièvement.

[85] La SAI a noté que l’avocat de M. Shen avait soulevé « un certain nombre de questions » concernant la conclusion de fausse déclaration, qui avaient aussi été soulevées devant la SI et débattues devant la Cour fédérale, qui les avait rejetées dans d’autres affaires. La SAI a rejeté ces autres arguments, que M. Shen avait soulevés dans ses observations détaillées, y compris celles de plus de 40 pages qu’il avait présentées après l’audience. M. Shen a soulevé plusieurs des mêmes arguments devant la Cour, à savoir qu’une distinction devrait être faite entre une fausse déclaration fondamentale et une fausse déclaration non fondamentale, que le résident permanent devrait être traité différemment de l’étranger relativement à sa fausse déclaration et qu’une conclusion de fausse déclaration ne devrait être tirée uniquement quand le résident permanent fait une fausse déclaration [traduction] « sciemment ». Ces arguments ne tiennent pas compte des principes bien établis concernant la fausse déclaration visée au paragraphe 40(1), décrits précédemment.

[86] M. Shen affirme simplement que l’intention du législateur n’était pas que les résidents permanents perdent leur statut (c’est-à-dire qu’ils soient interdits de territoire au Canada) [traduction] « simplement pour avoir fait une réticence sur un renseignement qui pouvait entraîner une interdiction de territoire, mais qui n’allait pas nécessairement mener à une conclusion d’interdiction de territoire ». Cette affirmation ne tient pas compte du fait que l’objet et la portée de l’article 40 ont été soulignés maintes fois dans la jurisprudence. De plus, M. Shen n’a pas fait une réticence sur un renseignement qui « pouvait » entraîner une interdiction de territoire, puisqu’il a été hors du Canada pendant une très longue période (peut-être même la totalité des cinq ans). Cette absence aurait également eu une incidence sur son statut de résident permanent au titre de l’article 28, si une enquête avait été faite en ce sens. M. Shen savait qu’il avait été absent du pays et a quand même retenu les services de Sunny Wang pour renouveler sa carte de résident permanent.

[87] La SAI n’a pas commis d’erreur en ne fournissant pas de « justification adaptée » aux arguments juridiques en question, qui sont contraires à la jurisprudence établie. Elle n’a pas non plus commis d’erreur en ne fournissant pas de « justification adaptée » à l’argument de M. Shen selon lequel l’arrêt Mason devrait être appliqué pour établir un lien entre les articles 40 et 28.

[88] Dans l’arrêt Mason, la Cour suprême du Canada a examiné l’interprétation donnée à l’alinéa 34(1)e) et a jugé qu’il devait y avoir un lien entre la conduite – l’« acte de violence » – et la sécurité nationale. Elle a examiné les différences entre les articles 34 et 36. Le paragraphe 34(1) prévoit qu’un résident permanent ou un étranger peut être interdit de territoire pour raison de sécurité, entre autres, pour le fait « e) [d’]être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada ». Le paragraphe 36(1), qui s’applique aux résidents permanents et aux étrangers, porte sur l’interdiction de territoire pour « grande criminalité » et détaille les faits qui y donnent lieu, et le paragraphe 36(2), qui s’applique uniquement aux étrangers, fait de même relativement à l’interdiction de territoire pour « criminalité ».

[89] La Cour suprême du Canada a jugé, entre autres, que la Cour ne peut se servir de l’alinéa 34(1)e) pour interdire de territoire une personne lorsque la conduite invoquée n’a pas de lien avec la sécurité nationale ou la sécurité du Canada [Mason, aux para 121–122]. Autrement dit, pour reprendre l’expression utilisée par le demandeur, la Cour ne peut se fonder sur l’alinéa 34(1)e), lorsque le demandeur a commis un acte criminel, comme « option de rechange » à l’article 36 pour l’interdire de territoire.

[90] Dans ses observations à la SAI, M. Shen a souligné que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sécurité publique et Protection civile c Weldemariam, 2024 CAF 69 [Weldemariam], et la Cour fédérale dans la décision Wahab c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1985 [Wahab], se sont fondées sur l’arrêt Mason. L’arrêt Weldemariam et la décision Wahab portaient tous deux sur le principe de non-refoulement et l’applicabilité des obligations du Canada en droit international à d’autres dispositions de la Loi. Dans ses observations à la SAI, M. Shen a essentiellement repris des extraits de l’arrêt Mason, notamment sur l’interprétation législative, ainsi que des extraits de l’arrêt Weldemariam et de la décision Wahab. Il n’a pas expliqué à la Cour en quoi, dans cet arrêt et cette décision, les renvois à l’arrêt Mason appuyaient son point de vue selon lequel cet arrêt devrait guider l’interprétation de l’article 40 ni en quoi l’arrêt Weldemariam et la décision Wahab appuient le point de vue voulant que l’arrêt Mason s’applique pour établir un lien entre l’article 40 et l’article 28.

[91] Devant la Cour, M. Shen fait principalement valoir que la SAI a commis une erreur en n’examinant pas son argument selon lequel il existe un lien entre l’article 40 et l’article 28.

[92] La Cour a eu du mal à clarifier et à comprendre les arguments vagues de M. Shen. Il ne fait aucun doute que la SAI a eu le même problème.

[93] De ce qu’en comprend la Cour, M. Shen fait référence à l’arrêt Mason pour étayer son argument selon lequel une fausse déclaration dans le contexte d’une demande pour renouveler la carte de résident permanent ne devrait pas être le seul fondement pour conclure à l’interdiction de territoire et qu’il devrait exister un lien avec le manquement à l’obligation de résidence prévue à l’article 28. Comme je le mentionne plus haut, il n’est pas clair en quoi cet argument serait favorable à M. Shen.

[94] M. Shen a fait une fausse déclaration dans la demande de renouvellement de sa carte de résident permanent et non dans sa demande de résidence permanente. Quoi qu’il en soit, il a fait une présentation erronée sur un fait important qui, de l’avis de la SI et de la SAI, a empêché les autorités de l’immigration de se renseigner afin de savoir s’il avait respecté ses obligations de résidence permanente. Bien que son statut de résident permanent n’ait pas été en litige devant la SAI, il est évident que M. Shen n’a pas satisfait à ses obligations de résidence permanente dans la période quinquennale visée, comme l’exige l’article 28 de la Loi.

[95] La SAI n’a pas commis d’erreur en ne cherchant pas à éclaircir l’argument vague de M. Shen concernant l’arrêt Mason. Contrairement à ce que prétend M. Shen, il ne s’agissait pas d’une question centrale. La SAI a affirmé avoir pris en compte les observations présentées après l’audience (qui comprenaient plus de 15 pages d’extraits de l’arrêt Mason, dont l’explication de la Cour suprême du Canada des principes d’interprétation législative). Bien que la SAI ait déclaré brièvement que l’alinéa 40(1)a) n’était pas une option de rechange à l’article 28 de la Loi, contrairement à ce qu’a fait valoir l’avocat, elle était d’avis que l’arrêt Mason n’aidait pas la cause du demandeur; elle n’a pas donné de motifs détaillés, mais sa conclusion est raisonnable. La SAI a amplement d’expérience pour déterminer s’il y a eu fausse déclaration, et il y a suffisamment de principes bien établis dans la jurisprudence sur lesquels elle peut se fonder, ce qu’elle a fait.

