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Date : 20250425 |
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Dossier : IMM-13288-23 |
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Référence : 2025 CF |
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[TRADUCTION FRANÇAISE] |
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Ottawa (Ontario), le 25 avril 2025 |
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En présence de madame la juge McDonald |
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ENTRE : |
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demandeurs |
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Les demandeurs contestent la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté leur demande d’asile au motif qu’ils disposaient de possibilités de refuge intérieur (PRI) en Colombie. La SPR a reconnu que cette famille de quatre personnes avait été prise pour cible par les Forces d’autodéfense gaitanistes de Colombie (les FAGC). Les demandeurs ont fait valoir qu’ils n’étaient à l’abri des FAGC nulle part en Colombie.
[2] Pour évaluer si les PRI étaient valables, la SPR a appliqué le critère à deux volets qui prend en compte 1) le risque de persécution aux endroits proposés comme PRI et 2) le fait qu’il serait déraisonnable ou non pour les demandeurs de chercher refuge dans les endroits proposés comme PRI. La SPR a conclu que, si les FAGC avaient les moyens de retrouver les demandeurs en Colombie, rien ne prouvait qu’elles avaient la motivation de le faire. La SPR a également estimé qu’il ne serait pas déraisonnable pour les demandeurs adultes de s’établir dans les endroits proposés comme PRI étant donné qu’ils disposaient de compétences transférables pour trouver du travail et qu’ils auraient accès à la fois à des soins de santé mentale et à des soins médicaux.
[3] Pour les motifs exposés ci‑après, je conclus que la décision de la SPR est raisonnable et je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.
I. Question en litige et norme de contrôle
[4] La seule question en litige consiste à savoir si la conclusion de la SPR selon laquelle il existe des PRI valables en Colombie était raisonnable.
[5] Pour évaluer le caractère raisonnable d’une décision, la Cour doit tenir compte des motifs fournis et décider s’ils sont fondés sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et s’ils sont justifiés au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 85). La Cour ne procède pas à une nouvelle appréciation de la preuve, à moins de « circonstances exceptionnelles »
(Vavilov, au para 125).
II. Analyse
[6] Les demandeurs font valoir 1) que la SPR a appliqué le mauvais critère dans l’évaluation des risques auxquels ils demeurent exposés, 2) qu’elle s’est livrée à tort à des conjectures, et 3) qu’elle a commis une erreur lorsqu’elle s’est fondée sur l’absence de preuve de persécution passée pour prédire le risque futur, ce qui rend sa décision déraisonnable.
[7] Pour déterminer s’il existe une PRI valable, la SPR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, 1) qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution pour les demandeurs dans l’endroit proposé comme PRI, et que, 2) en toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour les demandeurs d’y chercher refuge avant de chercher refuge au Canada (Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643 aux para 10‑12).
[8] Premièrement, les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a évalué le risque actuel et futur au titre du premier volet du critère relatif à la PRI. Ils affirment que la SPR a appliqué une norme erronée puisqu’elle a utilisé le critère de [traduction] l’« intérêt de longue durée »
au lieu de la norme correcte de la « possibilité raisonnable »
pour évaluer le risque de persécution auquel ils seraient exposés aux mains des FAGC s’ils devaient retourner en Colombie. Ils font également valoir que la SPR s’est concentrée à tort sur l’absence de preuve de persécution passée comme indicateur du risque futur.
[9] Pour évaluer ce facteur, la SPR s’est penchée sur la question de savoir si les actions et le comportement passés des FAGC montraient qu’elles auraient ultérieurement la motivation de retrouver les demandeurs dans les endroits proposés comme PRI. La SPR a noté de manière raisonnable que les éléments de preuve montraient que les FAGC n’avaient pas mis leurs menaces à exécution et n’avaient pris aucune mesure concrète pour retrouver les demandeurs après juin 2020. Il était raisonnable pour la SPR de tenir compte de [traduction] l’« intérêt de longue durée »
, ou de l’« intérêt soutenu »
, pour chercher à savoir si les FAGC avaient la motivation de retrouver les demandeurs dans les endroits proposés comme PRI (Gutierrez Torres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 165 au para 30).
[10] Deuxièmement, les demandeurs font valoir que la conclusion de la SPR selon laquelle les FAGC n’avaient pas la motivation de les retrouver était fondée sur des conjectures erronées.
