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Date : 20250507


Dossier : T-2497-22

Référence : 2025 CF 829

Ottawa (Ontario), le 7 mai 2025

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

AÉROPORTS DE MONTRÉAL

demanderesse

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défenderesse

et

TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

office fédérale visé par la demande

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] L’organisation désignée comme Aéroports de Montréal [ADM; par convention, j’utiliserai le masculin singulier], qui est responsable des aéroports de Montréal et de Mirabel, recherche le contrôle judiciaire d’une décision (2022 TATCF 54) du Tribunal d’appel des transports du Canada [Tribunal ou TATC] du 2 novembre 2022. Cette décision confirmait la décision rendue le 2 novembre 2021 (2021 TATCF 31) par la Conseillère, Jennifer Webster, qui s’était déclarée satisfaite, selon la balance des probabilités, de la commission par ADM de 10 violations aux articles 4 et 9 du Règlement sur la formation du personnel en matière d’aide aux personnes ayant une déficience, DORS/94‑42 [Règlement]. Une sanction pécuniaire de 2 500 $ par violation était imposée.

[2] La demande de contrôle judiciaire est présentée à l’égard de la décision du TATC en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.

[3] Il n’est plus contesté par ADM que si le Règlement s’applique à lui, les violations se sont produites en ce que les obligations faites au Règlement, sur lesquelles je reviendrai, n’ont pas été respectées. Le débat se situe ailleurs.

I. Les faits

[4] Nul ne doute que l’adoption de mesures pour celles et ceux qui vivent avec des déficiences afin qu’ils participent pleinement à la vie dans leur communauté est souhaitable. Ce qui est prévu à cet égard à la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 [Loi], n’est pas contesté comme ne pouvant faire l’objet de législation fédérale.

[5] Les faits qui donnent ouverture au litige entre les parties ne sont pas véritablement controversés. Il est prétendu que le Règlement appliqué à ADM en l’espèce, qui porte sur l’obligation faite à ADM de s’assurer que la formation relative aux services à être offerts à ces personnes ayant une déficience, ne saurait être appliqué à certains entrepreneurs qui bénéficient de privilèges sur les lieux de l’aéroport exploité par le demandeur.

[6] Quoi qu’il en soit, un bref résumé de la trame factuelle s’impose. Le 28 juillet 2020, un enquêteur de l’Office des transports du Canada [Office], désigné comme un « agent verbalisateur », a dressé 10 constats d’infraction [procès-verbal de violation ou procès-verbal] à l’endroit de ADM, le tout en fonction des articles 4 et 9 du Règlement. De ces 10 procès-verbaux, huit reprochaient l’absence de formation de personnes qui participent aux services de navettes entre hôtels et l’aéroport Montréal-Trudeau. Pour permettre une telle navette, les hôtels (qui veulent offrir ce service à leur clientèle) contractent avec ADM afin d’utiliser les aires d’embarquement ainsi désignées. Les autorisations octroyées le sont sur la base de frais annuels de base auxquels s’ajoutent des frais pour chaque véhicule utilisé pour le transport des clients. Parce que certains clients peuvent être affectés de déficiences, le Règlement requiert que les exploitants de terminaux s’assurent que les opérateurs de navettes reçoivent une certaine formation et que les connaissances soient maintenues à l’aide de recyclage.

[7] Quant aux deux autres procès-verbaux de contraventions, ils sont relatifs à des entreprises de location d’automobiles qui louent des espaces et locaux de ADM pour pouvoir exercer leur commerce. Le personnel doit aussi recevoir une formation. Des 10 procès-verbaux, neuf d’entre eux étaient fonction de l’article 4 du Règlement (réception de la formation) et un en fonction de l’article 9 (recyclage de la formation). Pour chaque infraction, une amende de 2 500 $ a été imposée en fonction d’une amende possible de 250 000 $ par infraction?

[8] Ces procès-verbaux doivent évidemment faire l’objet d’une décision si les infracteurs allégués ne plaident pas coupable. Nous nous tournons donc vers les décisions rendues.

II. La décision dont contrôle judiciaire est demandé

[9] La décision qui importe davantage est bien sûr celle du TATC. Le Tribunal agissait en appel de la décision de la Conseillère. Nous commençons avec cette dernière parce que le TATC s’est déclaré fondamentalement en accord avec la Conseillère en révision.

La Conseillère

[10] Un rapport détaillé avait été fourni par l’agent verbalisateur. La Conseillère du TATC a considéré avoir été prouvées selon la prépondérance des probabilités les 10 violations du Règlement alléguées. Cette décision provenait de la demande de ADM que les faits reprochés et la sanction pécuniaire imposée par l’Office soient révisés.

[11] Dès ce stade, ADM entendait contester que l’interprétation donnée par l’Office quant à sa compétence était incorrecte. Se posait dès lors la question de savoir en quoi consistait réellement la contestation avancée. En effet, l’Office prétendait à une contestation à saveur constitutionnelle, à savoir que l’interprétation donnée à la règlementation par ADM cherchait à exclure du champ d’application du Règlement les entrepreneurs pour lesquels la formation n’aurait pas été donnée. On prétendait que la compétence fédérale ne pouvait leur être opposée puisqu’elles sont des entreprises devant être régies au provincial. Si tel était la teneur de l’argument, l’Office arguait qu’un avis de question constitutionnelle en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales devait être donné.

[12] Ce n’était pas l’avis de ADM qui ne requérait pas que le Règlement soit déclaré inconstitutionnel comme étant invalide. Ce n’était que l’interprétation de l’Office, qui rendait son Règlement applicable à certains entrepreneurs, qui était inappropriée au « plan administratif ». Si on ne demande qu’une interprétation conforme à la Constitution, un avis ne serait pas requis (Najafi c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2014 CAF 262, [2015] 4 RCF 162). Cette approche aura été source de confusion tout au cours du litige opposant ADM et l’Office.

[13] La Conseillère devait conclure au sujet de cette question préliminaire qu’elle ne pourrait déclarer le Règlement invalide, ce qui entraînait que les arguments de ADM devaient être circonscrits en conséquence, puisqu’ADM insistait ne pas contester la constitutionnalité de la Loi ou du Règlement.

[14] Ainsi, ADM prétendait que les entreprises fournissant des services de navettes ou de louage de voitures ne pouvaient être des entreprises au sens du Règlement. La raison en était que l’Office étendait la portée du Règlement à des entités qu’il ne pouvait règlementer parce qu’elles ne sont pas de compétence fédérale. Le lien de rattachement entre les entreprises et l’aéroport ne serait pas établi parce que leurs employés ne seraient pas sur les installations ou dans les locaux liés aux opérations d’un terminal; elles ne fournissent donc pas des services à l’aéroport.

[15] Après la question préliminaire portant sur la nécessité de présenter un avis de question constitutionnelle, cette fois l’Office a prétendu que le Tribunal n’avait pas compétence pour disposer de la question de droit soulevée en l’espèce. Telle question serait l’apanage de la Cour d’appel fédérale, selon le paragraphe 41(1) de la Loi. Ce paragraphe se lit comme il suit :

Appel

41 (1) Tout acte — décision, arrêté, règle ou règlement — de l’Office est susceptible d’appel devant la Cour d’appel fédérale sur une question de droit ou de compétence, avec l’autorisation de la cour sur demande présentée dans le mois suivant la date de l’acte ou dans le délai supérieur accordé par un juge de la cour en des circonstances spéciales, après notification aux parties et à l’Office et audition de ceux d’entre eux qui comparaissent et désirent être entendus.

 

Appeal from Agency

41 (1) An appeal lies from the Agency to the Federal Court of Appeal on a question of law or a question of jurisdiction on leave to appeal being obtained from that Court on application made within one month after the date of the decision, order, rule or regulation being appealed from, or within any further time that a judge of that Court under special circumstances allows, and on notice to the parties and the Agency, and on hearing those of them that appear and desire to be heard.

[16] La Conseillère dispose de cet argument en concluant qu’elle a compétence pour traiter de la question de droit soulevée. Trouvant appui sur Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c Laseur, 2003 CSC 54, [2003] 2 RCS 504 [Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c Martin], au para 48, et Office des transports du Canada c Marina District Development Company, 2012 TATCF 1, il est décidé que le Tribunal a le pouvoir implicite de traiter de cette question, pouvoir qui ne lui a pas été retiré expressément. On arrive donc au fond de l’affaire.

[17] Pour ADM, l’interprétation donnée par l’Office incluant les entreprises relevant de la compétence provinciale ne pouvait être reconnue. Un texte doit être interprété pour le rendre intra vires parce que le législateur fédéral doit vouloir légiférer en fonction de sa compétence, sans plus. L’Office acceptait que les entreprises visées par l’enquête étaient des entreprises de la compétence provinciale. Mais, disait l’Office, le Règlement ne s’applique pas à elles : il s’applique plutôt à ADM comme exploitant de terminal, ce qui est certainement de compétence fédérale. On impose à ADM l’obligation de s’assurer que la formation a été reçue, rien de plus.

[18] Contrairement à ce que prétendait ADM, la définition du mot « personnel » dans un tout autre texte, le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, DORS/2019‑44, n’a aucune incidence sur le sens à donner au terme « entrepreneur » dans le Règlement sous étude. Outre que les deux règlements traitent de personnes affectées de certains handicaps, les deux textes ont une portée différente et, en fin de compte, traitent de choses différentes. À tout événement le mot « personnel » n’est pas le mot « entrepreneur » qu’il convenait d’interpréter en notre espèce.

[19] ADM a donc contesté que les entreprises qui fournissent des services de navettes ou de location de voitures puissent être des entrepreneurs au sens du Règlement. Après tout, taxis et services de limousine sont reconnus par la jurisprudence comme ne faisant pas partie du réseau de transport fédéral ou comme associés comme une partie intégrante d’un aéroport. Selon un témoin offert par ADM, navettes et services de location de voiture ne sont qu’accessoires à l’activité de l’aéroport. Mais le lien avec l’aéroport est différent. Les entrepreneurs ont une fonction déterminée profitant des lieux de l’aéroport.

[20] Il s’agit de contrats entre les « entrepreneurs » et ADM leur fournissant des privilèges pour embarquement et débarquement (navettes) ou des lieux pour leur commerce (louage de véhicules); dit autrement, ce sont des licences d’exploitation qui favorisent ces entrepreneurs. Or, pour la Conseillère, il s’agit là d’installations et locaux connexes à l’exploitation du terminal. La règlementation en est permise en vertu du la Loi (art 170).

[21] ADM a cherché à prétendre que les « entrepreneurs » n’offraient pas de services en vertu des contrats signés avec ADM. L’argument a été jugé comme étant contredit par les contrats eux-mêmes qui sont des « licences d’exploitation » : « une licence non exclusive autorisant le titulaire à transporter des passagers dans des véhicules autorisés entre un établissement hôtelier et l’aéroport international Montréal – Pierre Elliott Trudeau (l'Aéroport), le tout conformément aux modalités de la présente licence » (tel que reproduit au para 71 de la décision). Il en était de même pour les services de louage de véhicules. C’est sans grande difficulté que la Conseillère a conclu que les licences d’exploitation faisaient en sorte que navettes et concessions de location de véhicules exécutaient leurs services en vertu de contrats avec ADM. Ces entreprises sont des « entrepreneurs » au sens du Règlement faisant l’objet du contrôle judiciaire.

[22] De fait, et dans la même veine, le demandeur cherchait à prétendre que du fait que la Société de transport de Montréal dessert l’aéroport, il faudrait la considérer comme un « entrepreneur » si les services de navettes en sont. Mais, dit la Conseillère, la définition même d’« entrepreneur » au Règlement requiert que le service soit offert aux termes d’un contrat. Cela exclut la Société de transport à moins qu’on prouve l’existence d’un contrat semblable. On comprend qu’il s’agit là d’une condition sine qua non.

[23] Il ne restait alors qu’à voir si les éléments constitutifs des violations avaient été prouvés selon la prépondérance des probabilités. Cette preuve a été faite par l’agent verbalisateur qui a effectué l’enquête ciblée. Il aura témoigné au sujet des différentes entreprises impliquées.

[24] ADM a contesté devant la Conseillère la fiabilité de la preuve recueillie par l’enquêteur. Il semble que la contestation découlait des courriels mis en preuve parce que les échanges complets entre les entrepreneurs et l’enquêteur n’auraient pas été produits en entier. Le décideur administratif n’était pas d’accord. Elle a plutôt vu que le contenu des courriels était clair. Les formations de nouveaux employés et leur recyclage doivent avoir lieu selon des échéances précises. Cette preuve de violation des délais aura été vue comme concluante. Je reproduis le paragraphe 91 :

[91] Je constate qu’en date du 10 décembre 2019, M. Gagnon a déterminé que les navettes et les agences étaient des entrepreneurs et que leurs employés n’avaient pas reçu la formation initiale et celle de recyclage requises. Les employés n’avaient pas terminé la formation initiale dans les 60 jours suivant leur embauche. Ces violations n’auraient pas pu être corrigé [sic] lors de l’échange de courriels avec les entrepreneurs en octobre et novembre 2019, car le délai de 60 jours était déjà expiré à ce moment-là. De même, certains employés de Budget n’ont pas suivi de formation de recyclage tous les trois ans comme le prévoit le programme de formation de la requérante. Cette violation n’aurait non plus pu être corrigée lors de l’échange de courriel du 21 octobre 2019 avec Budget, puisqu’à cette date le délai de trois ans était expiré.

[25] ADM n’ayant offert aucune preuve de diligence raisonnable afin de s’assurer que les employés des entrepreneurs avaient reçu les formations ou recyclages exigés, il y avait donc été prouvé que les violations au Règlement avaient eu lieu.

La décision assujettie au contrôle judiciaire lui-même : décision tu TATC du 2 novembre 2022

[26] La décision de la Conseillère en révision qui avait conclu aux 10 violations alléguées a été confirmée en appel. L’appel se fait sur dossier sauf si une nouvelle preuve était admise parce que non disponible précédemment. Les parties et le TATC se sont déclarés d’accord que la norme de contrôle était en l’espèce la norme de la décision correcte sur la base de deux décisions de notre Court (décision du TATC, au para 8). Ces décisions n’ont pas été remises en question. Le TATC ne devait aucune déférence à la Conseillère. Il a été accepté que les deux questions soumises étaient des questions de droit.

[27] Le premier motif d’appel était celui-ci : y a-t-il eu erreur de droit dans l’interprétation du principe moderne d’interprétation des lois en matière règlementaire? ADM avance que l’interprétation n’aurait pas déterminé l’étendue du pouvoir de règlementation. Cela serait dû à une erreur de droit dans la méthode moderne d’interprétation. Selon l’Office, il n’y a pas eu une telle erreur. Selon ADM, la Conseillère aurait interprété le Règlement sans harmoniser cette interprétation avec l’objet et l’esprit de sa loi habilitante (et donc l’intention du législateur). Cela aurait mené à une interprétation littérale du Règlement, omettant ainsi de déterminer la portée de pouvoir délégué à l’Office par l’article 170 de la Loi.

[28] Pour ADM, l’intention du législateur était d’éliminer les obstacles au transport des personnes atteintes de déficiences. Mais le pouvoir délégué, permettant la prise de règlements, est limité par l’article 170 de la Loi au réseau du transport assujetti à la compétence législative du Parlement et à « la formation du personnel des transporteurs ou de celui employé dans ces installations et locaux ». Ce que ADM présente comme étant des limites provient du « chapeau » (clause introductive) du paragraphe 170(1) et de l’alinéa 170(1)b).

[29] C’est ainsi que le pouvoir de règlementer serait restreint de manière à éliminer le transport terrestre offert par les entreprises provinciales parce que celles-ci ne feraient pas partie du réseau de transport assujetti à la compétence fédérale. Le Règlement ne saurait s’appliquer à la formation du personnel des entreprises qui offrent des services de navettes ou de location de véhicules. La définition du terme « entrepreneur » au Règlement ne peut inclure des entreprises commerciales provinciales qui n’œuvrent pas dans le réseau de transport désigné à l’article 170.

[30] À l’inverse, l’Office des transports du Canada considère comme parfaitement bien fondée l’interprétation donnée par la Conseillère. La méthode moderne d’interprétation des textes législatifs a été suivie : le sens ordinaire et grammatical du texte du Règlement a été considéré. Il n’y a aucune ambiguïté dans le texte. Le texte du Règlement est sans équivoque. L’opération de navettes et le louage de véhicules sont clairement identifiés comme menés par des entrepreneurs au sujet desquels ADM doit s’assurer que la formation est reçue. Il n’y a, en fait, aucune autre interprétation plausible que celle qui a été suivie. L’obligation qui est imposée est à ADM, et non aux sous-traitants. C’est à ADM de s’assurer que ses contractants respectent l’obligation qui lui est faite à titre d’exploitant du terminal. L’intention était d’imposer à ADM l’obligation de s’assurer que la formation a été reçue. Le texte est clair et l’intention derrière le texte est limpide. La méthode moderne mène inéluctablement à la conclusion que ADM était tenue à l’égard de ces entrepreneurs à une obligation légale. La Conseillère avait reconnu la nécessité de suivre la méthode moderne d’interprétation et n’a pas failli à cette obligation.

[31] Le TATC constate que la lecture faite par la Conseillère est fonction d’un texte, la définition du mot « entrepreneur » au Règlement, qui est sans ambiguïté. Elle inclut les entrepreneurs visés par l’enquête. La définition du terme « entrepreneur » inclut expressément les opérateurs de navettes et ceux qui louent des véhicules à l’aéroport. Le TATC partage l’avis de la Conseillère selon lequel ce dont il est question sont des services à l’entrée du terminal et offerts au comptoir à l’intérieur de l’aéroport. Mais l’obligation ne leur est pas faite quant à la formation : elle est faite à ADM, qui est bien sûr de compétence fédérale, qui doit s’en assurer. Le TATC examine la décision de la Conseillère et y reconnaît qu’elle a appliqué la méthode moderne d’interprétation afin d’arriver à sa conclusion que les exploitants de services de navettes et les loueurs de véhicules sont des entrepreneurs au sens du Règlement. Ce n’est pas que la méthode moderne n’a pas été employée; c’est parce qu’elle a été employée que la Conseillère en est venue à sa conclusion. La Conseillère s’est affairée aux questions clés et aux arguments principaux pour en arriver à sa conclusion.

[32] S’appuyant sur Amaratunga c Organisation des pêches de l’Atlantique Nord‑Ouest, 2013 CSC 66, [2013] 3 RCS 866, au para 36, le TATC rappelle l’importance des termes de la loi habilitante qui confèrent le pouvoir de prendre le Règlement. Ce faisant, la Politique nationale des transports, telle qu’énoncée à l’article 5 de la Loi, a comme l’un de ses objectifs que le système de transport soit accessible sans obstacle aux personnes handicapées (al 5d.1)). Cela dit, le TATC considère qu’il puisse y avoir une formation adéquate pour favoriser cet accès. Encore une fois, le TATC insiste que la seule obligation faite l’est à ADM. La conclusion est ainsi exposée :

[35] Je conclus que les entreprises de services de navettes d’hôtel et de location de voitures mentionnés au procès-verbal de violation sont des entrepreneurs qui offrent des « services liés au transport » à l’appelante, l’« exploitant de terminal », au sens du Règlement. Ce raisonnement découle du fait que le Règlement est pris par l’intimé en vertu du paragraphe 170(1) de la Loi qui permet d’imposer à l’appelante, l’exploitante du terminal au nom du gouvernement fédéral, une obligation liée à l’élimination d’obstacles aux possibilités de déplacements des personnes handicapées par le biais de la formation du personnel employé dans ses installations et locaux.

[33] Le second motif d’appel était que la Conseillère se devait de déclarer le Règlement comme inapplicable à la formation de ces entrepreneurs parce qu’ils seraient de juridiction provinciale. Selon ADM, il fallait que le Règlement se limite à l’amélioration des possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport. Les entrepreneurs n’agiraient pas dans le réseau, même s’ils œuvrent à l’aéroport en fonction de passagers l’utilisant. Non seulement la Conseillère n’aurait pas disposé de son argument principal, dit ADM, mais elle n’aurait pu faire autrement que de constater que le Règlement, si interprété comme permettant la règlementation de ces entreprises provinciales, ne pouvait entrer dans le cadre du « réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement » comme le requiert l’article 170 de la Loi. ADM, clairement de compétence fédérale, ne pouvait être tenu responsable de la formation à être donnée aux opérateurs de navettes et à ceux qui louent des véhicules à l’aéroport parce qu’ils ne pourraient être soumis valablement au Règlement vu cet article 170.

[34] Encore là, l’Office insiste que le Règlement vise l’opération de l’aéroport qui est évidemment dans le domaine du transport aérien : les ententes avec ces entrepreneurs sont afin d’offrir des services liés à l’exploitation du terminal. De toute manière, seul ADM est visé par le Règlement. L’obligation lui est faite et ADM doit la respecter. Le Parlement n’a en aucune manière permis de la règlementation au sujet des conditions ou relations de travail au sein de ces entreprises. Les fonctions relatives à des navettes ou au louage de véhicules sont intégrées au réseau de transport aérien, ce qui explique qu’ADM se voit imposer une obligation.

[35] Le TATC indique que ADM a tenté de faire porter le débat sur les entrepreneurs, alors que c’est plutôt sur les épaules de ADM que repose l’obligation en vertu même du Règlement (décision du TATC, au para 48). C’est à ADM d’éliminer les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes handicapés dans le réseau de transport aérien comme le veut l’article 5 de la Loi. Les services offerts par ces entrepreneurs (navettes et location de véhicules) ont « un lien de connexité suffisamment important avec le réseau de transport aérien et l’exploitant du terminal pour faire naître chez l’appelante [ADM] cette obligation créée par le Règlement et la Loi » (décision du TATC, au para 49).

[36] Il n’est pas nécessaire que les entrepreneurs soient de compétence fédérale pour que l’obligation faite à l’opérateur de l’aéroport [l’exploitant de terminal] puisse valablement exister. Cette obligation faite à ADM n’entrave pas le contenu essentiel de la compétence provinciale : ces entrepreneurs ne sont pas devenus « fédéraux ». L’aéroport se trouve sur un terrain fédéral où y opèrent les entrepreneurs sous contrat avec ADM pour les services offerts aux passagers dans le système de transport. La législation sous considération ne porte en aucune manière atteinte à la compétence provinciale. Elle ne vise que l’exploitant de terminal. L’appel de ADM est donc rejeté.

III. La demande de contrôle judiciaire

[37] La demande de contrôle judiciaire est évidemment à l’égard de la décision du TATC. On y allègue sous forme de dix propositions que la décision est déraisonnable pour les motifs qui peuvent être résumés ainsi :

  1. la décision manque de cohérence interne et n’est pas justifiée eu égard aux contraintes factuelles et juridiques;

  2. les motifs de la décision sont insuffisants. Le demandeur aurait voulu que la TATC procède à l’analyse de la Loi et du Règlement selon la méthode moderne d’interprétation, ce que le Tribunal n’aurait pas fait. En cela, il n’aurait pas cerné les limites et la portée de la loi habilitante;

  3. le demandeur accuse le TATC d’avoir produit ses motifs pour atteindre un résultat souhaité et prédéterminé plutôt que de discerner l’intention du législateur;

  4. le demandeur conteste que les services de navettes et le louage de véhicules puissent faire partie du « réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement ». L’article 170 de la Loi fournit une ligne de démarcation : le Parlement n’a pu vouloir règlementer la formation du personnel des entreprises dont le personnel n’a pas été formé.

IV. Le régime législatif sous examen

[38] Comme on vient de le voir, ADM s’en prend à l’interprétation du Règlement et de sa loi habilitante, qui aurait mené à un vires défectueux et à des motifs insuffisants. ADM parle en termes de décision déraisonnable au sens du droit administratif et de la présomption qu’une décision administrative est révisée selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653, au para 25). Aucune des exceptions à cette norme n’a été invoquée. Par ailleurs, l’argumentaire s’approchait souvent de la question de la constitutionnalité d’un règlement qui chercherait à englober des entreprises provinciales. Mais encore faudrait-il que ce soit l’effet du régime législatif et règlementaire.

[39] Si le demandeur avait voulu contester la constitutionnalité du Règlement, il eut fallu qu’il produise l’avis prévu à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales : cela n’a pas été fait. Il faut donc convenir que les contraintes juridiques dont parle l’arrêt Vavilov incluent celles qui rendraient le Règlement ultra vires, sans plus. Mais, à cet égard, il faudra régler la question sur la base de la décision raisonnable. Ainsi, même sur une question de droit, il n’existe pas nécessairement qu’une seule solution « correcte ». C’est le choix qu’a fait ADM en ne contestant pas la constitutionnalité du régime juridique mis en place. Une bonne compréhension du régime juridique me semble essentielle, avant même de considérer les arguments des parties.

[40] Pour ce qui est du vires d’un règlement, il me semble que l’analyse doit procéder du général au spécifique. Dans notre cas d’espèce, cela doit commencer par la Politique nationale en matière de transport pour finir avec la portée réelle du Règlement dont on attaque le vires.

[41] Il ne fait aucun doute que l’accessibilité au système de transport national occupe une place, et je dirais une place importante, au sein de la Politique nationale des transports. Celle-ci est présentée à la Loi. Je reproduis l’article 5 de la Loi :

Politique nationale des transports

Déclaration

5 Il est déclaré qu’un système de transport national compétitif et rentable qui respecte les plus hautes normes possibles de sûreté et de sécurité, qui favorise un environnement durable et qui utilise tous les modes de transport au mieux et au coût le plus bas possible est essentiel à la satisfaction des besoins de ses usagers et au bien-être des Canadiens et favorise la compétitivité et la croissance économique dans les régions rurales et urbaines partout au Canada. Ces objectifs sont plus susceptibles d’être atteints si :

a) la concurrence et les forces du marché, au sein des divers modes de transport et entre eux, sont les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces;

b) la réglementation et les mesures publiques stratégiques sont utilisées pour l’obtention de résultats de nature économique, environnementale ou sociale ou de résultats dans le domaine de la sûreté et de la sécurité que la concurrence et les forces du marché ne permettent pas d’atteindre de manière satisfaisante, sans pour autant favoriser indûment un mode de transport donné ou en réduire les avantages inhérents;

c) les prix et modalités ne constituent pas un obstacle abusif au trafic à l’intérieur du Canada ou à l’exportation des marchandises du Canada;

d) le système de transport est accessible sans obstacle abusif à la circulation de tous;

d.1) le système de transport est accessible sans obstacle aux personnes handicapées;

e) les secteurs public et privé travaillent ensemble pour le maintien d’un système de transport intégré.

National Transportation Policy

Declaration

5 It is declared that a competitive, economic and efficient national transportation system that meets the highest practicable safety and security standards and contributes to a sustainable environment and makes the best use of all modes of transportation at the lowest total cost is essential to serve the needs of its users, advance the well-being of Canadians and enable competitiveness and economic growth in both urban and rural areas throughout Canada. Those objectives are most likely to be achieved when

(a) competition and market forces, both within and among the various modes of transportation, are the prime agents in providing viable and effective transportation services;

(b) regulation and strategic public intervention are used to achieve economic, safety, security, environmental or social outcomes that cannot be achieved satisfactorily by competition and market forces and do not unduly favour, or reduce the inherent advantages of, any particular mode of transportation;

(c) rates and conditions do not constitute an undue obstacle to the movement of traffic within Canada or to the export of goods from Canada;

(d) the transportation system is accessible without undue obstacle to the mobility of all persons;

(d.1) the transportation system is accessible without barriers to persons with disabilities; and

(e) governments and the private sector work together for an integrated transportation system.

[42] Deux commentaires s’imposent d’emblée. D’abord, l’importance mise par le législateur sur l’accessibilité au système de transport national. Alors que les trois premiers alinéas mettent un certain accent sur des objectifs économiques (concurrence et forces du marché, règlementation et mesures publiques pour l’obtention de résultats de nature économique, prix et modalités ne devant pas être des obstacles abusifs), la Loi est loin de faire abstraction d’autres objectifs. L’alinéa b) parle aussi d’objectifs visant des résultats de nature environnementale ou sociale. De façon encore plus notable, la Loi prévoit expressément l’objectif d’accessibilité au système de transport (al 5d)) avec une emphase notable et particulière sur les personnes handicapées (al 5d.1)). En effet, alors que l’accessibilité à la circulation de tous doit être sans obstacle abusif (al 5d)), l’accessibilité pour les personnes handicapées a pour objectif qu’il soit sans obstacle (al 5d.1)). Le qualificatif « abusif » disparaît pour les personnes handicapées. Ce qui ne serait pas un obstacle abusif à la circulation de tous peut l’être pour la personne handicapée.

[43] Le législateur donne suite à cet objectif déclaré à l’article 5 en créant la Partie V de la Loi, partie intitulée « Transport des personnes handicapées ». Encore ici le signal donné par le législateur est fort. Non seulement la Politique nationale déclare que les personnes handicapées ont accès sans obstacle au système de transport, mais le législateur donne suite en créant une partie indépendante de sa loi.

[44] Au cœur de la Partie V se trouve un pouvoir de règlementation conféré par l’article 170 à l’Office, organisme maintenu en vertu de la Partie I de la Loi. J’en reproduis le paragraphe (1) qui nous intéresse particulièrement :

Règlements

170 (1) L’Office peut, après consultation du ministre, prendre des règlements afin de reconnaître ou d’éliminer les obstacles ou de prévenir de nouveaux obstacles — notamment des obstacles dans les domaines de l’environnement bâti, des technologies de l’information et des communications ainsi que de la conception et de la prestation de programmes et de services —, dans le réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement, aux possibilités de déplacement des personnes handicapées et peut notamment, à cette occasion, régir :

a) la conception et la construction des moyens de transport ainsi que des installations et locaux connexes — y compris les commodités et l’équipement qui s’y trouvent —, leur modification ou la signalisation dans ceux-ci ou leurs environs;

b) la formation du personnel des transporteurs ou de celui employé dans ces installations et locaux;

c) toute mesure concernant les tarifs, taux, prix, frais et autres conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes handicapées;

d) la communication d’information à ces personnes.

[Je souligne]

Regulations

170 (1) The Agency may, after consulting with the Minister, make regulations for the purpose of identifying or removing barriers or preventing new barriers — particularly barriers in the built environment, information and communication technologies and the design and delivery of programs and services — in the transportation network under the legislative authority of Parliament to the mobility of persons with disabilities, including regulations respecting

(a) the design, construction or modification of, and the posting of signs on, in or around, means of transportation and related facilities and premises, including equipment used in them;

(b) the training of personnel employed at or in those facilities or premises or by carriers;

(c) tariffs, rates, fares, charges and terms and conditions of carriage applicable in respect of the transportation of persons with disabilities or incidental services; and

(d) the communication of information to persons with disabilities.

[Emphasis added.]

[45] C’est cette disposition qui est utilisée par l’Office pour adopter le Règlement contesté. On constate que la clause introductive de l’article est d’une portée très large, avec notamment la possibilité spécifique de règlementer certains aspects définis pour favoriser l’accès. Nous sommes clairement dans la délégation de pouvoirs à l’Office pour éliminer les obstacles (autant que faire se peut).

[46] Le Règlement adopté en vertu de l’article 170 fait une obligation à un exploitant de terminal et à personne d’autre, c’est-à-dire ADM dans notre cas, de s’assurer de la formation de ses « entrepreneurs qui fournissent des services liés au transport et qui peuvent être appelés à transiger avec le public », ladite formation étant adaptée aux besoins des fonctions des entrepreneurs. À titre d’exploitant de terminal, c’est ADM qui se voit imposer une obligation à l’égard des entrepreneurs avec qui il contracte et qui fournissent des services liés au transport. L’obligation faite à l’exploitant de terminal est à l’article 4 du Règlement :

Employés et entrepreneurs qui transigent avec le public

4 Le transporteur et l’exploitant de terminal doivent s’assurer que, selon leur type d’exploitation, leurs employés et entrepreneurs qui fournissent des services liés au transport et qui peuvent être appelés à transiger avec le public ou à prendre des décisions concernant le transport des personnes ayant une déficience reçoivent une formation adaptée aux besoins de leurs fonctions, dans les domaines suivants :

a) les politiques et procédures du transporteur ou de l’exploitant de terminal à l’égard des personnes ayant une déficience, y compris les exigences réglementaires pertinentes;

b) les besoins des personnes ayant une déficience qui sont les plus susceptibles de nécessiter des services additionnels, la reconnaissance de ces besoins et les responsabilités du transporteur ou de l’exploitant de terminal à l’égard de ces personnes, y compris l’étendue de l’aide, les méthodes de communication et les appareils ou dispositifs dont ces personnes ont généralement besoin;

c) les compétences nécessaires pour aider les personnes ayant une déficience, y compris le rôle de l’accompagnateur, les besoins des personnes ayant une déficience qui voyagent avec un animal aidant ainsi que le rôle et les besoins de celui-ci.

[Je souligne.]

Employees and Contractors Who Interact with the Public

4 Every carrier and terminal operator shall ensure that, consistent with its type of operation, all employees and contractors of the carrier or terminal operator who provide transportation-related services and who may be required to interact with the public or to make decisions in respect of the carriage of persons with disabilities receive a level of training appropriate to the requirements of their function in the following areas:

(a) the policies and procedures of the carrier or terminal operator with respect to persons with disabilities, including relevant regulatory requirements;

(b) the needs of those persons with disabilities most likely to require additional services, recognition of those needs, and the responsibilities of the carrier or terminal operator in relation to those persons, including the level of assistance, methods of communication and aids or devices generally required by persons with disabilities; and

(c) the necessary skills for providing assistance to persons with disabilities, including the role of the attendant, and the needs of persons with disabilities travelling with a service animal, including the role and the needs of that animal.

[Emphasis added.]

[47] Le Règlement prévoit également que l’exploitant de terminal s’assure que les entrepreneurs feront l’objet de formation de recyclage. Je reproduis aussi les articles 8 et 9 qui prévoient la période durant laquelle la formation initiale sera reçue et la nécessité de fournir du recyclage :

Délai pour terminer la formation

8 Le transporteur et l’exploitant de terminal doivent s’assurer que leurs employés et entrepreneurs qui sont tenus, selon le présent règlement, de recevoir une formation terminent leur formation initiale dans les 60 jours suivant leur entrée en fonctions.

9 Le transporteur et l’exploitant de terminal doivent s’assurer que leurs employés et entrepreneurs suivent périodiquement des cours de recyclage adaptés aux besoins de leurs fonctions.

10 Le transporteur et l’exploitant de terminal doivent tenir à jour leur programme de formation en y incorporant, dès que possible, tout nouveau renseignement sur les procédures et les services qu’ils offrent aux personnes ayant une déficience ou sur la technologie qu’ils introduisent afin d’aider celles-ci.

Time Limit for Completion of Training

8 Every carrier and terminal operator shall ensure that all employees and contractors of the carrier or terminal operator who are required by these Regulations to receive training complete their initial training within 60 days after the commencement of their duties.

9 Every carrier and terminal operator shall ensure that all employees and contractors of the carrier or terminal operator receive periodic refresher training sessions appropriate to the requirements of their function.

10 Every carrier and terminal operator shall keep its training program current by incorporating, at the earliest opportunity, any new information on procedures and services offered or any specific technologies introduced by the carrier or terminal operator to assist persons with disabilities.

[48] À la face même du Règlement celui-ci crée des obligations précises et contraignantes uniquement pour un exploitant de terminal comme ADM. ADM doit faire en sorte par sa relation contractuelle que la formation soit reçue par ses co-contractants identifiés au Règlement. De plus, l’obligation est sans équivoque. La version anglaise utilise « shall » et la version française utilise un verbe « doivent » qui expriment sans équivoque l’obligation (Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21, art 11).

[49] Les autres termes qui définissent précisément l’obligation sont « entrepreneur » et « services liés au transport ». C’est tout simplement que le Règlement fait une obligation à l’exploitant de terminal que les entrepreneurs qui fournissent des services liés au transport suivent la formation requise. Dit autrement, la portée de l’obligation faite à l’exploitant de terminal est fonction du sens qu’ont ces termes. Qui est un « entrepreneur » et en quoi consistent les services qui font en sorte qu’une formation doive être reçue et maintenue établit la portée de l’obligation faite à ADM. Il n’est donc pas étonnant que le Règlement les définisse :

entrepreneur Personne, ou employé de celle-ci, qui fournit des services aux termes d’un contrat ou d’une entente avec un transporteur ou un exploitant de terminal, et qui n’est pas un employé du transporteur ou de l’exploitant de terminal. La présente définition exclut les agences de voyage. (contractor)

contractor means any person, or employee of that person, who performs services pursuant to a contract or an arrangement with a carrier or a terminal operator, and who is not an employee of the carrier or the terminal operator, but does not include a travel agency; (entrepreneur)

services liés au transport Sont compris parmi les services liés au transport le contrôle de sécurité des passagers, la manutention des bagages, la location de véhicules, le stationnement public et, dans le cas des aérogares, le transport de surface à partir de l’aérogare. (transportation-related services)

transportation-related services includes passenger security screening, baggage handling, vehicle rental, public parking and, in the case of air terminals, all ground transportation from the terminal. (services liés au transport)

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[50] Comme on l’a vu plus tôt, les procès-verbaux constatant les violations au Règlement sont exclusivement relatifs à la location de véhicules et au service de navettes entre des hôtels et l’aérogare. Ces services sont désignés par le Règlement comme étant liés au transport sous les vocables « la location de véhicule » et « transport de surface à partir de l’aérogare ». Mais l’obligation faite à l’exploitant de terminal n’est qu’au sujet des entrepreneurs avec qui, par contrat, l’exploitant de terminal permet la location de véhicules et le transport de surface à partir de l’aérogare. Ils bénéficient de licences d’exploitation. Ce ne sera que dans ces circonstances que l’obligation de s’assurer de la formation existe pour l’exploitant de terminal. Ainsi, c’est à cet exploitant qu’est faite l’obligation de s’assurer que la formation soit fournie et de tenir à jour leur programme de formation.

Situer la question à déterminer

[51] Il en résulte que si la preuve devait être faite que les entrepreneurs, que sont les entreprises de location de véhicules ou qui sont ceux qui fournissent des services de navettes, n’ont pas reçu la formation prévue, de laquelle ADM est responsable de s’assurer qu’elle a été donnée, l’infraction est démontrée. Si le texte du Règlement est clair, la contestation se tourne vers le vires du Règlement. Dit simplement, si la preuve est faite que ADM ne s’est pas assuré que la formation a été reçue comme il se doit, on peut alors chercher à contester le Règlement lui-même comme ayant été adopté sans être conforme à sa loi habilitante. Mais si la loi habilitante (dont la portée est à l’évidence très large pour rencontrer les objectifs de la Politique nationale) permet l’adoption du Règlement le demandeur ne saurait en contester la constitutionnalité, comme il a refusé de ce faire devant les tribunaux administratifs.

[52] De fait, l’avis de demande de contrôle judiciaire déclare que le TATC a rendu une décision déraisonnable tant par le résultat auquel en est arrivé le Tribunal que par des motifs qui seraient insuffisants et inintelligibles, tout en manquant de cohérence interne.

[53] Il n’est pas prétendu à cet avis que la norme de la décision correcte devait être adoptée comme ce serait le cas pour traiter d’une question constitutionnelle (Vavilov, aux para 55 à 57). Si la délégation du Parlement à l’Office (après consultation du Ministre) est sans équivoque et permet l’adoption du Règlement, il faudra conclure que le Règlement est intra vires parce que permis par la loi habilitante. La constitutionalité de la loi habilitante n’est pas en jeu. Le demandeur ne devrait pas chercher à s’asseoir sur la clôture, ne voulant pas contester la constitutionnalité proprement dite tout en prétendant que l’exercice de la délégation même serait d’une manière ou d’une autre inconstitutionnelle.

[54] En y regardant de plus près et malgré une certaine confusion, ce dont peut se plaindre le demandeur serait que la loi habilitante n’a pas été respectée parce que le Règlement ne devrait pas pouvoir toucher les entrepreneurs que sont les loueurs de véhicules et opérateurs de navettes. La clause introductive de l’article 170 ne le permettrait pas. Lorsque le demandeur glisse vers des questions davantage constitutionnelles, il le fait sur la base que la législation subordonnée règlemente des entreprises sous compétence provinciale. C’est que, dit le demandeur, « le Parlement n’a pas voulu règlementer la formation de personnel d’entreprises relevant de la compétence législative des provinces » (avis de demande, para VIII). Ainsi, cela expliquerait qu’on se plaigne

  • que la méthode d’analyse appropriée n’a pas été suivie parce que les limites de la loi habilitante ne sont pas cernées;

  • les motifs fournis ne sont que pour justifier une conclusion prédéterminée;

  • les motifs ne permettent pas de comprendre comment les navettes qui desservent un aéroport peuvent faire partie du réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement.

Si tant est que la Cour devait conclure que le Règlement « régit la formation de personnel d’entreprises relevant de la compétence provinciales des provinces, le Règlement doit être déclaré invalide » (avis de demande, para X), dit le demandeur. Si ce n’est pas le cas, ces arguments disparaîtront. Ainsi, si le Règlement ne régit pas la formation de personnels d’entrepreneurs, mais plutôt force ADM à s’assurer de cette formation dans sa relation contractuelle si il choisit d’offrir ces services dans le cadre de l’exploitation du terminal, l’argument ne tient plus.

[55] Enfin, je note que, quant à cette mention au paragraphe X de l’avis de demande, elle a toutes les allures d’une demande d’invalidation d’un règlement pour des raisons relatives à une intrusion inconstitutionnelle dans un champ de compétence provinciale. Aucun avis, n’a été produit en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales. La confusion des genres n’a pas sa place. Tel avis est nécessaire lorsqu’une loi fédérale ou un texte d’application (« regulations ») est contesté sur le plan constitutionnel pour qu’il soit déclaré invalide, inapplicable ou sans effet. Ce qui peut être invalide sera un règlement qui n’est pas conforme à sa loi habilitante : le règlement est alors ultra vires.

V. Position des parties et analyse

[56] Les arguments des parties ont dû être présentés par étapes étant donné qu’ils prenaient des teintes différentes au fur et à mesure où ils étaient déployés. La proche parenté, et à l’occasion le chevauchement, avec des arguments de nature constitutionnelle en même temps que relatifs au droit administratif (et la norme de contrôle de la question raisonnable) ont forcé les parties à fournir des éclaircissements par la voie de l’écrit à deux reprises. La discipline de l’écrit a ses avantages (voir par analogie, Vavilov, au para 80).

[57] Pour l’essentiel, le demandeur aura cherché à situer le débat sur une tentative fédérale, par le truchement de l’Office des transports du Canada, de règlementer la formation d’employés d’entreprises qui devraient relever de la compétence provinciale. De plus, le texte de l’article 170 ne permettrait pas l’adoption d’un règlement comme celui devant la Cour. Ces questions sont maintenant directement abordées.

Que fait le Règlement

[58] La thèse échafaudée par le demandeur repose sur sa prétention que l’Office règlemente et surveille la formation des employés (mémoire des faits et du droit, aux para 2, 22, 43). Or, cela ne correspond pas au régime règlementaire en place puisqu’aucune obligation règlementaire n’est faite aux entrepreneurs qui bénéficient de licences d’exploitation. Le Règlement prévoit explicitement que c’est l’exploitant de terminal qui se voit imposer une obligation. C’est lui qui gère l’aéroport. De fait, c’est ADM qui s’est vu administrer une amende pour une série de contraventions au Règlement, et non les entrepreneurs à qui des licences d’exploitation ont été conférées contre rémunération.

[59] Le régime cherche à ce que ADM, qui aura choisi de faire affaire avec des entrepreneurs, s’assure qu’une formation pour faciliter l’accès au système de transport de personnes avec des déficiences soit reçue pour que l’accès au système de transport soit sans obstacle (autant que faire se part). Selon l’article 4 du Règlement, elle est pour les « entrepreneurs qui fournissent des services liés au transport et qui peuvent être appelés à transiger avec le public ou à prendre des décisions concernant le transport de personnes ayant une déficience ». Mais, je le répète, l’obligation est faite à l’exploitant de terminal. À mon avis, le Règlement est limpide.

[60] Qui est donc cet entrepreneur? Le Règlement le définit. Ce sera qui fournit des services aux termes d’un contrat avec un exploitant d’un terminal, mais qui n’est pas un exploitant de terminal. Cela exclut évidemment le particulier qui dépose une personne atteinte d’une déficience ou l’opérateur de taxis ou de limousines sans arrangement contractuel avec l’exploitant du terminal. Tels sont les entrepreneurs au sujet desquels une obligation est créée à l’exploitant de terminal. S’il choisit d’offrir le service en utilisant des contractuels, ADM doit s’assurer de la formation.

[61] Est-ce que tout entrepreneur pourrait entrer dans une relation contractuelle avec l’exploitant de terminal, faisant en sorte que celui-ci ait l’obligation de s’assurer que l’entrepreneur ait la formation voulue? Non, ce ne sont que les entrepreneurs qui fournissent des « services liés au transport » et qui peuvent transiger avec le public qui sont les entrepreneurs au sujet desquels une obligation est faite à l’exploitant de terminal. Le Règlement limite les « services liés au transport » à certaines catégories dont la location de véhicules et le transport de surface à partir de l’aérogare. Le Règlement est très explicite à cet égard. Il ne prête pas à interprétation. De fait, aucun argument n’a été présenté selon lequel les entrepreneurs au sujet desquels ADM avait une obligation ne se qualifient pas sous les définitions au Règlement d’« entrepreneur » et de « services liés au transport ». Dit simplement, les opérateurs de navettes et les loueurs de véhicules au sujet desquels ADM devait s’assurer de la formation sont bel et bien ceux identifiés dans la règlementation.

[62] Il me semble ne faire aucun doute que le Règlement est structuré sans aucune ambigüité :

  • l’obligation est faite à l’exploitant de terminal, ici ADM;

  • les poursuites pour violation du Règlement ne visent qu’ADM;

  • personne ne met en doute que la règlementation d’un exploitant de terminal est de compétence fédérale de par le pouvoir en matière d’aéronautique;

  • le seul lien pertinent est la nécessité qu’existe un contrat entre l’exploitant de terminal et un entrepreneur qui désire louer des véhicules ou faire du transport de surface à partir de l’aérogare. Qui veut louer des véhicules à Dorval, Lachine ou ailleurs sur l’Île de Montréal peut le faire sans entente contractuelle avec ADM, et celui-ci n’a aucune obligation de s’assurer de quoi que ce soit. De même, le service de navettes entre des hôtels intéressés, contre rémunération au profit d’ADM, entre l’aérogare et l’hôtel est le seul relatif à l’accès au système de transport au sujet duquel ADM a une obligation quant à la formation. Des entrepreneurs privés (taxis, limousines) ne sont pas parmi ceux au sujet desquels la règlementation s’applique. Le lien est avec l’aéroport et les passagers, dont certains auraient des déficiences pour qui la Loi recherche l’accès au système de transport sans obstacle.

[63] Dans la mesure où le demandeur argumente que ce sont les entrepreneurs qui sont règlementés et surveillées, cela ne correspond pas à la qualification qui doit être faite du régime en place. C’est pourtant ainsi que le demandeur présente sa cause. La seule entité règlementée est ADM. Si ADM utilise des entrepreneurs aux fins de fournir des services liés au transport, on lui fait une obligation de s’assurer que les entrepreneurs, qui de toute évidence y trouvent leur compte (puisqu’ils rémunèrent ADM), reçoivent la formation appropriée aux personnes ayant une déficience. C’est un choix qui est fait par ADM. Aucune preuve n’a été présentée selon laquelle ADM était tenu de fournir ces services ou de permettre qu’ils soient fournis. Toutefois, de ce choix découle une obligation pour ADM.

Que fait la Loi

[64] La Politique nationale des transports est éloquente en ce qu’on y déclare comme objectif que l’accessibilité au système de transport devrait être sans obstacle aux personnes handicapées (al 5d.1)). Le législateur a même créé une partie spécifique à la Loi (Transport des personnes handicapées) de laquelle la règlementation contestée découle. Mais on n’y trouve aucune obligation à l’égard de l’exploitant de terminal d’offrir ces services. S’il le fait par la voie d’entrepreneurs, il doit s’assurer que la formation est donnée en temps prescrit.

[65] L’argumentaire du demandeur, outre qu’il soit fondé sur une prémisse qui ne correspond pas au régime¾que le Règlement vise à règlementer et surveiller la formation d’entreprises provinciales, plutôt que de faire une obligation à un exploitant de terminal de s’assurer que les entrepreneurs fournissant des services liés au transport ont reçu la formation relative aux personnes avec des déficiences pour leur permettre l’accès sans obstacle au système de transport¾cherchait à introduire des arguments à saveur constitutionnelle alors même que le remède recherché était de droit administratif. La confusion aura perduré tant devant les tribunaux administratifs que devant cette Cour.

[66] Ainsi, l’avis de demande de contrôle judiciaire, qui constitue le cadre au sein duquel le débat doit avoir lieu, déclare que la décision sous étude est déraisonnable pour une série de motifs invoqués. Or, soudainement en contrôle judiciaire, l’argumentaire a largement porté sur la saveur constitutionnelle, allant même jusqu’à argumenter que la norme de contrôle était passée de la décision raisonnable à celle de la décision correcte (mémoire des faits et du droit, au para 28, où le demandeur cite au premier chef en faveur de l’argument l’arrêt Vavilov, aux para 55 à 57. Ces paragraphes portent sur l’exception à la norme présomptive de la décision raisonnable que sont les questions constitutionnelles. La norme est alors celle de la décision correcte). Cela n’a pas échappé au défendeur qui s’est plaint, à bon droit selon moi, que l’avis requis en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales n’a jamais été donné, malgré que la question ait été soulevée dès le départ devant la Conseillère. Le défendeur a raison de souligner que la Conseillère a spécifiquement noté au paragraphe 15 de sa décision du 2 novembre 2021 que « [p]uisque la requérante [ADM] n’avait pas signifié d’avis de question constitutionnelle, je ne pouvais pas déclarer le Règlement invalide, inapplicable ou sans effet pour des motifs d’ordre constitutionnel. J’ai en outre prévenu la requérante que ses arguments seraient circonscrits du fait qu’aucun avis n’avait été signifié ». Puisque nous sommes en contrôle judiciaire, ce ne peut être que la question présentée au tribunal administratif qui peut faire l’objet de contrôle.

[67] À cet égard, l’avis n’est pas un artifice esthétique : il est un aspect essentiel (Guidon c Canada, 2025 CSC 41, [2015] 3 RCS 3 : je rappelle qu’aucun avis n’a été donné, que ce soit devant les tribunaux administratifs ou devant cette Cour malgré que la nécessité ait été soulevée sans ambages. De ce fait, aucun dossier, complet ou incomplet, n’a été monté à l’égard d’une question constitutionnelle (Obazughanmwen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 683, au para 62; Renvoi relatif au paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, 2019 CF 464, aux para 24-25; Thurrott c Canada (Procureur général), 2018 CF 577, aux para 30 à 32). Le texte de l’article 57 est pourtant clair : lois et règlements « ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet à moins » que l’avis requis n’ait été donné. Ce n’est certes pas que l’avis n’a pas été donné par inadvertance dans notre cas d’espèce.

[68] La conclusion recherchée par le demandeur que la Cour déclare invalide le Règlement sous étude pour des raisons d’inconstitutionnalité ne peut donc pas être considérée. Le défendeur a raison.

[69] Mais cela ne dispose pas du litige pour autant. Le demandeur argumente que, correctement interprété le Règlement ne saurait s’appliquer dans son cas. Mais d’abord, la question s’est posée durant toute cette affaire de savoir si le TATC avait compétence pour traiter de la question. Des notes supplémentaires ont été requises des parties afin de bien camper la position des parties, grâce à la discipline de l’écrit.

Compétence de traiter de la question

[70] Comme on le sait, un tribunal administratif à qui est dévolu la compétence de traiter de questions de droit aura compétence pour même traiter de vires, que ce soit en droit administratif, ou relativement à de questions constitutionnelles, qu’elles soient relatives au partage des pouvoirs ou pour contravention à la Charte canadienne des droits et libertés, Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte].

[71] Mais encore faut-il que ce pouvoir ait été conféré au tribunal administratif? Le pouvoir peut avoir été conféré explicitement. Cela rend les choses plus faciles. Ou il peut être implicite. Il faut alors le découvrir. Dans notre cas, tout le monde convient que cette compétence n’a pas été conférée explicitement. L’a-t-elle été implicitement? Le demandeur dit oui. Après une incertitude certaine dans ses premières notes supplémentaires, où on s’en remettait à la Cour sur cette question, les notes supplémentaires lorsque la question aura été explicitée davantage ont fourni une position plus tranchée de la part de l’Office. Selon lui, la Loi prévoit des mécanismes autres que de contester le Règlement devant le tribunal administratif pour ensuite tenter de porter le tout devant la Cour fédérale.

[72] C’est que la Loi a ses particularités. Le rôle que joue le TATC quant aux violations du Règlement semble plutôt circonscrit. C’est l’article 180.1 de la Loi qui spécifie que la révision du procès-verbal dans le cadre des sanctions administratrices pécuniaires de la Loi (Partie VI) porte sur les faits reprochés et le montant de la sanction :

Options

180.1 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), le destinataire du procès-verbal doit soit payer le montant de la sanction, soit déposer auprès du Tribunal une requête en révision des faits reprochés ou de ce montant.

Options

180.1 (1) Subject to subsections (2) to (4), a person who has been served with a notice of violation must either pay the amount of the penalty specified in the notice or file with the Tribunal a written request for a review of the facts of the alleged contravention or of the amount of the penalty.

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

L’article 180.3, qui traite de comment l’instance est entamée, ne dédit pas ce sur quoi le recours porte :

Requête en révision — sanction

180.3 (1) Le destinataire d’un procès-verbal prévoyant le montant d’une sanction qui veut faire réviser les faits reprochés ou le montant de la sanction dépose une requête auprès du Tribunal à l’adresse indiquée au procès-verbal, au plus tard à la date limite qui y est indiquée, ou dans le délai supérieur éventuellement accordé à sa demande par le Tribunal.

Request for review — penalty

180.3 (1) A person who is served with a notice of violation that sets out a penalty and who wishes to have the facts of the alleged contravention or the amount of the penalty reviewed shall, on or before the date specified in the notice or within any further time that the Tribunal on application may allow, file a written request for a review with the Tribunal at the address set out in the notice.

La décision sur révision peut faire l’objet d’un appel au Tribunal en vertu de l’article 180.6. C’est le chemin pris dans notre cas.

[73] Le demandeur argumente que la requête en révision des faits reprochés peut être plus large que la révision simpliciter des faits et que des questions de droit peuvent se poser. Pour lui, il est implicite que les décideurs administratifs doivent pouvoir disposer de questions de droit. Il invoque par analogie à cet effet la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, LC 1995, c 40, et la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale (le contrôle judiciaire des décisions administratives en ces matières est réservé à la Cour d’appel fédérale en vertu de l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales). Il y voit une proche parenté avec la Loi. Essentiellement, dans les deux cas, ce ne sont que des violations quant aux faits qui sont reprochées qui peuvent être entendues, pour lesquelles des procès-verbaux sont à la source des procédures et où la contestation, s’il en est, porte sur les faits reprochés. L’article 9 de cette loi, dans sa partie pertinente, est ainsi libellé :

Paiement

9 (1) Si le procès-verbal inflige une sanction et que le contrevenant paie, dans le délai et selon les modalités réglementaires, le montant de celle-ci — ou, sous réserve des règlements, le montant inférieur prévu au procès-verbal — , le paiement, que le ministre accepte en règlement, vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation et met fin à la poursuite.

Option

(2) À défaut d’effectuer le paiement, le contrevenant peut, dans le délai et selon les modalités réglementaires :

a) si la sanction est de 2 000 $ ou plus, demander au ministre de conclure une transaction en vue de la bonne application de la loi agroalimentaire ou du règlement en cause;

b) contester auprès du ministre les faits reprochés;

c) demander à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés.

Notices with penalty — payment

9 (1) Where a notice of violation sets out a penalty and the person named in the notice pays, in the prescribed time and manner, the amount of the penalty or, subject to the regulations, the lesser amount set out in the notice that may be paid in lieu of the penalty,

(a) the person is deemed to have committed the violation in respect of which the amount is paid;

(b) the Minister shall accept that amount as and in complete satisfaction of the penalty; and

(c) the proceedings commenced in respect of the violation under section 7 are ended.

Alternatives to payment

(2) Instead of paying the penalty set out in a notice of violation or, where applicable, the lesser amount that may be paid in lieu of the penalty, the person named in the notice may, in the prescribed time and manner,

(a) if the penalty is $2,000 or more, request to enter into a compliance agreement with the Minister that ensures the person’s compliance with the agri-food Act or regulation to which the violation relates;

(b) request a review by the Minister of the facts of the violation; or

(c) request a review by the Tribunal of the facts of the violation.

Une révision devant un tribunal quasi-judiciaire aura lieu (Commission de révision agricole du Canada prorogé par le para 4.1(1) de la Loi sur les produits agricoles).

[74] Cherchant appui sur la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, et tout particulièrement l’arrêt Mario Côté Inc. c Canada (Procureur général), 2017 CAF 36 [Mario Côté Inc.], ADM soumet qu’il est clair que le tribunal administratif a compétence implicite pour traiter des questions de droit.

[75] Dans Mario Côté Inc., c’était la constitutionalité d’un article (para 18(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire) qui était en jeu. Un avis de question constitutionnelle avait été donné, alors qu’on se plaignait de contraventions à la Charte (art 7 et alinéa 11d)). Les violations au Règlement sur la santé des animaux, CRC, c 296, portaient sur le transport sans souffrances indues au cours de voyages pour des porcs.

[76] La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire donne des indices que des questions de droit pourront se poser devant le tribunal administratif : la défense de la diligence raisonnable est exclue; il en est de même de l’erreur raisonnable quant aux faits (para 18(1)). Cela pourrait suggérer que d’autres défenses en droit ne seraient pas exclues et qu’elles devraient donc être traitées par le tribunal administratif. Par ailleurs, les règles et principes de common law qui permettent d’invoquer justification et excuse (voir Perka c La Reine, [1984] 2 RCS 232) s’appliquent (para 18(2)).

[77] La Commission dans ce cas avait considéré avoir compétence pour disposer de la question constitutionnelle. Étant donné que l’argument en vertu de l’alinéa11d) de la Charte avait été abandonné, la Cour d’appel conclut que la seule question était de déterminer si l’article 7 de la Charte avait été violé. Cependant, la Cour met en exergue au paragraphe 18 de son arrêt ce qui suit : « Le Procureur général ne s’étant pas objecté à ce que la demanderesse puisse soulever la constitutionnalité de la disposition contestée, je n’exprimerai pas d’opinion sur le sujet et me contenterai, comme la Commission, de prendre pour acquis qu’elle a qualité pour ce faire. » La Cour a décidé au mérite que la Commission avait raison de rejeter l’argument constitutionnel. Le demandeur dans notre cas a suggéré dans ses notes supplémentaires II que, « Ni la Cour ni les parties n’ont remis en question la compétence de la Commission pour trancher toute question de droit, incluant les questions constitutionnelles » (au para 42).

[78] Il eut été préférable de référer à la mise en garde du paragraphe 18 de Mario Côté Inc. pour présenter la proposition de façon plus complète. C’est d’autant plus important que le demandeur cherche à faire ses choux gras de cette allégation de non remise en question de la compétence. On lit le paragraphe 43 des notes supplémentaires II d’ADM :

43. Une telle remise en question aurait d’ailleurs été surprenante au regard des nombreuses décisions de la Cour d’appel fédérale à l’occasion desquelles la Cour a révisé des questions de droit tranchées par la Commission de révision. À ces occasions, bien que la Cour d’appel fédérale ait été appelée à examiner le cadre législatif, elle a déterminé la norme de contrôle applicable sans remettre en question la capacité de la Commission de révision à trancher des questions de droit.

J’ai révisé la jurisprudence à laquelle le demandeur réfère aux années 2014 et 2013 (Canada (Procureur général) c Vorobyov, 2014 CAF 102; Canada (Procureur général) c Stanford, 2014 CAF 234; Canada (Procureur général) c Savoie-Forgeot, 2014 CAF 26; Agence des services frontaliers du Canada c Castillo, 2013 CAF 271). Aucune de ces autorités ne traite et dispose de la question de compétence.

[79] De fait, on aurait pu penser que la mise en garde du juge de Montigny, au paragraphe 18 de ses motifs, au vu de cette jurisprudence, aurait pu, me semble-t-il, avoir l’effet opposé. Malgré ces autres arrêts récents, la Cour d’appel n’endosse pas la compétence sur l’examen de la constitutionnalité en des termes explicites. Il ne la renie pas non plus. En fin de compte, Mario Côté Inc. n’est que d’un secours limité au demandeur. Alors que la loi sous étude dans Mario Côté Inc. donne des indices que des questions de droit peuvent devoir être résolues par le tribunal administratif, ce n’est pas le cas en notre espèce.

[80] J’ai déjà cité au texte les passages des articles 180.1 et 180.3 de la Loi qui suggèrent que la révision porte sur les faits reprochés et le montant de la sanction. Ce qui complique encore davantage les choses est que la Loi prévoit spécifiquement des recours sur des questions de droit. Ce sont les articles 40 et 41, que je reproduis :

Modification ou annulation

40 Le gouverneur en conseil peut modifier ou annuler les décisions, arrêtés, règles ou règlements de l’Office soit à la requête d’une partie ou d’un intéressé, soit de sa propre initiative; il importe peu que ces décisions ou arrêtés aient été pris en présence des parties ou non et que les règles ou règlements soient d’application générale ou particulière. Les décrets du gouverneur en conseil en cette matière lient l’Office et toutes les parties.

Appel

41 (1) Tout acte — décision, arrêté, règle ou règlement de l’Office est susceptible d’appel devant la Cour d’appel fédérale sur une question de droit ou de compétence, avec l’autorisation de la cour sur demande présentée dans le mois suivant la date de l’acte ou dans le délai supérieur accordé par un juge de la cour en des circonstances spéciales, après notification aux parties et à l’Office et audition de ceux d’entre eux qui comparaissent et désirent être entendus.

[Je souligne.]

Governor in Council may vary or rescind orders, etc.

40 The Governor in Council may, at any time, in the discretion of the Governor in Council, either on petition of a party or an interested person or of the Governor in Council’s own motion, vary or rescind any decision, order, rule or regulation of the Agency, whether the decision or order is made inter partes or otherwise, and whether the rule or regulation is general or limited in its scope and application, and any order that the Governor in Council may make to do so is binding on the Agency and on all parties.

Appeal from Agency

41 (1) An appeal lies from the Agency to the Federal Court of Appeal on a question of law or a question of jurisdiction on leave to appeal being obtained from that Court on application made within one month after the date of the decision, order, rule or regulation being appealed from, or within any further time that a judge of that Court under special circumstances allows, and on notice to the parties and the Agency, and on hearing those of them that appear and desire to be heard.

[Emphasis added.]

[81] Le Règlement dont il est question en est de l’Office (para 170(1) de la Loi). Tant le gouverneur en conseil que la Cour d’appel fédérale peuvent intervenir aux termes des deux articles. Pour ce qui regarde le gouverneur en conseil, le recours est illimité et inconditionnel, tel que la Cour suprême du Canada le rappelait dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 RCS 135 (CN), au para 38). Les questions de droit peuvent être portées devant le gouverneur en conseil (CN, au para 49). Contrairement à l’article 41, aucune autorisation préalable n’est requise.

[82] Quant à la Cour d’appel fédérale, le texte de l’article 41 dit bien qu’un règlement de l’Office est susceptible d’appel sur une question de droit ou de compétence. C’est, à mon sens, ce dont il est question ici. Le Règlement serait ultra vires pour une raison ou l’autre.

[83] Le demandeur cherche, avec une formulation plutôt astucieuse, à arguer que c’est le procès-verbal dont il est question ici qui est contesté. Ceci dit avec égards, la réalité derrière un certain camouflage linguistique est que ce dont se plaint le demandeur est le Règlement qui a une portée qui lui déplait : il englobe des entrepreneurs au sujet desquels le demandeur doit s’assurer d’une formation et aurait une portée qui dépasse ce qui est permis par la loi habilitante à l’article 170. Il s’agit bien là d’une question de droit ou de compétence, que ce soit l’interprétation à donner au Règlement, sa constitutionalité ou son vires. Un recours quant au Règlement adopté par l’Office pourrait donc bien se trouver aux articles 40 et 41.

[84] Afin de s’éviter l’application de ces articles 40 et 41, le demandeur invoque l’efficience qui suggère qu’il faudrait que le tribunal administratif ait compétence, menant éventuellement à un contrôle judiciaire devant notre Cour, plutôt que de devoir soulever des questions de droit et de compétence quant au Règlement devant la Cour d’appel fédérale (ou possiblement le gouverneur en conseil).

[85] En outre, on invoque que les articles 40 et 41 ne traitent pas de l’exclusivité de ces deux recours. Il y aurait compétence concurrente.

[86] Pour l’essentiel, ADM s’en remet à la grille d’analyse de l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c Martin, précité. Dans cette affaire, la Cour devait articuler les circonstances dans lesquelles un tribunal administratif peut se pencher sur une question constitutionnelle. Le demandeur dit qu’à plus forte raison, cette grille doit s’appliquer au vires administratif.

[87] La Cour suprême délimite donc certains indices pour voir « si la loi habilitante accorde implicitement ou expressément au tribunal administratif le pouvoir d’examiner et de trancher toute question de droit » (au para 36; le mot « toute » est souligné dans le rapport judiciaire). À l’évidence, il est loin d’être évident que c’est le cas ici. Il apparaît plutôt que les questions de droit ou de compétence sur les règlements de l’Office vont ailleurs.

[88] Pour décider si une capacité implicite de traiter de questions de droit existe, la Cour dégage certains facteurs à considérer. La loi dans son ensemble doit être examinée (au para 41). Ces facteurs, qui ne sont pas exhaustifs, sont :

  • la mission que la loi confie au tribunal administratif; le pouvoir est-il nécessaire pour accomplir efficacement cette mission?

  • l’interaction du tribunal administratif avec les autres composantes du régime administratif;

  • le tribunal administratif est-il une instance juridictionnelle?

  • les considérations pratiques de la nature de la capacité du tribunal administratif d’examiner des questions de droit.

[89] L’examen du régime dans son ensemble mène-t-il à la conclusion que la question de droit ou de compétence au sujet du Règlement de l’Office doit être du ressort d’une instance autre que le TATC? Dans le cas de la Loi, on ne peut ignorer que le législateur donne compétence précisément à un autre organe sur la question étroite quant au Règlement. La Loi ne donne pas « le pouvoir d’examiner et de trancher toute question de droit » au TATC. Le pouvoir donné en révision l’est sur les faits reprochés et sur le montant de la sanction. Je n’ai trouvé et on n’a soumis à la Cour aucun des indices qui se trouvent dans la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, loi invoquée par analogie à la Loi. On n’a pas davantage soumis d’autorité quant à la compétence du TATC de traiter du genre de questions de droit dont il est question dans ce litige. En ce qui a trait au Règlement de l’Office, la compétence pour traiter du vires pourrait fort bien être ailleurs. Par définition, le tribunal administratif ne s’est pas vu conférer compétence sur toute question de droit.

[90] La mission du tribunal administratif est l’examen et la révision sur les faits reprochés. Il n’est ni nécessaire, ni prudent dans ce contexte plutôt théorique de considérer quelles questions de droit autres que le vires, s’il en est, pourraient se poser de telle sorte que la décision sur ces faits reprochés puissent requérir que le tribunal administratif dispose de ce genre de questions.

[91] L’interaction du tribunal administratif avec les autres composantes du régime suggère à mon sens que les questions de droit et de compétence au sujet des Règlements de l’Office soient traitées ailleurs que devant le TATC. Cela est congruent avec le rôle et la mission du tribunal administratif. Par ailleurs, il est vrai que le TATC constitue une instance juridictionnelle et, peut-être, des questions de droit pourraient devoir être traitées lors de l’examen des faits et de la sanction. La Loi aurait-elle choisi un modèle en vertu duquel certaines questions de droit relatives spécifiquement au Règlement adopté par l’Office doivent être décidées ailleurs?

[92] Le demandeur avance qu’il serait préférable qu’il puisse soumettre son argument devant le TATC. Cela, dit-il, serait plus efficient et juste. Pour paraphraser la Cour d’appel fédérale dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Scott, 2018 CAF 148, il est loin d’être certain que le justiciable dispose de la faculté de choisir un autre recours que celui créé par le législateur. Cela change-t-il la donne?

[93] Dans Yatar c TD Assurance Meloche Monnex, 2024 CSC 8, un droit d’appel était prévu sur des questions de droit dans une loi ontarienne. Il a été permis d’intenter un contrôle judiciaire quant aux questions non couvertes par le droit d’appel, cet accès au contrôle judiciaire ne devant pas être limité à des circonstances exceptionnelles ou des cas rares. On pourrait donc dire que le contrôle judiciaire est supplétif dans le cas où le droit d’appel serait limité, par exemple aux questions de droit ou à certaines d’entre elles. L’existence d’un autre recours, l’appel, constitue un recours adéquat (Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, [2015] 2 RCS 713, aux para 37 et 46) qu’il faut utiliser. Une cour de révision doit respecter les choix faits par le législateur quant à qui doit disposer de certaines questions (Vavilov, au para 36).

[94] Je suis enclin à accepter que le demandeur devait se prévaloir du droit d’appel au sujet du Règlement de l’Office sur une question de droit portant sur la constitutionnalité ou le vires du Règlement adopté par l’Office comme le prévoit expressément le paragraphe 41(1). La mission du TATC n’est pas compromise lorsqu’une partie choisit de contester un règlement de l’Office, comme c’est le cas en l’espèce. L’argument de l’efficience s’effiloche vite si on considère que le recours serait devant la Cour d’appel fédérale. À cet égard, aucun pouvoir implicite pour le TATC ne saurait se dégager de la Loi comme pour ce qui de l’autre loi citée.

[95] Toutefois, la réponse à la question n’est pas limpide. Si le TATC n’a pas compétence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Si j’ai tort il faut voir si le contrôle judiciaire devrait être accordé. J’examine maintenant l’argument au mérite selon lequel, lorsqu’interprété, le Règlement ne crée pas une obligation valide pour ADM.

L’interprétation donnée au Règlement et sa loi habilitante par le TATC est-elle appropriée?

[96] Le demandeur a échoué dans sa tentative d’attaquer le résultat de l’analyse faite par les tribunaux administratifs confirmant l’obligation faite à ADM. Avec égards, les arguments avancés ne sont pas convaincants et le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau.

[97] Étant donné que la question constitutionnelle est évacuée, le demandeur ayant choisi de ne pas donner l’avis de question constitutionnelle requis, l’examen de la question de droit devrait être sur la base de la décision raisonnable comme étant au sujet d’une question de droit non couverte par l’une des exceptions reconnues depuis Vavilov. J’ajoute cependant que la norme de la décision correcte, selon laquelle la cour de révision n’est tenue à aucune déférence à l’égard de la décision administrative, n’aurait rien changé le résultat.

[98] C’est que, fondamentalement, le demandeur fait fausse route en argumentant que le Règlement vise des entrepreneurs qui relèvent de la compétence provinciale. Comme il est particulièrement évident, les violations au Règlement contestées par ADM sont les siennes. Comme exploitant de terminal, il est tenu de s’assurer que certains des entrepreneurs avec qui il fait affaire, tombant dans des catégories précises, ont reçu une formation appropriée. De plus, quant à la délégation faite à l’Office, elle est très large et est conforme à la Politique nationale des transports qui l’illumine en ce qu’on recherche l’accessibilité au système de transport pour les personnes avec des déficiences. Cet accès est favorisé par la règlementation adoptée.

[99] Je commence avec le contexte dans lequel la règlementation est adoptée. Fait partie de ce contexte essentiel l’accessibilité au système de transport national, une des composantes de la Politique nationale des transports. Comme indiqué plus tôt, la compétence du Parlement n’a pas été remise en question à cet égard. L’alinéa 5 d.1) de la Loi déclare que l’un des objectifs visés par le Parlement est que le système de transport soit accessible sans obstacle aux personnes handicapées. Alors que l’accessibilité au système de transport devrait être sans obstacle abusif à la circulation de tous, on décrète que l’objectif pour les personnes handicapées devrait être accès sans obstacle. Cela suppose un effort encore plus grand. D’ailleurs, la Loi ne laisse pas cet aspect de la politique lettre morte. En effet, une partie, la Partie V, de la Loi est consacrée au transport des personnes handicapés. Pour donner vie à la Politique, le législateur fédéral a fourni à l’Office des transports du Canada le moyen règlementaire qu’on retrouve à l’article 170 de la Loi.

[100] De fait, l’Office a adopté de la règlementation à cet égard. Existe le Règlement sur la formation du personnel en matière d’aide aux personnes ayant une déficience. Existe également le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées. Ce dernier en est un d’une portée plus large : il vise tout transporteur, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l’Agence des services frontaliers du Canada et tout exploitant de gare.

[101] C’est le Règlement sur la formation du personnel en matière d’aide aux personnes ayant une déficience qui nous importe au premier plan. Ce Règlement ne fait aucune obligation, à quiconque si ce n’est l’exploitant de terminal qui, à n’en pas douter, est soumis à la compétence fédérale. Seul l’exploitant de terminal, comme ADM, se voit imposer une obligation. On le définit comme le « propriétaire, exploitant ou locataire d’installations ou de locaux liés au transport des passagers qui font partie du réseau de transport régi par la Loi » (art 2 du Règlement). Ce même article 2 définit ce qui constituent les « services liés au transport ». Pour faciliter la suite des choses, je reproduis à nouveau les textes du Règlement qui sont pertinents :

services liés au transport Sont compris parmi les services liés au transport le contrôle de sécurité des passagers, la manutention des bagages, la location de véhicules, le stationnement public et, dans le cas des aérogares, le transport de surface à partir de l’aérogare. (transportation-related services)

 

transportation-related services includes passenger security screening, baggage handling, vehicle rental, public parking and, in the case of air terminals, all ground transportation from the terminal. (services liés au transport)

À n’en pas douter, le Règlement considère comme des services liés au transport les services de location de véhicules et les services de navettes. Comme dit plus tôt, le Règlement ne peut qu’être relatif aux entrepreneurs dont il est question ici et au sujet desquels l’obligation est faite à ADM. Dit simplement, il n’existe pas d’ambiguïté à résoudre au sujet de la portée du Règlement. Mais, comme on le verra, ce ne sont pas tous les services de location ou des transports de surface à partir d’un aérogare dont ADM à la responsabilité.

[102] Il n’est pas inutile de rappeler la définition de la « personne ayant une déficience » :

personne ayant une déficience Personne qui est, a été ou sera un passager dans le cadre d’un service exploité par un transporteur et qui, en raison de sa déficience, a besoin de services qui ne sont pas habituellement offerts aux autres passagers, y compris de l’aide :

a) pour prendre des arrangements de voyage;

b) pour embarquer et débarquer;

c) lorsqu’elle se trouve à bord d’un véhicule;

d) pendant tout déplacement entre les installations situées à l’intérieur ou à l’extérieur des bâtiments du terminal qui met en jeu les services liés au transport. (person with a disability)

[Je souligne.]

person with a disability means a person who is, has been or will be a passenger on a service operated by a carrier and who, because of a disability, requires services that are not usually extended to other passengers, including assistance

(a) when making travel arrangements,

(b) when embarking and disembarking,

(c) on board a vehicle, and

(d) during any movements between facilities inside or outside the terminal buildings that involve transportation-related services; (personne ayant une déficience)

[Emphasis added.]

C’est en faveur de ces personnes que des obligations sont créées à l’exploitant d’un terminal. Est inclus parmi les personnes ayant une déficience la personne qui sera un passager et qui aura besoin de services non habituellement offerts aux autres passagers. Ces personnes ne doivent pas subir d’obstacle à l’accessibilité au transport.

[103] L’article 4 du Règlement fait une obligation à l’exploitant de terminal de s’assurer que les entrepreneurs qui « fournissent des services liés au transport » (et donc ceux qui font la location de véhicules et le transport de surface à partir de l’aérogare) et « qui peuvent être appelés à transiger avec le public […] reçoivent une formation adaptée aux besoins de leur fonctions […] ». L’article 9 prévoit une obligation semblable pour l’exploitant de terminal que les entrepreneurs « suivent périodiquement des cours de recyclage adaptés aux besoins de leurs fonctions ». Ainsi, le Règlement crée des obligations à ADM quant aux entrepreneurs qu’il choisit par fournir des services liés au transport à l’aéroport dont il a la responsabilité. Dans notre cas d’espèce, ce seront les entreprises de location de véhicules et de transport de surface à partir de l’aérogare.

[104] L’entrepreneur dont il est question ne pourra être que la contrepartie à un contrat entre l’exploitant de terminal, et qui veut bénéficier du privilège contre considération, d’avoir accès à des locaux et aires de débarquements et d’embarquement à l’aérogare. Cela réduit évidemment la portée de l’obligation faite à l’exploitant de terminal. Il établit aussi un lien direct avec le système de transport.

[105] En effet, le Règlement définit qui est l’entrepreneur. Je reproduis à nouveau la définition :

entrepreneur Personne, ou employé de celle-ci, qui fournit des services aux termes d’un contrat ou d’une entente avec un transporteur ou un exploitant de terminal, et qui n’est pas un employé du transporteur ou de l’exploitant de terminal. La présente définition exclut les agences de voyage. (contractor)

contractor means any person, or employee of that person, who performs services pursuant to a contract or an arrangement with a carrier or a terminal operator, and who is not an employee of the carrier or the terminal operator, but does not include a travel agency; (entrepreneur)

Au centre du régime se trouve l’existence d’un contrat. Ceux-ci ont été mis en preuve. Ils sont entre l’exploitant de terminal et deux types d’entrepreneurs : des entreprises de location de véhicules qui ont des lieux désignées à l’aéroport, et des opérateurs de navettes entre des hôtels à Montréal et l’aérogare où ils ont accès à des aires désignées pour embarquement ou débarquement. Aucune autre preuve n’a été invoquée, et aucun argument offert, que la définition d’« entrepreneur » pourrait s’appliquer à d’autres opérateurs, tels des flottes de taxis ou des particuliers déposant ou venant chercher des passages dans des aires communes, ou encore des entreprises de location de véhicules en dehors des terrains de l’aéroport.

[106] La Cour suprême du Canada rappelait encore dernièrement que le texte de la loi est son point d’ancrage (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Directrice de la protection de la jeunesse du CISSS A, 2024 CSC 43 [Directrice de la protection de la jeunesse]). Cela n’est pas en contradiction avec la méthode moderne d’interprétation selon laquelle on recherche l’intention du législateur en lisant le texte de loi dans son contexte global et en suivant le sens ordinaire et grammatical s’harmonisant avec l’économie et l’objet de la loi. Cette formulation vient de E.D. Driedger dans sa deuxième édition de Construction of Statutes (Butterworths, 1983). Cette approche a été acceptée au pays dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, et est suivie depuis. Cette méthode moderne inclut de toute évidence le texte même qui constitue le « pont d’ancrage de l’opération d’interprétation ». On lit au paragraphe 24 de la Directrice de la protection de la jeunesse ceci :

[24] En l’espèce, il importe de souligner quelques principes qui guident l’interprétation de l’art. 91 al. 4 de la LPJ. Premièrement, la LPJ doit recevoir une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin (voir Loi d’interprétation, RLRQ, c. I-16, art. 41; Protection de la jeunesse – 123979, par. 21). Toutefois, de la même manière que le texte doit être examiné au regard du contexte et de l’objet, l’objet d’une loi et celui d’une disposition doivent être examinés en gardant continuellement un œil attentif sur le texte de la loi, lequel demeure le point d’ancrage de l’opération d’interprétation. Le texte précise notamment les moyens préconisés par le législateur pour réaliser ses objectifs. Ces moyens [traduction] « peuvent révéler des réserves concernant les objectifs principaux, et c’est pourquoi le texte demeure le point central de l’interprétation » (M. Mancini, « The Purpose Error in the Modern Approach to Statutory Interpretation » (2022), 59 Alta. L. Rev. 919, p. 927; voir aussi les p. 930-931). En d’autres mots, ils peuvent [traduction] « indiquer à l’interprète jusqu’où le législateur entendait aller pour réaliser un objectif plus abstrait » (p. 927). Comme l’a récemment souligné notre Cour, l’interprète est appelé « à interpréter le “texte au moyen duquel le législateur entend atteindre [son] objectif”, car “l’exercice d’interprétation recherche une harmonie entre le texte de la loi et l’objectif visé . . .” » (R. c. Breault, 2023 CSC 9, par. 26, citant MédiaQMI inc. c. Kamel, 2021 CSC 23, [2021] 1 R.C.S. 899, par. 39; voir aussi Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., 2020 CSC 32, [2020] 3 R.C.S. 426, par. 10).

[Je souligne.]

[107] De Vavilov en 2019, en passant par Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21, pour en arriver à Auer c Auer, 2024 CSC 36, il a été décidé que la norme de contrôle des décisions administratives était celle de la décision raisonnable. Aucune des exceptions reconnues ne vient s’appliquer pour renverser la présomption établie dans Vavilov que la norme de la raisonnabilité s’applique aux questions de droit lors du contrôle judiciaire.

[108] C’est l’arrêt Auer c Auer qui est tout particulièrement pertinent puisque la question à régler portait sur la validité d’un texte législatif subordonné (en l’espèce les Lignes directrices sur les pensions alimentaires des enfants). La question s’est retrouvée devant les tribunaux d’Alberta sous forme de contrôle judiciaire des lignes directrices. On prétendait que les lignes directrices outrepassaient le pouvoir conféré par la Loi sur le divorce en forçant le parent débiteur de l’obligation alimentaire à assumer une plus grande part des frais liés à l’enfant. Pour nos fins immédiates, le résumé des conclusions de la Cour suprême se trouvant aux paragraphes 3 et 4 est utile. Je les reproduis :

[3] Je conclus que la norme de la décision raisonnable telle qu’exposée dans l’arrêt Vavilov est présumée s’appliquer lors du contrôle de la validité d’un texte législatif subordonné. Je conclus également que certains des principes tirés de l’arrêt Katz Group continuent de guider un tel contrôle suivant la norme de la décision raisonnable : (1) le texte législatif subordonné doit être conforme à la fois aux dispositions pertinentes de la loi habilitante et à l’objet dominant de celle‑ci; (2) le texte législatif subordonné bénéficie d’une présomption de validité; (3) le texte législatif subordonné contesté et la loi habilitante doivent être interprétés au moyen d’une méthode d’interprétation législative large et téléologique; (4) un contrôle de la validité ne comporte pas l’examen du bien‑fondé du texte législatif subordonné au regard de considérations d’intérêt général afin de déterminer s’il est nécessaire, sage et efficace dans la pratique.

[4] Toutefois, pour qu’un texte législatif subordonné soit déclaré ultra vires au motif qu’il est incompatible avec l’objet de la loi habilitante, il n’est plus nécessaire qu’il soit « sans importance », « non pertinent » ou « complètement étranger » à l’objet de la loi. Le maintien de ce seuil établi dans l’arrêt Katz Group serait incompatible avec le contrôle rigoureux selon la norme de la décision raisonnable qui est exposé en détail dans l’arrêt Vavilov et compromettrait la concrétisation de la promesse de simplicité, prévisibilité et cohérence de cet arrêt.

[Je souligne.]

[109] Les lignes directrices sont jugées intra vires du gouverneur en conseil parce que l’utilisation du pouvoir conféré à l’égard de lignes directrices, qui est dit être un pouvoir extrêmement large, a été vu comme étant raisonnable. L’examen selon la norme de la décision raisonnable est articulé dans Auer c Auer selon la grille d’analyse de Vavilov, même si on y traite de la norme pour déterminer le vires d’une mesure règlementaire. Il s’agit de voir si le pouvoir tel que délégué est resté raisonnablement à l’intérieur de la délégation faite par le législateur : la législation subordonnée est-elle « conforme aux dispositions pertinentes de la loi habilitante et à l’objet dominant de celle-ci » (tiré de Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11, [2021] 1 RCS 175, au para 87, reproduit au para 33 de Auer c Auer)?

[110] Quant à la méthode à être appliquée pour considérer la raisonnabilité du texte législatif subordonné, il faut voir s’il est raisonnable qu’il soit conforme à sa loi habilitante et à l’objet dominant de cette loi habilitante. Un texte de la loi habilitante large rendra évidemment plus facile le vires du règlement adopté en vertu de ce texte. En plus, la présomption de validité s’applique, faisant en sorte que le fardeau est sur qui invoque l’ultra vires.

[111] L’intervention judiciaire n’est alors que s’il est vraiment nécessaire de la faire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif, selon Vavilov (au para 13). C’est ainsi que la Cour dans Auer c Auer ramène l’analyse (aux para 50-51) aux principes fondamentaux de Vavilov. La cour de révision recherche les caractéristiques d’une décision raisonnable (justification, transparence, intelligibilité, et que la décision soit justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles). Deux catégories de lacunes fondamentales sont identifiées : le manque de logique interne du raisonnement et la décision est-elle indéfendable vu les contraintes factuelles et juridiques? Comme la Cour le rappelle, c’est le caractère raisonnable de l’interprétation faite par le délégataire du pouvoir (l’Office) de règlementation qui compte. La sagesse, la nécessité et l’efficacité de la règlementation ne sont pas tenues en compte.

[112] En fin de compte, le délégataire a-t-il agi dans les limites du pouvoir qu’il détient de la loi habilitante? Le régime législatif est donc l’aspect le plus important et « les mots choisis par le législateur dans une loi habilitante décrivent les limites et les contours du pouvoir du délégataire » (Auer c Auer, au para 62).

[113] Une difficulté supplémentaire se pose peut-être en notre espèce en ce que la Cour dans Auer c Auer reconnaît qu’une « contestation de la validité constitutionnelle d’un texte législatif subordonné au motif qu’il ne respecte pas le partage des compétences entre le Parlement et les législatures provinciales nécessiterait l’application de la norme de la décision correcte » (au para 27). La présomption de validité existe quand même et un demandeur doit alors démontrer que le texte législatif subordonné n’est pas une interprétation correcte du pouvoir délégué par la loi habilitante (au para 39).

[114] Dans notre cas, cela pose une difficulté au demandeur qui a choisi de ne pas contester la constitutionnalité du Règlement. La question s’est posée devant la Conseillère Webster et ADM a choisi de ne pas signifier un avis de question constitutionnelle comme la chose est requise. Je reproduis pour mémoire le texte de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales en retirant du texte du paragraphe 57(1) ce qui est sans pertinence et alourdit le texte :

Questions constitutionnelles

57 (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d’application, dont la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant […] ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n’aient été avisés conformément au paragraphe (2).

Constitutional questions

57 (1) If the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of the legislature of a province, or of regulations made under such an Act, is in question before the…federal board, commission or other tribunal,…, the Act or regulation shall not be judged to be invalid, inapplicable or inoperable unless notice has been served on the Attorney General of Canada and the attorney general of each province in accordance with subsection (2).

Il ne peut donc s’agir dans notre cas de la validité du Règlement au sens constitutionnel puisque la question n’est pas validement devant la Cour, pas plus qu’elle ne l’était devant le TATC.

[115] Cela nous amène à considérer les arguments du demandeur et l’usage qui pouvait être fait de la limite constitutionnelle au pouvoir fédéral en l’absence d’une contestation en bonne et due forme du Règlement adopté qui, on l’a vu, bénéficie de la présomption de validité (que la norme soit celle de la décision correcte ou raisonnable). Je considère donc les arguments avancés par ADM.

[116] ADM attaque la qualité de la décision rendue par le TATC. Les motifs donnés seraient insuffisants, inintelligibles et manquant de cohérence interne. Les contraintes juridiques n’auraient pas été respectées et justifiées, excédant ainsi les pouvoirs conférés par la loi habilitante. La demanderesse aurait aimé que la décision sous étude articule ses propres motifs plutôt que, selon elle, de chercher à justifier une conclusion préconçue, ce qui aurait mené à une décision correcte si l’analyse avait été faite comme il se doit, selon la méthode moderne d’interprétation. C’est alors que le demandeur dans son avis de demande verse dans des arguments constitutionnels. Caractérisant la législation subordonnée de règlement qui régit la formation du personnel des entrepreneurs, plutôt que s’adressant à l’exploitant de terminal, on demande l’invalidité du Règlement. L’article 170 de la Loi trace, dit-on, une ligne de démarcation que le Règlement dépasse parce que le Parlement n’a pu vouloir règlementer la formation du personnel d’entrepreneurs parce que ce serait de juridiction provinciale.

[117] On en revient au même thème. On cherche à faire porter le fardeau sur les entrepreneurs alors que le Règlement le situe exclusivement sur l’exploitant de terminal. Aucune de ces doléances ne peut être retenue. De fait, la décision sous étude, celle du TATC, fournit des motifs détaillés en accord avec ceux de la Conseillère en révision qui sont eux-mêmes bien articulés. Tous les deux concluent, motifs à l’appui, que la cible du Règlement est bien l’exploitant du terminal.