[96] La Cour est d’accord pour dire que l’arrêt Mason ne s’applique pas et n’appuie pas l’argument selon lequel l’article 40 devrait être interprété d’une façon nouvelle et différente afin de redéfinir le concept de fausse déclaration. La SAR n’a pas commis d’erreur en ne fournissant pas de motifs plus détaillés à cette conclusion.

IX. La SAI a raisonnablement conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales

[97] Bien que M. Shen soutienne ne pas demander une nouvelle appréciation des facteurs d’ordre humanitaire, mais plutôt une évaluation adéquate fondée sur des faits exacts, toutes ses observations donnent à penser qu’il demande à la Cour de soupeser à nouveau la preuve. La SAI a pris en compte les facteurs pertinents énoncés dans la décision Ribic, n’a pas fait abstraction de la preuve et ne s’est pas fiée sur des faits inexacts. Naturellement, M. Shen préférerait une issue différente; cependant, le poids accordé aux facteurs pertinents et la mise en balance dans son ensemble sont à la discrétion de la SAI et, sans lacunes graves, la Cour n’intervient pas.

[98] M. Shen prétend que la conclusion de fausse déclaration tirée par la SAI a pris le dessus dans son évaluation des motifs d’ordre humanitaire et qu’il [traduction] « incombait à la SAI de demeurer ouverte à la possibilité que ceux-ci l’emportent sur son interdiction de territoire ». Toutefois, rien dans sa décision ne porte à croire que la SAI est partie du principe que la prise de mesures spéciales n’était pas une option ou ne serait pas prise en considération. La décision de la SAI porte en grande partie sur les facteurs d’ordre humanitaire.

A. La SAI ne s’est pas fondée sur des faits erronés et n’a pas fait abstraction de certaines observations

[99] La SAI ne s’est pas fondée sur des informations erronées. Contrairement à ce que prétend M. Shen, elle n’a pas fait d’erreur « flagrante » en mentionnant qu’il avait été absent du Canada pendant deux ans. La SAI a déclaré : « L’appelant est retourné en Chine en 2021, puis est revenu au Canada au début de 2023. Il s’agit d’une autre période importante pendant laquelle l’appelant était loin de ses petits-enfants. » Dans ses observations à la SI, le ministre a indiqué que M. Shen avait été hors du Canada de novembre 2021 à avril 2023, soit 18 mois, une période d’absence importante. Bien que la SAI ait par la suite mentionné que l’absence volontaire de M. Shen pour subir un traitement médical était d’« environ deux ans », il ne s’agit pas d’une erreur de fait flagrante, et ce n’est qu’un exemple des périodes que M. Shen a passées hors du Canada. De plus, la SAI a mentionné cette absence non pas en lien avec la gravité de la fausse déclaration ou l’établissement, comme M. Shen le prétend, mais plutôt dans le contexte de l’évaluation de l’intérêt supérieur des petits-enfants touchés. Il ne s’agissait pas d’une conclusion erronée – et certainement pas d’une erreur de la part de la SAI – de noter cette absence dans l’évaluation de l’incidence du futur renvoi de M. Shen sur ses petits-enfants.

[100] La SAI n’a pas commis d’erreurs factuelles [traduction] « graves » qui ont compromis son évaluation de l’établissement de M. Shen au Canada en ne mentionnant pas le succès commercial de son fils; en ne reconnaissant pas que son absence du Canada de 2021 à 2023 visait un traitement médical; en ne reconnaissant pas le rôle d’un grand-père dans une famille chinoise traditionnelle dans l’évaluation de l’intérêt supérieur des enfants; en mentionnant qu’il souhaitait seulement vivre au Canada maintenant, alors que la preuve démontrait qu’il avait suivi des cours d’anglais en 2012 et acheté un appartement en 2014; en parlant d’un « manquement total » pour qualifier ses absences du Canada au moment de sa demande.

[101] La SAI est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve et des observations et n’était pas tenue de répondre à chaque observation. Elle n’a pas commis d’erreur en ne mentionnant pas précisément les cours d’anglais de M. Shen, auxquels il semble avoir participé de façon intermittente et principalement au cours des dernières années. Reconnaître que M. Shen a suivi des cours d’anglais ne serait pas déterminant relativement à son établissement au Canada. M. Shen n’a pas dit clairement en quoi la réussite de son fils est attribuable à son propre établissement, à part avoir déclaré qu’il conduisait ses petits-enfants à l’école il y a des années quand son fils travaillait. La SAI a reconnu que M. Shen avait fait le choix de s’absenter de 2021 à 2023 pour un traitement médical. Elle a tenu compte du rôle de grand-père de M. Shen dans l’évaluation de l’intérêt supérieur des enfants. L’utilisation par la SAI du terme « manquement total » n’a eu aucune incidence sur la conclusion selon laquelle M. Shen avait été hors du Canada pour une période considérablement plus longue que celle qui avait été déclarée et que sa sous-déclaration constituait une fausse déclaration. Selon la SAI, ce fait n’était pas contesté. Il n’est pas clair pourquoi M. Shen cherche à le contester devant notre Cour.

[102] M. Shen s’appuie à tort sur la décision Li, dans laquelle la juge McVeigh a jugé que la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur avait signé un formulaire vierge était erronée et a conclu au paragraphe 36 :

Je suis d’avis qu’il s’agit d’une erreur déterminante, puisqu’elle pourrait avoir une incidence sur l’appréciation de la crédibilité par l’agent, ainsi que sur l’évaluation du remords et peut‑être d’autres éléments. Vu la gravité de la déclaration, M. Li a le droit d’obtenir une décision ne contenant pas cette erreur grave, qui a été mentionnée deux fois et qui est (ou pourrait être) indissociable de nombreuses autres conclusions tirées par l’agent.

[103] Dans la décision Li, la conclusion de fait erronée était directement liée à la conclusion de fausse déclaration. Dans le cas de M. Shen, le fait de dire qu’il a été absent environ deux ans alors qu’il a été absent environ 18 mois ne constitue pas une erreur déterminante et n’est pas indissociable des autres conclusions relatives à l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire. Aucune autre des déclarations prétendument erronées n’est déterminante.

[104] En ce qui concerne l’observation de M. Shen selon laquelle il n’a eu aucun contrôle sur le moment où son fils l’a parrainé pour venir au Canada, la SAI a déclaré que le « statut de résident permanent ne devrait pas être considéré comme une place réservée permettant à un appelant de venir s’établir au Canada au moment qui lui convient ». Contrairement à ce que prétend M. Shen, la SAI n’a pas dit qu’il voulait seulement vivre au Canada maintenant, bien que ce semble être le cas. De toute façon, le commentaire de la SAI ne constitue pas une erreur. M. Shen est résident permanent depuis 2003 et, pourtant, il n’y a aucune preuve de son établissement au cours des dix premières années, comme il l’a reconnu lui‑même, et il n’a montré qu’un établissement limité depuis.

B. La SAI a examiné tous les facteurs pertinents énoncés dans la décision Ribic

[105] Le rôle de la SAI était d’examiner si les motifs d’ordre humanitaire justifiaient la prise de mesures spéciales « vu toutes les circonstances de l’espèce ». La SAI a pris en compte tous les facteurs énoncés dans la décision Ribic, à commencer par la gravité de la fausse déclaration, et a fait observer que, bien qu’elle ait été faite indirectement par l’intermédiaire de Sunny Wang, la fausse déclaration était grave dans les circonstances. Elle a indiqué qu’il faudrait des facteurs d’ordre humanitaire « importants » pour qu’ils puissent l’emporter sur cette fausse déclaration. La SAI a ensuite tenu compte des remords exprimés par M. Shen, de l’intérêt supérieur des enfants touchés, de l’établissement au Canada et des difficultés auxquelles M. Shen et sa famille au Canada seraient exposés s’il devait quitter le pays. Elle a aussi tenu compte des observations sur l’incidence de l’interdiction de cinq ans (l’« effet rétroactif »). La SAI a ensuite jugé que les facteurs défavorables l’emportaient sur les facteurs favorables et que, « selon la prépondérance des probabilités », les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales.

[106] Comme je le mentionne plus haut, il s’agit d’une décision discrétionnaire et non d’un calcul mathématique. L’unique facteur favorable relevé, et considéré comme « légèrement en faveur » de M. Shen, était les remords qu’il éprouvait. Toutefois, même s’il y avait eu d’autres facteurs favorables, la SAI avait l’expérience et l’expertise pour procéder à une évaluation globale, et le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve.

[107] M. Shen affirme que la SAI a commis une erreur en considérant son établissement comme un facteur défavorable, notamment en déformant les faits. Il soutient, sans renvoyer à aucune source, que considérer ce facteur comme défavorable n’était pas une option. La conclusion de la SAI selon laquelle « l’établissement limité de l’appelant au Canada milite contre la prise de mesures spéciales » doit être interprétée dans le contexte de son évaluation de l’ensemble des facteurs d’ordre humanitaire. Dès le départ, la SAI a souligné que, compte tenu de la gravité du manquement, il fallait des facteurs d’ordre humanitaire importants pour faire droit à l’appel. Elle a ensuite noté que les remords qu’éprouvait M. Shen pesaient légèrement en sa faveur, que l’intérêt supérieur des enfants touchés constituait un facteur neutre, que l’établissement militait contre la prise de mesures spéciales et que les difficultés constituaient un facteur neutre. La conclusion de la SAI selon laquelle l’établissement limité de M. Shen militait contre la prise de mesures discrétionnaires découle de l’analyse qu’elle a effectuée. Son évaluation de l’établissement est raisonnable compte tenu de la preuve au dossier concernant le temps limité qu’a passé M. Shen au Canada et la façon dont il a occupé ce temps.

[108] La SAI n’a pas commis d’erreur dans son évaluation de l’intérêt supérieur des enfants qui seraient touchés par le renvoi de M. Shen. Ce dernier invoque l’incidence sur ses petits-enfants, bien qu’il ne soit pas leur aidant principal, qu’il se soit absenté pendant de longues périodes dans leurs courtes vies et qu’il ne rende visite à ceux de Toronto qu’une seule fois par année. La Cour ne dispose, à sa connaissance, d’aucun élément de preuve fourni par les petits-enfants concernant l’incidence du renvoi sur eux.

[109] M. Shen affirme également que la SAI n’a pas appliqué les directives données par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kanthasamy, à savoir que l’intérêt supérieur de l’enfant touché doit être une considération primordiale. Or, M. Shen ne tient pas compte du fait que, premièrement, l’arrêt Kanthasamy a été interprété comme s’appliquant principalement dans le contexte de demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire visées au paragraphe 25(1) (Lewis c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2017 CAF 130 au para 72), bien que le principe selon lequel les décideurs doivent être réceptifs et attentifs à l’incidence sur les enfants soit pris en compte dans d’autres contextes. Deuxièmement, l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant touché concerne généralement les enfants de moins de 18 ans. Troisièmement, l’intérêt supérieur de l’enfant touché n’est pas déterminant dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire, mais constitue une considération, bien qu’importante, parmi plusieurs autres.

[110] Contrairement à ce que prétend M. Shen, la SAI n’a pas fait abstraction des difficultés qu’éprouverait sa femme, après 50 ans de mariage, s’il était renvoyé du Canada et qu’il lui était interdit d’y revenir pendant cinq ans. Bien que la conclusion de la SAI puisse sembler insensible à la situation de M. Shen et de sa famille, l’incidence sur la femme de M. Shen, sur sa famille au Canada et sur M. Shen lui-même a été analysée, comme en fait état la décision.

[111] La SAI a reconnu que M. Shen avait 76 ans et était en mauvaise santé, mais a raisonnablement jugé que son observation selon laquelle il pourrait ne pas se faire parrainer dans cinq ans en raison de ses problèmes de santé ou que le statut de résident permanent de sa femme était compromis était hypothétique. La SAI a aussi souligné que rien ne démontrait que la femme de M. Shen ne pourrait pas passer du temps avec lui en Chine tout en conservant son statut de résident permanent au Canada. De l’avis de la SAI, la femme de M. Shen avait suffisamment de flexibilité pour conserver son statut.

[112] La SAI a examiné les observations de M. Shen selon lesquelles l’incidence de l’interdiction de cinq ans devrait être examinée dans le contexte des motifs d’ordre humanitaire parce que, au moment de la fausse déclaration, l’interdiction était de deux ans. La SAI a accordé « peu de poids » à cet argument et a souligné que M. Shen avait une obligation de franchise et ne pouvait soutenir qu’il incombait à l’ASFC de découvrir sa fausse déclaration plus tôt.

[113] L’interdiction de cinq ans est la conséquence d’une conclusion de fausse déclaration. Il serait compliqué pour la SAI de considérer l’incidence de l’interdiction comme un facteur indépendant pour déterminer si les motifs d’ordre humanitaire justifient la prise de mesures spéciales. Si les motifs d’ordre humanitaire justifiaient la prise de mesures spéciales, la conclusion de fausse déclaration serait rejetée et l’appel serait accueilli, ou un sursis à la mesure de renvoi serait accordé; il n’y aurait ni renvoi ni interdiction de cinq ans.

[114] Il ressort de la jurisprudence que le paragraphe 40(1) entraîne pareille conséquence dans le but de renforcer la nécessité de dissuader quiconque de faire de fausses déclarations. Bien que l’interdiction de cinq ans soit une conséquence sévère de la conclusion de fausse déclaration, l’incidence de cette interdiction est prise en compte dans l’évaluation des difficultés. C’est manifestement ce qu’a fait la SAI dans le cas de M. Shen.

X. La SAI n’a pas commis d’erreur en n’évaluant pas la possibilité de surseoir au renvoi en application du paragraphe 68(1)

[115] M. Shen soutient que la SAI a commis une erreur en rejetant son appel au lieu d’examiner sa demande de sursis à la mesure de renvoi.

[116] Bien que M. Shen qualifie cette erreur de manquement à l’équité procédurale, en particulier en raison de l’absence de motifs, la question à trancher est celle de savoir si la décision de la SAI de ne pas surseoir au renvoi est raisonnable.

[117] M. Shen prétend que, puisque la SAI a pris acte de ses remords et a jugé qu’ils « milit[aient] légèrement en [sa] faveur », elle aurait dû envisager de surseoir au renvoi et prononcer le sursis. Il soutient aussi que l’iniquité de l’imposition d’une interdiction de territoire de cinq ans comme conséquence d’une fausse déclaration (plutôt que l’interdiction de deux ans qui s’appliquait au moment de sa fausse déclaration) aurait dû être un facteur justifiant que la SAI examine la possibilité de surseoir au renvoi. Il affirme que la SAI a commis une erreur en faisant abstraction de sa demande de sursis sans fournir de motifs.

[118] Dans la décision Yang, aux paragraphes 106 à 118, la Cour a examiné un argument semblable et les mêmes décisions que celles que M. Shen invoque en l’espèce. Ce dernier n’a fourni à la Cour aucune raison de s’écarter de son analyse dans la décision Yang, où elle a statué que la prise de « mesures spéciales » comprend à la fois faire droit à l’appel et surseoir au renvoi à certaines conditions. Pour prendre ces deux types de mesures spéciales, la SAI doit conclure que des motifs d’ordre humanitaire le justifient. Autrement, ni l’une ni l’autre de ces mesures ne peut être prise.

[119] Dans la décision Yang, au paragraphe 106, la Cour a déclaré : « Pour qu’il soit sursis à une mesure, il faut conclure que des motifs d’ordre humanitaire le justifient, comme c’est le cas pour qu’il soit fait droit à un appel. Les mêmes critères, précisément ceux que la SAI a examinés de manière exhaustive, s’appliquent à l’accueil de l’appel ou à l’octroi d’un sursis à la mesure de renvoi. »

[120] M. Shen cherche à trouver une erreur là où il n’y en a pas. La SAI a tenu compte de ses remords dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire, tout comme des difficultés découlant de l’interdiction de cinq ans, mais a jugé que les motifs d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur la gravité de la fausse déclaration.

[121] L’article 66 de la Loi prévoit trois issues possibles lors d’un appel d’une décision de la SI : la SAI peut faire droit à l’appel (conformément à l’article 67), surseoir au renvoi (conformément à l’article 68) ou rejeter l’appel (conformément à l’article 69).

[122] Le paragraphe 67(1) établit les trois critères à respecter pour que la SAI accueille l’appel, dont l’un deux, décrit à l’alinéa 67(1)c), porte sur la « prise de mesures spéciales » :

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[Non souligné dans l’original.]

[123] Le paragraphe 68(1) établit les critères pour que la SAI puisse prendre la « mesure spéciale » de surseoir au renvoi :

68 (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

68 (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[Non souligné dans l’original.]

[124] La SAI a examiné tous les facteurs d’ordre humanitaire pertinents et a conclu ainsi : « Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’ordre humanitaire qui s’appliquent ne justifient pas, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. Par conséquent, l’appel est rejeté. » [Non souligné dans l’original.]

[125] Toutefois, si la SAI avait conclu que des motifs d’ordre humanitaire justifiaient la prise de mesures spéciales, elle aurait eu deux options : accueillir l’appel ou surseoir à la mesure de renvoi pendant un certain temps, vraisemblablement sous certaines conditions. La SAI aurait alors choisi l’option qui convenait.

[126] Par « prise de mesures spéciales », on entend accueillir l’appel pour des motifs d’ordre humanitaire ou surseoir à la mesure de renvoi pour des motifs d’ordre humanitaire. Comme elle a conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales, la SAI n’était pas tenue d’expliquer précisément pourquoi elle n’avait pas, à titre subsidiaire, sursis au renvoi de M. Shen. Les motifs de la SAI sont clairs.

[127] M. Shen soutient que, dans la décision Eftekharzadeh c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 1000 [Eftekharzadeh], la Cour a traité de l’obligation de la SAI de motiver son refus de surseoir au renvoi lorsqu’une demande est faite en ce sens. M. Shen extrapole la conclusion du juge Ahmed dans cette affaire; le juge Ahmed a conclu que le défaut de la SAI d’envisager de surseoir au renvoi n’était pas une erreur étant donné que les demandeurs n’en avaient pas fait la demande, mais a ajouté que la SAI aurait pu accorder un sursis sans demande expresse. Il a déclaré au paragraphe 31 : « De plus, j’accepte que, à la lumière de la décision de la SAI citée par les [demandeurs], le seuil exigé pour accorder un sursis peut être moins élevé que celui qui est exigé pour faire droit à un appel. » Cependant, cette déclaration n’a eu aucune incidence sur la décision dans l’affaire Eftekharzadeh, et il n’y avait ni analyse ni source jurisprudentielle de la Cour à l’appui de cette proposition.

[128] M. Shen renvoie également à la jurisprudence (aussi examinée dans la décision Yang) à l’appui de son argument selon lequel la SAI aurait dû motiver sa décision de ne pas surseoir à la mesure de renvoi. Dans la décision Yang, la Cour a déclaré au paragraphe 114 :

En l’espèce, M. Yang sait pourquoi le sursis n’a pas été accordé. Son argument selon lequel la SAI n’a pas tenu compte des faits qui justifieraient qu’il soit sursis à la mesure de renvoi, malgré la conclusion claire de la SAI selon laquelle les fausses déclarations étaient graves et que les motifs d’ordre humanitaire, qui ont tous été examinés, ne l’ont pas emporté sur cette conclusion, est illogique.

[129] En l’espèce, M. Shen affirme avoir demandé à la SAI d’envisager de surseoir à la mesure de renvoi. La SAI a jugé que la « prise de mesures spéciales », qui comprend la possibilité de surseoir à la mesure de renvoi et de faire droit à l’appel, n’était pas justifiée.

[130] M. Shen sait pourquoi le sursis ne lui a pas été accordé : les motifs d’ordre humanitaire ne le justifiaient pas. Par ses arguments, M. Shen prie essentiellement la Cour de soupeser à nouveau les facteurs d’ordre humanitaire et de trouver une façon de le soustraire aux conséquences de sa fausse déclaration.

XI. La SAI n’a pas omis de prendre en considération que l’interdiction de territoire de cinq ans s’appliquerait à M. Shen

[131] M. Shen prétend que la SAI aurait dû considérer l’incidence de l’interdiction de cinq ans comme un facteur d’ordre humanitaire; la SAI l’a fait, comme je le mentionne plus haut. Selon M. Shen, la SAI aurait dû examiner son argument selon lequel l’interdiction de cinq ans ne devrait pas s’appliquer rétroactivement puisque sa fausse déclaration a été faite en 2011 et qu’il devrait subir uniquement les conséquences alors applicables, c’est-à-dire une interdiction de deux ans.

[132] M. Shen a présenté une demande pour renouveler sa carte de résident permanent en 2011 en s’en remettant à Sunny Wang. Il prétend que l’ASFC avait eu des doutes en 2012, mais n’y avait pas donné suite. Il renvoie aux notes du Système de soutien des opérations des bureaux locaux [le SSOBL], qui indiquent qu’un rappel pour la récupération de la nouvelle carte de résident permanent avait été envoyé le 17 mai 2012, qu’on avait appelé le 10 septembre 2012 au numéro figurant au SSOBL parce que le délai de 180 jours était écoulé et que la femme qui avait répondu [traduction] « ignorait qui était M. Shen ». La note indique : [traduction] « À la clôture du dossier, j’ai eu des doutes quant au respect de l’obligation de résidence. J’ai confié le dossier au superviseur [nom] à des fins d’examen. »

[133] M. Shen affirme de nouveau que si sa fausse déclaration avait été découverte en 2012, l’interdiction aurait été de deux ans seulement. Selon lui, l’interdiction de cinq ans ne peut être imposée rétroactivement; il est toutefois question d’application rétrospective (c’est-à-dire une nouvelle conséquence pour un acte survenu avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle conséquence). M. Shen fait valoir que c’est la conséquence en vigueur au moment où sa fausse déclaration a été [traduction] « commise » qui devrait s’appliquer à lui.

[134] L’alinéa 40(2)a) énonce les conséquences de la fausse déclaration :

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

(2) The following provisions govern subsection (1):

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

[Non souligné dans l’original.]

[135] Le libellé de la disposition en vigueur jusqu’en 2014 était identique, à l’exception du passage suivant : « […] l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant […] » [non souligné dans l’original].

[136] Dans la version antérieure à 2014 et la version actuelle de la Loi, l’interdiction s’applique à compter de la date de la décision la constatant en dernier ressort ou de la date d’exécution de la mesure de renvoi. Comme M. Shen était au pays au moment de la décision, la date qui s’applique dans son cas est la date d’exécution de la mesure de renvoi. Il semble que le renvoi de M. Shen n’ait pas encore été exécuté. Même si sa fausse déclaration avait été découverte en 2012, c’est la date de l’exécution de son renvoi qui déterminerait la durée de son interdiction de revenir au Canada.

[137] Comme il a été mentionné au paragraphe 4 de la décision Zeng, il n’existe aucune disposition transitoire modifiant l’alinéa 40(2)a).

[138] M. Shen affirme que la conclusion dans la décision Zeng ne devrait pas s’appliquer, mais que la possible interprétation présentée par le juge McHaffie le devrait. Dans la décision Zeng, le juge McHaffie n’a pas conclu que l’interdiction de deux ans devrait s’appliquer aux fausses déclarations commises avant que la durée de l’interdiction soit augmentée à cinq ans en 2014. Toutefois, au paragraphe 52, il a reconnu que l’application des principes examinés par la Cour suprême dans l’arrêt Tran c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50 [Tran], pourrait conduire à une telle interprétation, c’est-à-dire « conclure que la période d’interdiction de territoire de deux ans devrait s’appliquer chaque fois que de fausses déclarations ont été faites avant la modification de la loi, considérant que cela revient au “moment de la commission de l’infraction” : Tran, aux par. 35‑41 ».

[139] Au paragraphe 53, le juge McHaffie a expliqué pourquoi il n’était pas convaincu que la date de la « commission » de la fausse déclaration devrait déterminer les conséquences et a affirmé que, selon lui, c’est la date de l’exécution de la mesure d’exclusion qui devrait être déterminante :

Je n’ai pas à trancher cette question en l’espèce, car les fausses déclarations de M. Zeng et la mesure d’exclusion qui en a découlé sont antérieures aux modifications. Toutefois, il y a deux raisons principales pour lesquelles je ne crois pas que ce soit la bonne interprétation. Premièrement, dans l’arrêt Tran, la juge Côté a reconnu que le libellé déclencheur de la LIPR était la date de la déclaration de culpabilité plutôt que la date de la commission de l’infraction. Seule l’application de l’alinéa 11i) de la Charte rendait pertinente la date de la commission de l’infraction, puisque la peine maximale imposée en cas de déclaration de culpabilité est celle en vigueur au moment de l’infraction : Tran, aux par. 36‑38. Deuxièmement, il se peut qu’une fausse déclaration ne soit pas découverte avant de nombreuses années, ce qui entraînerait à la fois une période de « transition » potentiellement longue et un débat inutile sur le moment où une fausse déclaration a été faite. La date de la mesure d’exclusion qui impose la conséquence de l’interdiction de territoire fixe une date précise pour évaluer la durée de la conséquence, même si l’exécution ne peut avoir lieu qu’un certain temps après. La préoccupation relative à la rétrospectivité est donc atténuée.

[Non souligné dans l’original.]

[140] Dans l’arrêt Tran, la Cour suprême du Canada a jugé, dans le contexte d’une conclusion d’interdiction de territoire en application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi, que le terme « emprisonnement » ne vise pas les peines d’emprisonnement avec sursis et que l’expression « punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans » figurant à l’alinéa 36(1)a) de la Loi se rapporte à la peine maximale que l’accusé aurait pu se voir infliger au moment de la commission de l’infraction, laquelle, dans le cas de M. Tran, était de moins de 10 ans. Cependant, la Cour suprême du Canada en est venue à cette conclusion en raison de l’alinéa 11i) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi sur le Canada de 1982 (R-U), 1982, c 11 [la Charte], qui s’applique à tout inculpé et prévoit :

11. Tout inculpé a le droit : […] i) de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence.

[141] Dans la décision Zeng, le juge McHaffie a conclu au paragraphe 55 que c’est la date de la mesure d’exclusion rendant le demandeur interdit de territoire qui devrait prévaloir, que la mesure ait été exécutée ou non :

[55] La mesure d’exclusion à l’encontre de M. Zeng a été prise avant l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’article 40 de la LIPR. La conséquence de cette mesure d’exclusion au moment où elle a été prise était que M. Zeng était interdit de territoire et le demeurerait pour une période de deux ans à compter de la date d’exécution de la mesure. Bien que les conséquences d’une mesure d’exclusion pour interdiction de territoire aient été renforcées par la suite, je conclus que rien n’indique que le législateur ait voulu que ce renforcement s’applique aux mesures d’exclusion qui avaient déjà été prises, comme celle qui avait été prise contre M. Zeng, qu’elles aient ou non été exécutées.

[Non souligné dans l’original.]

[142] Contrairement à l’affaire Zeng, dans le cas de M. Shen, la conclusion d’interdiction de territoire tirée par la SI et la mesure d’exclusion prise par celle-ci sont survenues en 2022, longtemps après l’entrée en vigueur de l’interdiction de cinq ans.

[143] Ni la conclusion dans la décision Zeng (qui était fondée sur des faits différents) ni la possible interprétation, au bout du compte rejetée par le juge McHaffie, ne sont favorables à M. Shen.

[144] Comme le fait observer le défendeur, le libellé de la loi indique clairement que l’interdiction commence à courir à la date du renvoi (et non à la date de la prise de la mesure d’exclusion ni à la date à laquelle la fausse déclaration est « commise ») et que c’est l’interdiction en vigueur à ce moment-là qui s’applique. Autrement dit, dans le cas d’un renvoi exécuté après le 21 novembre 2014, c’est l’interdiction de cinq ans qui s’applique.

[145] Comme notre Cour l’a souligné dans la décision Zeng, la Cour suprême du Canada a reconnu dans l’arrêt Tran que, selon le libellé de la loi, c’est la date de la déclaration de culpabilité et non la date de la commission de l’infraction qui déclenche la période d’interdiction de territoire. C’est en raison de la protection prévue à l’alinéa 11i) de la Charte que la Cour suprême a conclu que la peine à infliger devrait être celle en vigueur à la date de la commission de l’infraction. Cette disposition de la Charte ne s’applique pas à M. Shen. En conséquence, et contrairement à la conclusion tirée dans la décision Zeng d’après des faits différents, c’est la date du renvoi qui est l’événement déclencheur.

[146] Appliquer l’interdiction de cinq ans à tout demandeur dont le renvoi serait exécuté après novembre 2014 ne constitue pas une application rétrospective de la disposition législative.

[147] De plus, je considère que la fausse déclaration de M. Shen est continue, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un événement unique ayant commencé et pris fin en 2011. Bien que M. Shen ait fait cette fausse déclaration en 2011 dans sa demande pour renouveler sa carte de résident permanent, cette fausse déclaration lui a permis de séjourner au pays pendant de nombreuses années, puisque sa carte de résident permanent a été renouvelée en 2011–2012. Il semble que M. Shen n’ait subi de conséquences défavorables que longtemps après que l’ASFC a découvert la fraude orchestrée par Sunny Wang et ensuite identifié M. Shen comme l’un de ses clients. La SAI a pris la mesure de renvoi/d’exclusion 10 ans après que sa carte de résident permanent a été renouvelée sur la base d’une fausse déclaration. Il semble que M. Shen n’a pas encore été exposé à un possible renvoi du Canada. Comme la SAI l’a raisonnablement souligné, ce n’est pas à l’ASFC qu’il incombe de découvrir rapidement une fausse déclaration, mais au demandeur de ne pas en faire.

[148] La SAI n’a pas procédé à une analyse de la question de l’application rétrospective ou rétroactive de la Loi. Dans ses observations à la SAI, M. Shen n’a pas donné de détails sur la distinction à faire ou les principes pertinents, mais a simplement affirmé que la Cour n’était pas liée par la décision Zeng (c’est-à-dire que la date de la mesure d’exclusion est l’événement déclencheur) et que la date à laquelle la fausse déclaration a été commise devrait prévaloir, comme la date de la commission de l’infraction a prévalu dans l’arrêt Tran. La SAI a pris note de l’observation de M. Shen selon laquelle l’effet rétroactif (comme il l’a appelé) de la mesure d’exclusion devait être pris en considération, qu’il a aussi soulevée dans le cadre de l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire, et lui a accordé « peu de poids ». On ne peut reprocher à la SAI de ne pas fournir des motifs plus détaillés concernant la question générale de l’application rétrospective des dispositions législatives en réponse à des arguments qui n’ont pas été soulevés.

[149] M. Shen fait valoir que l’arrêt Tran devrait guider la Cour et que c’est la date à laquelle la fausse déclaration a été « commise » qui devrait prévaloir, tout comme c’est la date à laquelle l’infraction avait été commise qui a prévalu dans cet arrêt. Cependant, il ne tient pas compte du fait que le libellé de la disposition en litige dans l’arrêt Tran mettait l’accent sur la date de la déclaration de culpabilité, mais que, par application de l’alinéa 11i) de la Charte, la peine maximale la moins sévère applicable au moment de la commission de l’infraction devait prévaloir.

[150] Aucune disposition semblable ne s’applique à M. Shen.

XII. Les questions proposées aux fins de certification

A. Les questions proposées par le demandeur

[151] M. Shen propose quatre questions aux fins de certification :

[traduction]

  1. L’alinéa 40(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR], qui prévoit une interdiction de territoire de cinq ans suivant la décision constatant une fausse déclaration, a-t-il été appliqué rétrospectivement au demandeur? Dans l’affirmative, la SAI devrait-elle envisager d’accorder une réparation en equity pour atténuer une telle application rétrospective de l’interdiction de cinq ans?
  2. La SAI a-t-elle commis un manquement à l’équité procédurale en n’envisageant pas, à titre subsidiaire, de surseoir au renvoi en application du paragraphe 68(1) de la LIPR même si le demandeur avait sollicité une telle mesure pour atténuer l’effet rétroactif (ou rétrospectif) de l’interdiction de cinq ans prévue à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR?
  3. La norme que la SAI doit appliquer au titre de l’alinéa 67(1)c) est-elle différente ou plus rigoureuse que celle qu’elle doit appliquer au titre du paragraphe 68(1) pour pouvoir conclure que des motifs d’ordre humanitaire justifient, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales? Autrement dit, la SAI peut-elle conclure que les motifs d’ordre humanitaire justifient de surseoir à la mesure de renvoi, mais ne justifient pas de faire droit à l’appel?
  4. De plus, la SAI est-elle tenue de préciser dans sa conclusion que les deux options ont été envisagées?

B. Les observations du défendeur

[152] Le défendeur s’oppose à la certification de la première question. Il ne prend pas position sur les troisième et quatrième questions, faisant remarquer que les mêmes questions ont été certifiées dans la décision Yang. Il soutient que la deuxième question dépend de la réponse à la troisième question et ne prend pas position quant à savoir si elle devrait être certifiée ou non.

[153] En ce qui concerne la première question, le défendeur affirme que les modifications apportées à l’article 40 en 2014 n’ont rien changé au moment où l’interdiction commence à courir : la date « [d]’exécution de la mesure de renvoi » prévaut. Il soutient que, puisque le renvoi n’a pas encore eu lieu, l’interdiction qui s’applique au moment du renvoi est celle prévue dans la version actuelle de l’alinéa 40(2)a).