[11] La conclusion de la SPR selon laquelle les FAGC n’avaient pas d’intérêt à retrouver les demandeurs était raisonnablement fondée sur le fait que les FAGC n’avaient pas mis leurs menaces de représailles à exécution ni manifesté d’intérêt pour le recrutement des enfants mineurs. La SPR a également noté que les demandeurs ne correspondaient pas aux cibles habituelles des FAGC. Elle a raisonnablement tenu compte des éléments de preuve montrant que les FAGC n’avaient pas poursuivi les membres de la famille de la demanderesse principale ou ne leur avait pas parlé. Elle s’est ainsi exprimée :
[traduction]
[49] […] Étant donné que les membres de la famille du frère [de la demanderesse principale] en Colombie n’ont été ni poursuivis, ni menacés, ni maltraités, de quelque manière que ce soit, par les agents de préjudice, j’estime que ces derniers n’ont pas la motivation de mettre à exécution les menaces qu’ils ont proférées le 9 septembre 2022 et le 5 octobre 2022, ou de causer du tort à la famille du frère [de la demanderesse principale] […]
[12] La SPR a examiné la preuve sur cette question et a raisonnablement déduit, puisque rien ne prouvait que des efforts avaient été déployés pour retrouver les demandeurs, que les FAGC n’avaient pas de motivation continue de retrouver les demandeurs dans les endroits proposés comme PRI (Jamal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1633 au para 27; Pardo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 427 au para 16). Je suis convaincue que la SPR ne s’est pas livrée à des conjectures erronées lorsqu’elle a tiré cette conclusion.
[13] Troisièmement, les demandeurs font valoir que la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve montrant que les demandeurs mineurs avaient été ciblés pour être recrutés de force et que des menaces avaient été proférées à l’encontre du frère de la demanderesse principale après un premier incident survenu en juin 2020.
[14] La SPR a renvoyé à la preuve documentaire objective concernant le recrutement forcé d’enfants. Elle a raisonnablement conclu que les FAGC avaient eu l’occasion de recruter les enfants de la demanderesse principale, mais qu’elles n’avaient pas menacé de le faire ni pris de mesure à cet effet :
[traduction]
[34] Je note que la preuve objective fait état d’incidents en Colombie au cours desquels des groupes armés ont recruté de force des mineurs. En l’espèce, les membres des FAGC n’ont toutefois jamais manifesté le moindre intérêt envers le recrutement forcé des demandeurs mineurs et n’ont jamais tenté de le faire, même s’ils savaient exactement où vivaient les demandeurs. Par conséquent, j’estime que ces éléments de preuve n’étayent pas l’argument selon lequel les agents de préjudice ont un intérêt à recruter les demandeurs mineurs. [Notes de bas de page omises.]
[15] La SPR a examiné l’exposé circonstancié qui lui a été présenté et a finalement conclu que si les FAGC avaient les moyens et la capacité de retrouver les demandeurs d’asile, elles n’avaient pas la motivation nécessaire de le faire. La SPR n’a pas fait abstraction d’éléments de preuve. Les arguments des demandeurs dans le cadre du présent contrôle judiciaire reviennent essentiellement à demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve. Ce n’est pas le rôle de la Cour. En outre, dans l’arrêt Vavilov, il est clairement établi qu’à moins de « circonstances exceptionnelles »
(au para 125), le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve. Il n’y a pas de telles circonstances exceptionnelles en l’espèce.
III. Conclusion
[16] En conclusion, je suis convaincue que la SPR a raisonnablement conclu que les demandeurs disposaient de PRI valables en Colombie.
[17] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑13288‑23
LA COUR REND LE JUGMENT suivant :
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La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
-
Il n’y a aucune question à certifier.
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En blanc |
« Ann Marie McDonald » |
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En blanc |
Juge |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier : |
IMM‑13288‑23 |
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INTITULÉ : |
Orozco et autres c le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
TORONTO (ONTARIO) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 17 février 2025 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE MCDONALD |
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DATE DES MOTIFS : |
Le 25 avril 2025 |
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COMPARUTIONS :
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Timothy Wichert |
POUR LES DEMANDEURS |
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Antonietta F. Raviele |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Timothy Wichert Avocat Toronto (Ontario) |
POUR LES DEMANDEURS |
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Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |