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Date : 20250428


Dossier : IMM-12568-23

Référence : 2025 CF 750

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2025

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

AFRO GUNI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Guni sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté sa demande d’asile. La SAR a conclu que les allégations de M. Guni selon lesquelles il avait été victime de persécution religieuse n’étaient pas crédibles, principalement parce qu’il ne connaissait pas suffisamment les différences entre les confessions sunnite et chiite. J’accueillerai la demande de M. Guni, car la SAR n’a pas tenu compte du fait qu’il ne s’était jamais converti au chiisme et s’est donc attendue à ce qu’il ait un niveau de connaissance démesurément élevé des différences entre les deux grandes branches de l’islam. Par conséquent, la décision de la SAR est déraisonnable.

I. Contexte

[2] M. Guni, citoyen du Ghana, est musulman de confession sunnite né au sein d’une famille sunnite. Il demande l’asile au motif que son oncle a tenté de le forcer à se convertir au chiisme. M. Guni a fréquenté une école sunnite dans sa jeunesse. Quand il avait environ 18 ans, son père est décédé et son oncle l’a forcé à fréquenter une école chiite pendant cinq autres années. M. Guni a refusé de se convertir et a finalement décidé de quitter cette école. Dans les années qui ont suivi, il a fait l’objet de menaces ou d’attaques, ce qui l’a poussé à quitter le Ghana en 2013. Après avoir passé quelques mois en Afrique du Sud, M. Guni s’est rendu aux États-Unis, où il a demandé l’asile. En 2019, avant qu’il ne soit statué sur cette demande, il est arrivé au Canada et y a demandé l’asile.

[3] Devant la Section de la protection des réfugiés [la SPR], M. Guni a été interrogé sur les différences entre les confessions sunnite et chiite. Ses réponses sont décrites plus en détail ci-dessous. La SPR a conclu qu’il était [traduction] « raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur d’asile, après quinze ans d’éducation religieuse, démontre une compréhension et des connaissances approfondies de sa religion, laquelle constitue le fondement de sa demande d’asile ». Pour conclure que M. Guni manquait de crédibilité, la SPR s’est aussi appuyée sur la longue période qui s’est écoulée avant qu’il quitte le Ghana ainsi que sur son omission de demander l’asile en Afrique du Sud et de fournir des éléments de preuve corroborant sa demande d’asile aux États-Unis. En appel, la SAR a souscrit en grande partie aux conclusions de la SPR, sauf pour la question de l’omission de M. Guni de demander l’asile en Afrique du Sud.

II. Analyse

[4] Lorsqu’une demande d’asile est fondée sur des allégations de persécution religieuse, il arrive souvent qu’on questionne le demandeur afin d’évaluer l’étendue de ses connaissances religieuses. Cependant, il ne faut pas perdre de vue les objectifs de cette démarche, ainsi que ses limites. Comme on le verra, la SAR a dépassé ces limites dans le cas de M. Guni, ce qui rend sa décision déraisonnable.

A. Persécution religieuse et connaissances religieuses

[5] Même lorsqu’une demande d’asile est fondée sur des allégations de persécution religieuse, les connaissances ou croyances religieuses du demandeur ne sont pas forcément pertinentes, car sa crainte de persécution est fondée sur la motivation et la capacité de l’agent de persécution de lui porter préjudice. Cette motivation est souvent fondée sur la perception qu’a l’agent de persécution des caractéristiques personnelles du demandeur. Cette perception n’a pas à correspondre à la réalité ou, autrement dit, aux croyances subjectives ou aux connaissances religieuses du demandeur.

[6] Dans ses Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 Convention et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (HCR/GIP/04/06, 28 avril 2004), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés explique :

9. Il n’est pas nécessairement pertinent d’établir la sincérité de la croyance, de l’identité et/ou d’une certaine manière de vivre dans chaque cas. Il peut ne pas s’avérer nécessaire, par exemple, qu’une personne (ou un groupe) déclare qu’elle appartient à telle religion, qu’elle respecte telle confession religieuse ou qu’elle observe telles pratiques religieuses dès lors que le persécuteur impute ou attribue cette religion, cette confession ou ces pratiques à cette personne ou à ce groupe […] il n’est pas non plus nécessaire que le demandeur connaisse ou comprenne quoi que ce soit à propos de la religion s’il a été identifié par d’autres comme appartenant à ce groupe et s’il a des craintes de persécution pour cette raison […]

10. De même, la naissance au sein d’une communauté religieuse particulière ou une corrélation étroite entre la race et/ou l’ethnie d’une part, et la religion d’autre part, pourrait retirer la nécessité de rechercher si une personne adhère à une confession donnée ou si elle appartient de bonne confession à cette communauté si l’adhésion à cette religion lui est attribuée.