[154] Le défendeur note que, dans la décision Zeng, le juge McHaffie semble avoir conclu que la date de la mesure d’exclusion – c’est-à-dire la date de la conclusion de fausse déclaration – prévaut et que l’interdiction en vigueur à cette date s’applique même si le renvoi n’a pas encore eu lieu. Le défendeur ajoute que les faits et la chronologie de l’affaire Zeng sont différents et que celle-ci ne porte pas sur les questions soulevées par M. Shen en l’espèce.

[155] De façon plus générale, le défendeur soutient que la question ne satisfait pas au critère de certification puisqu’elle ne porte pas sur des questions « ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale ».

C. La réponse du demandeur

[156] M. Shen conteste la position du défendeur et soutient que la première question est de portée générale étant donné que, dans la décision Zeng, la Cour s’est fondée sur l’arrêt Tran pour conclure que le paragraphe 40(2) ne pouvait pas s’appliquer rétrospectivement. M. Shen soutient que la SAI n’a pas du tout examiné la question de l’application rétrospective, pas même dans le contexte de la prise de mesures spéciales. Il affirme encore une fois que la présomption de non-rétrospectivité devrait s’appliquer et que l’arrêt Tran devrait prévaloir pour qu’il soit conclu que la date à laquelle la fausse déclaration a été commise est déterminante relativement à l’interdiction applicable. M. Shen soutient que, si l’incertitude persiste, la question devrait être certifiée.

[157] M. Shen ajoute que, si l’application rétrospective devait être considérée dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire, le défaut de la SAI de la prendre en considération constitue une erreur susceptible de contrôle et serait déterminant quant à l’issue de l’appel.

D. Le critère de certification

[158] Le critère de certification d’une question est rigoureux. Une question ne sera certifiée que si elle est de portée générale et déterminante quant à l’issue d’un appel. Ce critère est bien établi (voir par exemple l’arrêt Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22 [Lunyamila] au para 46, renvoyant à l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 au para 36) et a été exposé plus récemment dans l’arrêt Obazughanmwen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2023 CAF 151, au paragraphe 28 :

[traduction]
[28] Il est bien établi dans la jurisprudence de notre Cour qu’une question ne peut être certifiée que si elle est grave, qu’elle est déterminante quant à l’issue de l’appel et qu’elle transcende les intérêts des parties. La question doit également avoir été soulevée et examinée dans la décision de la cour d’instance inférieure, et elle doit découler de l’affaire plutôt que des motifs du juge. Enfin, et corollairement à l’exigence qu’elle soit de portée générale suivant l’article 74 de la LIPR, la question ne peut pas avoir déjà été tranchée dans la jurisprudence : voir Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (QL), par. 4; Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, par. 36; Lewis c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, par. 36 et 39 (Lewis).

[159] Dans l’arrêt Lunyamila, la Cour d’appel fédérale a renvoyé à l’arrêt Lewis, précisant au paragraphe 46 : « La question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. »

E. Une question est certifiée

[160] La première question proposée par M. Shen, telle que libellée, ne serait pas déterminante quant à l’issue d’un appel. M. Shen n’a pas été renvoyé du Canada et la période de son interdiction de territoire – ou de l’interdiction de revenir au Canada – n’a pas encore commencé. De plus, que la durée de l’interdiction soit de deux ans ou de cinq ans ne changerait rien à la conclusion de la SAI voulant que M. Shen ait fait une présentation erronée sur un fait important et soit interdit de territoire en application de l’alinéa 40(1)a). La durée de l’interdiction ne change rien non plus à la conclusion de la SAI selon laquelle les motifs d’ordre humanitaire ne justifient pas la prise de mesures spéciales.

[161] Dans ses observations concernant l’application de la décision Zeng, M. Shen ne tient compte ni de la conclusion dans cette affaire ni des faits différents qui la sous-tendent.

[162] En outre, M. Shen ne tient pas compte du fait que la SAI a bel et bien pris en considération son observation concernant l’effet rétrospectif, qui portait en grande partie sur la question de savoir si cet effet devait être un facteur d’ordre humanitaire ou non, mais ne lui a accordé que « peu de poids ». Comme je le mentionne plus haut, dans le cadre de son évaluation des motifs d’ordre humanitaire, la SAI a examiné l’incidence de l’interdiction de cinq ans sur M. Shen, sa femme et sa famille à titre de difficultés liées au renvoi. Si la SAI avait examiné l’incidence d’une interdiction plus courte, soit de deux ans, les difficultés n’auraient pas été plus importantes et la conclusion n’aurait pas été différente.

[163] La question telle qu’elle est proposée par M. Shen, ou même telle que je la reformule ci-dessous, ne serait pas déterminante quant à l’issue d’un appel relatif à la conclusion de fausse déclaration ou quant à savoir si les motifs d’ordre humanitaire justifient la prise de mesures spéciales. Cependant, la question de savoir quel événement déclenche la période d’interdiction lorsque la fausse déclaration initiale a été faite avant les modifications de 2014 serait d’application générale dans les cas où elle se pose mais demeure théorique puisque le renvoi n’a pas encore eu lieu, comme dans le cas de M. Shen. Je la reformulerais ainsi :

Dans le cas d’un résident permanent jugé interdit de territoire pour avoir fait une fausse déclaration avant l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’alinéa 40(2)a) en 2014, et dont le renvoi du Canada n’a pas encore eu lieu, la durée de l’interdiction de territoire devrait-elle être déterminée en fonction de la date à laquelle la fausse déclaration initiale a été faite ou est-ce que le libellé de la loi, qui prévoit que la date déterminante est la date à laquelle la mesure de renvoi est exécutée, s’applique?

[164] Quant aux deuxième, troisième et quatrième questions proposées, qui portent sur la possibilité de surseoir au renvoi et la question de savoir si la SAI est tenue d’expliquer précisément pourquoi elle ne sursoit pas au renvoi, la Cour refuse de les certifier.

[165] Dans la décision Yang, la Cour a certifié les mêmes questions que celles qui sont proposées comme troisième et quatrième questions devant notre Cour. Elle a fait remarquer, au paragraphe 130 :

[130] Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la SAI doit être convaincue que « des motifs d’ordre humanitaire justifi[e]nt, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales » — soit pour faire droit à un appel, soit pour accorder un sursis — la réponse à cette question pourrait être déterminante quant à l’issue d’un appel et, à mon avis, satisfait au critère applicable en matière de certification.