[7] À titre de comparaison, une personne peut être persécutée pour des opinions politiques qu’elle n’a pas réellement. La Cour suprême du Canada a expliqué comment une telle situation est possible dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, à la page 747 :

[…] les opinions politiques imputées au demandeur et pour lesquelles celui‑ci craint d’être persécuté n’ont pas à être nécessairement conformes à ses convictions profondes. Les circonstances devraient être examinées du point de vue du persécuteur, puisque c’est ce qui est déterminant lorsqu’il s’agit d’inciter à la persécution. Les opinions politiques qui sont à l’origine de la persécution n’ont donc pas à être nécessairement attribuées avec raison au demandeur. Des considérations similaires sembleraient s’appliquer aux autres motifs de persécution.

[8] À plus forte raison, le demandeur d’asile n’a pas à connaître la religion ou l’idéologie politique de son agent de persécution. Un musulman persécuté par des hindous n’est pas tenu de connaître quoi que ce soit de la doctrine de l’hindouisme, pas plus qu’on ne devrait s’attendre à ce qu’une personne persécutée par des communistes puisse parler en long et en large des différences entre le capitalisme et le communisme.

[9] Néanmoins, dans certains cas, les connaissances religieuses du demandeur peuvent être pertinentes. Lorsque le demandeur prétend craindre d’être persécuté parce qu’il s’est converti à une religion donnée, notre Cour a toujours conclu qu’il est loisible à la SPR de l’interroger pour vérifier si ses connaissances sur sa nouvelle religion correspondent à ce qu’on pourrait raisonnablement s’attendre dans les circonstances : Hou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 993, [2014] 1 RCF 405; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1273; Bouarif c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 49; Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 490; Siline c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 490 [Siline]. Normalement, une personne se convertit à une religion après s’être renseignée sur ses caractéristiques fondamentales. Après sa conversion, elle va habituellement poursuivre son apprentissage. Il serait étonnant qu’un converti soit incapable de démontrer un minimum de connaissances sur sa religion.

[10] Voilà qui fait ressortir un élément important : dans les cas de conversion, les connaissances religieuses du demandeur sont pertinentes parce qu’elles permettent de juger de sa crédibilité. Il ne s’agit pas d’une composante de la définition du statut de réfugié. En revanche, il est peu probable qu’un converti n’ayant pas un minimum de connaissances sur sa nouvelle religion soit un témoin crédible. Autrement dit, « il existe une corrélation logique entre la profondeur des connaissances religieuses et la crédibilité d’une prétention de persécution » : Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 346 au paragraphe 9 [Wang (2012)]. Plus précisément, conclure que le demandeur d’asile n’a pas les connaissances de base de la religion qu’il revendique équivaut à une conclusion d’invraisemblance : Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 503 au paragraphe 18.

B. Connaissances religieuses, crédibilité et vraisemblance

[11] Dès lors qu’il est reconnu que l’évaluation des connaissances religieuses du demandeur donne lieu à une conclusion de vraisemblance, les paramètres de cette évaluation se précisent.

[12] Une conclusion d’invraisemblance est un type de conclusion relative à la crédibilité. Dans un tel cas, le manque de crédibilité ne découle pas d’incohérences, d’hésitations, du caractère changeant du témoignage ou de facteurs semblables. En réalité, le juge des faits ne croit pas au témoignage parce qu’il juge que les événements n’ont pas pu se produire comme l’a raconté le témoin ou sont si improbables qu’ils entraînent l’incrédulité. Autrement dit, le témoignage est rejeté parce qu’il ne correspond pas à notre compréhension de la façon dont les événements peuvent se dérouler dans le cours normal des choses. Cette compréhension peut découler de l’expérience personnelle du juge des faits ou des éléments de preuve contextuels, comme la preuve sur les conditions dans le pays.

[13] Les conclusions d’invraisemblance sont épineuses parce que « le simple fait qu’un événement soit peu probable à la lumière de l’expérience passée ne signifie pas qu’il ne s’est pas produit (ou qu’il n’aurait pas pu se produire) » : Zaiter c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 908 au paragraphe 8 [Zaiter]. Le décideur doit éviter de commettre l’erreur de ne pas croire un témoignage simplement parce que celui-ci décrit des événements peu probables ou peu fréquents : Al Dya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 901 aux paragraphes 35 à 37 [Al Dya]. En particulier, dans le cas des demandes d’asile, le décideur peut être tenté de conclure à l’invraisemblance alors qu’il ne sait pas ce qui est habituel ou commun dans le pays d’origine du demandeur : Zaiter, au paragraphe 8; Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 au paragraphe 7 [Valtchev].

[14] Pour ces raisons, notre Cour a maintes fois prévenu les décideurs qu’il faut s’abstenir de tirer des conclusions d’invraisemblance, sauf « dans les cas les plus évidents », quand le témoignage « débord[e] le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre » ou quand les « événements ne pouvaient pas se produire comme le [demandeur d’asile] le prétend » : Valtchev, au paragraphe 7; Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155 aux paragraphes 10 et 11; Al Dya, au paragraphe 39.

[15] Le décideur doit encore davantage tenir compte de cette mise en garde lorsqu’il juge que l’allégation d’appartenance religieuse du demandeur est invraisemblable en raison du manque de connaissances religieuses de ce dernier. La religion est surtout une question de foi ou de croyance. La liberté de religion et la protection contre la persécution religieuse ne sont pas conditionnelles à la connaissance ou au respect des dogmes religieux. Bien que les tribunaux puissent vouloir examiner la sincérité des croyances religieuses d’une personne, la portée d’un tel examen doit être aussi restreinte que possible : Syndicat Northcrest c Amselem, 2004 CSC 47 aux paragraphes 47 à 53, [2004] 2 RCS 551.

[16] Tout d’abord, il convient de préciser pourquoi la sincérité des croyances ou un niveau particulier de connaissances religieuses sont pertinents relativement à la demande d’asile. Comme je le mentionne plus haut, dans certains cas de persécution religieuse, les croyances ou connaissances réelles du demandeur ne sont tout simplement pas pertinentes. Dans d’autres cas, surtout lorsqu’il s’agit de conversion, il est raisonnable de s’attendre à un certain niveau de connaissances de la religion en question : voir par exemple la décision Siline, au paragraphe 9. De fait, la plupart sinon la totalité des cas où notre Cour a décidé qu’il était raisonnable de procéder à une évaluation des connaissances religieuses étaient des cas de prétendue conversion. Naturellement, la Cour craint que de ne pas vérifier la sincérité des allégations de conversion religieuse puisse ouvrir la porte à des abus.

[17] Ensuite, il convient de déterminer le niveau de connaissances religieuses attendues du demandeur. Bien entendu, il s’agit d’une évaluation contextuelle qui doit tenir compte de facteurs comme la nature de la religion en question, les circonstances de la conversion, l’âge et le niveau d’instruction du demandeur, le temps écoulé depuis la conversion et la possibilité concrète pour le demandeur d’acquérir des connaissances religieuses. À ce stade, le décideur doit garder à l’esprit le critère rigoureux à respecter pour tirer une conclusion d’invraisemblance. Le critère ne consiste pas à savoir ce que le bon converti ou le converti moyen connaîtrait. Il ne s’agit pas d’un jeu-questionnaire religieux : Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1030 au paragraphe 13. Il ne s’agit pas non plus d’une évaluation du « bien-fondé [des] convictions théologiques [du demandeur] » : Wang (2012), au paragraphe 9. Le décideur doit plutôt tenter de définir « le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre » ou, autrement dit, quel niveau minimal de connaissances le converti doit démontrer pour que son allégation de conversion soit crédible.

C. Décision de la SAR

[18] À la lumière de ces principes, j’estime que l’évaluation qu’a effectuée la SAR du manque de connaissances religieuses de M. Guni était déraisonnable. La SAR a tiré une conclusion défavorable parce que M. Guni [traduction] « était incapable de répondre à des questions simples concernant les différences entre les branches sunnite et chiite de l’islam, le rôle du prophète Mahomet et le livre sacré, le Coran ».

[19] Premièrement, la SAR n’a pas saisi le fait que, contrairement à la plupart des décisions de notre Cour portant sur l’évaluation des connaissances religieuses, la demande d’asile de M. Guni n’était pas fondée sur une conversion. En fait, M. Guni a plutôt résisté aux tentatives de son oncle de le forcer à se convertir au chiisme. Dans ces circonstances, la déclaration de la SAR selon laquelle l’éducation religieuse de M. Guni était [traduction] « au cœur de ses principales allégations » est dépourvue de justification. Ce qui importait, c’était que son oncle le percevait comme un sunnite. Ainsi, contrairement aux cas de conversion, les connaissances religieuses de M. Guni ne semblent pas avoir de pertinence dans l’analyse, et la SAR pas expliqué pourquoi il en irait autrement. Le défaut de la SAR de préciser la portée de sa [traduction] « conclusion défavorable » illustre bien son manque de clarté sur cette question. Autrement dit, quelle partie du récit de M. Guni n’a-t-elle pas cru? Qu’il avait d’abord fréquenté une école sunnite? Que son oncle l’avait forcé à changer d’école pour une école chiite? Ou même qu’il est musulman sunnite? De plus, comme M. Guni ne s’est pas converti au chiisme, il est difficile de comprendre comment on peut s’attendre à ce qu’il en ait des connaissances détaillées.

[20] Deuxièmement, la SAR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité sans tenir compte du critère rigoureux à respecter pour tirer une conclusion d’invraisemblance. Selon la SAR, M. Guni aurait dû avoir davantage de connaissances religieuses parce qu’il a fréquenté une école sunnite et une école chiite pendant de longues périodes. Pourtant, il est possible que M. Guni ait trouvé d’autres sujets plus intéressants ou plus pertinents que la religion, comme la littérature ou la physique. Il a toujours affirmé n’avoir jamais voulu se convertir au chiisme. Peut-être avait-il un trouble de l’apprentissage? Peut-être avait-il de la difficulté à se souvenir des détails quelque vingt ans plus tard? En bref, il y a de nombreuses explications vraisemblables au manque relatif de connaissances de M. Guni sur les différences entre les confessions sunnite et chiite. À part mentionner l’éducation de M. Guni, la SAR n’a pas expliqué pourquoi ne pas connaître les différentes interprétations que donnent les sunnites et les chiites au Coran était hors du « cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre » de quelqu’un comme lui. De plus, la SAR ne s’est appuyée sur aucune preuve pour conclure qu’il était raisonnable de s’attendre à de telles connaissances.

[21] Troisièmement, la SAR a déraisonnablement analysé les propos de M. Guni lors de son témoignage. Elle s’est concentrée sur l’extrait suivant :

[traduction]
INTERPRÈTE : Il a dit qu’elles ont toutes les deux le Coran comme livre sacré, mais qu’il y d’autres livres, qui sont différents.

COMMISSAIRE : Quels livres sont différents?

INTERPRÈTE : Il a dit que la différence est que certains livres accordent moins d’importance au prophète, ne l’élèvent pas sur le piédestal qu’il mérite, donc c’est la différence dans certains livres.

COMMISSAIRE : Quels livres font cela? Lesquels?

INTERPRÈTE : Il a dit qu’il y a un (inaudible) et je veux… laissez-moi clarifier ce que cela veut dire. Il a parlé de certains textes, et c’est… J’essaie de préciser ici, il y a certains textes qui sont très différents, alors il a continué à utiliser les mots « ces livres », ces textes qui sont très différents. Donc, c’est le texte du prophète, c’est ce que j’ai compris.

COMMISSAIRE : D’accord. Mais vous ne connaissez pas les noms précis des livres qui sont différents entre le sunnisme et le chiisme?

INTERPRÈTE : Alors, il a donné un exemple, il a dit qu’il y en a un intitulé Adiso Bohi (transcription phonétique). Il a dit qu’on dirait qu’il s’agit des mêmes textes, que ce sont les mêmes livres, mais que les explications sont différentes, les interprétations des livres.

[22] Il faut faire preuve de prudence dans l’analyse de cet extrait. Le témoignage de M. Guni a été interprété du haoussa à l’anglais. La plupart du temps, l’interprète utilisait la première personne pour rendre le témoignage de M. Guni. Toutefois, quand des difficultés se présentaient, l’interprète passait à la troisième personne. Dans l’extrait, il est plutôt évident que l’interprète avait de la difficulté à trouver les bons mots pour traduire les concepts religieux.

[23] Surtout, M. Guni a été en mesure de nommer un livre que les sunnites et les chiites interprètent différemment. Il est vrai que la question a dû être répétée trois fois, mais c’est vraisemblablement parce que l’interprète ajoutait ses propres explications et tentait de se corriger lui-même en cours d’interprétation. Rien dans le court extrait ci-dessus ne tend à démontrer que M. Guni avait de la difficulté à répondre, encore moins qu’il n’était pas un croyant sincère.

[24] La SAR a aussi souligné que M. Guni lui-même avait mentionné les différents livres, mais était [traduction] « incapable d’en dire plus » quand on lui posait davantage de questions. Il n’y a rien là d’inhabituel. À titre de comparaison, une personne sans formation en droit pourrait savoir que le Québec est régi par un système de droit différent de celui du reste du Canada, et même nommer le Code civil du Québec, sans toutefois être capable de donner des exemples concrets des différences entre les deux systèmes.

D. Autres questions

[25] La SAR avait d’autres raisons de juger que M. Guni n’était pas crédible. M. Guni en conteste certaines. Comme la question des connaissances religieuses suffit à rendre la décision de la SAR déraisonnable, je ne me pencherai pas sur ces autres raisons. Il suffit de dire que je ne suis pas convaincu que la décision aurait été la même si la SAR n’avait pas commis d’erreur concernant les connaissances religieuses.

III. Dispositif

[26] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à la SAR pour nouvel examen.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-12568-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de la Section d’appel des réfugiés est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-12568-23

INTITULÉ :

AFRO GUNI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE pAR VISIOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 MARS 2025

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 AVRIL 2025

 

COMPARUTIONS :

Aminata Ba

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Guillaume Bigaouette

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DTB Avocats s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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