[166] Comme il a été noté, il semble que la décision Yang n’a pas été portée en appel. Bien que, par souci de cohérence, on puisse avancer qu’il serait justifié de certifier la question de nouveau, les circonstances sous-jacentes diffèrent. En l’espèce, M. Shen soutient que, puisqu’elle a jugé que les remords qu’il avait exprimés militaient « légèrement en [sa] faveur » dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire, la SAI a commis une erreur en n’envisageant pas de surseoir au renvoi. Toutefois, la SAI n’a pas jugé que ce seul facteur faisait en sorte que les motifs d’ordre humanitaire étaient globalement suffisants. M. Shen n’a pas soulevé l’argument auquel il cherche à obtenir réponse au moyen d’une question certifiée.

[167] Comme je le mentionne plus haut, quand la SAI juge que les facteurs d’ordre humanitaire sont insuffisants, elle ne peut prendre aucune mesure spéciale et doit rejeter l’appel. Cependant, quand elle juge que les motifs d’ordre humanitaire sont suffisants, elle a deux options : surseoir à la mesure de renvoi ou accueillir l’appel. La SAI doit d’abord juger que les motifs d’ordre humanitaire justifient la prise de mesures spéciales, puis choisit l’option qui convient. Rien n’empêche la SAI d’accorder un sursis quand « des motifs d’ordre humanitaire justifi[e]nt, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ». Dans la présente affaire, la SAI a jugé que, bien que les remords de M. Shen aient pesé légèrement en sa saveur, les motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants.

[168] De l’avis de la Cour, au vu des faits de la présente affaire, la réponse aux questions proposées ne serait pas déterminante quant à l’issue de tout appel. Il en va de même pour la question connexe de savoir si la SAI est tenue de préciser qu’elle a examiné les possibilités de surseoir au renvoi et d’accueillir l’appel étant donné que, lorsqu’elle juge que les motifs d’ordre humanitaire sont insuffisants, aucune des deux options ne s’offre au demandeur.

[169] En conclusion, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[170] La question suivante est proposée aux fins de certification :

Dans le cas d’un résident permanent jugé interdit de territoire pour avoir fait une fausse déclaration avant l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’alinéa 40(2)a) en 2014, et dont le renvoi du Canada n’a pas encore eu lieu, la durée de l’interdiction de territoire devrait-elle être déterminée en fonction de la date à laquelle la fausse déclaration initiale a été faite ou est-ce que le libellé de la loi, qui prévoit que la date déterminante est la date à laquelle la mesure de renvoi est exécutée, s’applique?

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4069-24

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. La question suivante est certifiée :

Dans le cas d’un résident permanent jugé interdit de territoire pour avoir fait une fausse déclaration avant l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’alinéa 40(2)a) en 2014, et dont le renvoi du Canada n’a pas encore eu lieu, la durée de l’interdiction de territoire devrait-elle être déterminée en fonction de la date à laquelle la fausse déclaration initiale a été faite ou est-ce que le libellé de la loi, qui prévoit que la date déterminante est la date à laquelle la mesure de renvoi est exécutée, s’applique?

« Catherine M. Kane »

Juge


ANNEXE A

Les dispositions législatives applicables sont les suivantes :

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[…]

28 (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

28 (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 73 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i) il est effectivement présent au Canada,

(i) physically present in Canada,

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

Blanc

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

Blanc

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

Blanc

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une fausse déclaration sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

b) être ou avoir été parrainé par un répondant dont il a été statué qu’il est interdit de territoire pour fausses déclarations;

(b) for being or having been sponsored by a person who is determined to be inadmissible for misrepresentation;

c) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile ou de protection;

(c) on a final determination to vacate a decision to allow their claim for refugee protection or application for protection; or

d) la perte de la citoyenneté :

(d) on ceasing to be a citizen under

(i) soit au titre de l’alinéa 10(1)a) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 8 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, dans le cas visé au paragraphe 10(2) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à cette entrée en vigueur,

(i) paragraph 10(1)(a) of the Citizenship Act, as it read immediately before the coming into force of section 8 of the Strengthening Canadian Citizenship Act, in the circumstances set out in subsection 10(2) of the Citizenship Act, as it read immediately before that coming into force,

(ii) soit au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans le cas visé à l’article 10.2 de cette loi,

(ii) subsection 10(1) of the Citizenship Act, in the circumstances set out in section 10.2 of that Act, or

(iii) soit au titre du paragraphe 10.1(3) de la Loi sur la citoyenneté, dans le cas visé à l’article 10.2 de cette loi.

(iii) subsection 10.1(3) of the Citizenship Act, in the circumstances set out in section 10.2 of that Act.

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

(2) The following provisions govern subsection (1):

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction.

(b) paragraph (1)(b) does not apply unless the Minister is satisfied that the facts of the case justify the inadmissibility.

(3) L’étranger interdit de territoire au titre du présent article ne peut, pendant la période visée à l’alinéa (2)a), présenter de demande pour obtenir le statut de résident permanent.

(3) A foreign national who is inadmissible under this section may not apply for permanent resident status during the period referred to in paragraph (2)(a).

[…]

41 S’agissant de l’étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s’agissant du résident permanent, le manquement à l’obligation de résidence et aux conditions imposées.

41 A person is inadmissible for failing to comply with this Act

Blanc

(a) in the case of a foreign national, through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act; and

Blanc

(b) in the case of a permanent resident, through failing to comply with subsection 27(2) or section 28.

[…]

66 Il est statué sur l’appel comme il suit :

66 After considering the appeal of a decision, the Immigration Appeal Division shall

a) il y fait droit conformément à l’article 67;

(a) allow the appeal in accordance with section 67;

b) il est sursis à la mesure de renvoi conformément à l’article 68;

(b) stay the removal order in accordance with section 68; or

c) il est rejeté conformément à l’article 69.

(c) dismiss the appeal in accordance with section 69.

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

67 (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision-maker for reconsideration.

68 (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

68 (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

(2) La section impose les conditions prévues par règlement et celles qu’elle estime indiquées, celles imposées par la Section de l’immigration étant alors annulées; les conditions non réglementaires peuvent être modifiées ou levées; le sursis est révocable d’office ou sur demande.

(2) Where the Immigration Appeal Division stays the removal order

Blanc

(a) it shall impose any condition that is prescribed and may impose any condition that it considers necessary;

Blanc

(b) all conditions imposed by the Immigration Division are cancelled;

Blanc

(c) it may vary or cancel any non-prescribed condition imposed under paragraph (a); and

Blanc

(d) it may cancel the stay, on application or on its own initiative.

(3) Par la suite, l’appel peut, sur demande ou d’office, être repris et il en est disposé au titre de la présente section.

(3) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order, it may at any time, on application or on its own initiative, reconsider the appeal under this Division.

(4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité, criminalité ou criminalité transfrontalière est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l’étranger est reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l’appel étant dès lors classé.

(4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality, criminality or transborder criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-4069-24

 

INTITULÉ :

DA XIANG SHEN c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

vancouver (Colombie-britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 janvier 2025

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 AVRIL 2025

 

COMPARUTIONS :

Lawrence Wong

 

POUR LE demandeur

 

Richard Li

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE demandeur

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

pour le défendeur

 

 

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