[118] D’abord et avant tout, le Règlement n’est pas devant cette Court ou devant les tribunaux administratifs pour en contester la validité constitutionnelle. On ne peut faire indirectement ce que l’on ne peut pas faire directement. À tout évènement, si le Règlement porte sur une obligation faite à ADM, en quoi sa validité constitutionnelle pourrait-elle être entachée? On peut comprendre que le demandeur ait cherché à faire porter l’emphase sur une quelconque obligation faite aux entrepreneurs. L’argument constitutionnel aurait alors pu être plus porteur. Mais tel n’est pas le texte ou le contexte du Règlement, et son objet; il ne cherche qu’à assurer que l’exploitant de terminal qui contracte avec les entrepreneurs définis étroitement s’assure d’une formation adéquate quant aux personnes handicapées qui utilisent le système de transport auquel on cherche à favoriser l’accès sans obstacle. C’est ce que le Règlement cherche à accomplir.

[119] La caractérisation, ou la qualification, qu’a tenté de faire du Règlement le demandeur est inappropriée. La seule obligation créée par le Règlement l’est à l’exploitant du terminal. S’il veut prévoir un service de navettes entre des hôtels et l’aérogare, parce que présumément un service de navettes peut être attractif, le demandeur peut le faire. Je n’ai vu nulle part qu’il y était obligé. En échange d’une certaine rétribution, des aires d’embarquement et de débarquement sont offertes aux navettes ainsi autorisées. Le contrat entre les parties consacre l’entente par une licence d’exploitation. La seule obligation faite par le Règlement est à l’égard de l’exploitant du terminal : la preuve en est éclatante puisque c’est ADM qui est le seul responsable de s’assurer que la formation a été reçue. Dix procès-verbaux de violation ont été dressés à l’encontre d’ADM pour son défaut de s’assurer que la formation qui favorise l’accès au système de transport national a été reçue. Personne d’autre n’a été appelé à rendre compte de formation.

[120] Il en est de même de la location de véhicules. Rien n’empêche un loueur de véhicules de s’installer à Dorval ou Lachine, ou ailleurs autre que sur les terrains de l’aérogare (pour sa flotte de véhicules) ou à l’aérogare même pour son comptoir. ADM n’est pas non plus obligé de permettre sur les lieux dont il a la responsabilité la location de véhicules. Dans la mesure où il choisit de permettre cette activité commerciale par contrat, ADM assume seul la responsabilité de s’assurer de la formation. Le défaut de remplir son obligation l’expose à des sanctions, pas le loueur de véhicules. Il faut donc, à mon avis, rejeter la prétention d’ADM que l’Office des transports cherche à règlementer la formation d’employés des entrepreneurs. Il s’agit plutôt d’une condition mise par règlement à l’exploitant d’un terminal qui choisit de permettre ces activités sur les lieux de l’aéroport. On aura compris que l’Office exerce ainsi le pouvoir de règlementer afin exclusivement de tenter de favoriser l’accès pour les personnes handicapées au système de transport. Ceci dit avec égards, c’est à tort, à mon avis, que le demandeur cherche à qualifier la question qui se pose comme étant la règlementation et la surveillance de la formation des entrepreneurs (et ses employés) (mémoire des faits et du droit, au para 22). Il s’agit de sa prétention essentielle pour arguer que le Règlement dépasse les limites constitutionnelles ou autres. Le régime législatif ne correspond pas à cette prétention. Le demandeur ne se décharge pas de son fardeau de renverser la présomption de validité, que ce soit au regard d’une norme de contrôle ou l’autre.

[121] Secundo, la loi habilitante prévoit expressément l’objectif de rendre accessible sans obstacle aux personnes handicapées le système de transport sous compétence fédérale. La Politique nationale des transports adoptée par le Parlement prévoit comme un de ses objectifs l’accessibilité au système de transport. On traite donc d’accessibilité au système de transport. Pour donner vie à cette Politique, le Parlement a créé une partie spécifique à la Loi, délégant à l’Office des transports le charge de reconnaître, d’éliminer et de prévenir les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes handicapées. À l’évidence il s’agit d’un objet dominant de la Loi qui n’a pas été remis en question. Des règlements pour se décharger de ce mandat peuvent être pris par l’Office en vertu de l’article 170 de la Loi, dont des types de mesures répertoriés aux alinéas qui se trouvent à l’article. La liste n’est pas limitative (utilisation de « notamment » et « including »). De fait, c’est la clause introductive de l’article 170 qui en constitue la portée. Le demandeur n’a pas établi en quoi le Règlement qui impose une obligation à ADM serait ultra vires de la loi habilitante, alors qu’il faut considérer les articles 5 et 170 de la Loi. Il était à tout le moins raisonnable d’adopter le Règlement tel que libellé. C’est la conclusion à laquelle en sont arrivés les tribunaux administratifs (voir le para 35 de la décision du TATC, reproduit au para 32 des présents motifs) après une étude soigneuse.

[122] Une autre tentative par ADM qui doit être rejetée est de prétendre que sa contestation porte sur les procès-verbaux. La réalité est plutôt qu’il s’attaque au Règlement, tantôt parce qu’il serait ultra vires de sa loi habilitante, tantôt parce qu’il ne pouvait être valablement adopté s’il vise des entrepreneurs qui seraient de compétence provinciale.

[123] D’une manière ou d’autre autre, la contestation ne peut que porter sur le Règlement lui-même, les procès-verbaux de violation n’étant que les instruments porteurs qui sont fondés sur une règlementation dite déficiente. On pourrait dire que la contestation peut porter sur les procès-verbaux de violations si ce qui est contesté était les faits reprochés. Ce n’était pas le cas.

[124] Le demandeur nous entraîne dans ce qu’il considère comme devant être la méthode moderne d’interprétation des lois qui n’aurait pas été suivie par les tribunaux administratifs. L’argument semble ici découler du droit administratif. On argumente que le décideur administratif aurait procédé à une interprétation littérale plutôt que de rechercher l’intention du législateur pour adopter le Règlement sous étude. Malheureusement, le demandeur fait défaut d’expliquer en quoi la méthode moderne n’aurait pas été suivie et en quoi cela aurait produit, ou généré, une décision qui n’aurait pas les apanages de la décision raisonnable au sens de Vavilov. Comme décidé dans Auer c Auer, la méthode décrite dans Vavilov (aux para 99 et ss) s’applique pleinement. Comme il est dans Vavilov, « [l]es questions d’interprétation de la loi ne reçoivent pas un traitement exceptionnel. Comme toute autre question de droit, on peut les évaluer en appliquant la norme de la décision raisonnable […] » (au para 115).

[125] La cour de révision ne procède pas cependant à une analyse de novo de l’interprétation donnée. Cela reviendrait à rechercher la décision correcte. C’est plutôt « la décision administrative dans son ensemble, y compris les motifs fournis par le décideur et le résultat obtenu » (Vavilov, au para 116) qui sont considérés pour en déterminer du caractère raisonnable. Mais Vavilov déclare que le décideur administratif n’est pas tenu à une interprétation formaliste de la loi. Le reproche fait à cet égard par le demandeur ne tient pas. Ce à quoi le décideur administratif est tenu est de s’efforcer de discerner le sens de la disposition en considérant le texte, le contexte et l’objet du régime législatif : en bout de ligne, le décideur recherche l’intention du législateur. Dans le contexte de l’examen du vires d’un règlement, la question reste : le décideur a-t-il décidé raisonnablement? De fait, comme le rappelle Vavilov (au para 124), il se pourrait qu’une seule interprétation soit raisonnable. À mon sens, c’est le cas en l’espèce.

[126] On voit de l’argumentaire du demandeur que ce dont il se plaint n’est autre que sa prétention que le Règlement vise des entreprises provinciales plutôt que l’exploitant de terminal. Une obligation est faite à celui-ci s’il contracte avec des entrepreneurs pour que des services de navettes et de louage de véhicules soient fournis aux passagers. C’est à partir de cette prémisse, qui n’est rien d’autre que le texte même du Règlement, que le demandeur doit chercher à convaincre. Si la qualification du régime est déficiente parce que sa prémisse fondamentale est défectueuse, la démonstration ne peut réussir.

[127] La décision assujettie au contrôle judiciaire a bien noté la jurisprudence de cette Cour quant à la révision qui doit être menée par le TATC de la décision de la Conseillère : aucune déférence n’est due sur les questions de droit à la Conseillère. Le TATC a aussi reconnu que les questions soulevées touchaient au principe moderne d’interprétation et à la plainte que la Conseillère n’aurait pas tranché la question de la validité du Règlement. Tant la Conseillère que le TATF étaient tout à fait alertes quant à la façon d’interpréter la Loi et son Règlement. Leurs motifs de décision sont éloquents. La méthode moderne n’a tout simplement pas été éludée. Il y est référé spécifiquement.

[128] Le TATC examine l’argument du demandeur selon lequel la Conseillère n’aurait pas appliqué la méthode moderne. Il semble qu’on reproche à la Conseillère d’avoir interprété le Règlement pour faire en sorte qu’il soit possible de règlementer les entrepreneurs. On reconnaît encore ici le même thème. De fait, comme devant cette Cour, le demandeur n’a jamais pu expliquer en quoi la méthode moderne ne change pas le texte du Règlement, le point d’ancrage de l’interprétation. Le Règlement est simple. Une obligation est faite à l’exploitant de terminal de s’assurer que les entrepreneurs aient la formation voulue aux fins de rendre des services à qui recherche l’accès au réseau de transport. Ce n’est pas une interprétation littérale du régime règlementaire. C’est la seule interprétation qui puisse tenir du fait que l’obligation est faite à l’exploitant de tribunal. Je ne puis voir à quelle autre conclusion peut être venue qui interprète le régime règlementaire, comme le soutient d’ailleurs le défendeur.

[129] Je n’ai trouvé nulle part un argument selon lequel la législation subordonnée ne pouvait pas faire une obligation à l’exploitant de terminal de favoriser l’accès au système de transport en s’assurant que les loueurs de véhicules et les opérateurs de navette aient la formation appropriée afin de reconnaître ou d’éliminer les obstacles ou de prévenir de nouveaux obstacles. L’argument du demandeur n’était axé que sur la prétention que ce sont les entrepreneurs qui étaient règlementés. Il était raisonnable de conclure que tel n’est pas le cas à la seule lecture du Règlement. Celui-ci ne fait que donner suite à l’objectif du législateur de rendre accessible l’accès au système de transport aux personnes ayant des déficiences. L’un des moyens choisis est la formation de personnes fournissant certains services connexes alors que la seule obligation à cet égard est faite à l’exploitant du terminal qui choisit d’offrir ce service. Le pouvoir de règlementation est large et il reste dans la sphère fédérale.

[130] Les mots utilisés par le législateur « décrivent les limites et les contours du pouvoir d’un délégataire » (Auer c Auer, au para 62). En utilisant des termes généraux et non limitatifs, on accorde manifestement une souplesse accrue que le délégataire pourra utiliser dans la mesure où il restera à l’intérieur des contours de la délégation. Mais comme le dit la Cour suprême dans Auer c Auer, « le contrôle de la validité d’un texte législatif subordonné n’implique pas l’appréciation du bien‑fondé des considérations d’intérêt général » (au para 35) afin de déterminer sa nécessité, sa sagesse ou son efficacité.

[131] Le TATC avait raison de conclure que le texte est sans ambiguïté, comme l’avait fait la Conseillère. À plus forte raison cette conclusion est raisonnable. Le demandeur devait démontrer que les caractéristiques de la décision administrative raisonnable¾la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée par rapport aux contraintes factuelles et juridiques¾ne sont pas rencontrées. Cela n’a pas été fait. Il eut fallu identifier des lacunes graves. Cela n’a pas été fait non plus. On n’a pas noté un manque de logique interne ou une décision qui serait indéfendable compte tenu des contraintes factuelles et juridiques. Le demandeur aurait pu tenter d’expliquer en quoi la méthode moderne n’a pas été suivie, ce qui entraînerait une interprétation déraisonnable. Cela n’a pas été fait ni devant les tribunaux administratifs, ni devant la Cour.

[132] Le TATC a présenté les conclusions et la méthode suivis par la Conseillère. Il s’est déclaré d’accord avec elle. On ne saurait en demander plus. Le texte du Règlement est limpide. Le TATC réfère directement aux paragraphes 118 à 121 de Vavilov (sous le titre « Les principes d’interprétation législative ») et au fait qu’un libellé précis et sans équivoque verra son sens ordinaire jouer un rôle plus important dans le processus d’interprétation. Le TATC a examiné avec précaution la décision de la Conseillère. Que le demandeur ne partage pas l’avis du TATC et de la Conseillère est sa prérogative. Mais cela ne suffit certes pas pour rendre cet avis non raisonnable ou incorrect. À mon sens c’était la seule conclusion possible.

[133] L’autre partie de l’argumentaire du demandeur consistait précisément à avancer que le Règlement est ultra vires de la loi habilitante.

[134] Cette fois, il semble bien que le demandeur voit dans les termes introductifs de l’article 170 de la Loi une limitation qui n’aurait pas été respectée.

[135] Il n’est pas simple de voir où serait la difficulté lorsqu’on constate que la seule obligation est faite à l’exploitant de terminal. Qui plus est, l’article 170 doit bien sûr être lu en relation avec l’alinéa 5 d.1) de la Loi qui spécifie que le Parlement a comme moyen d’atteindre ses objectifs relatifs à la Politique nationale des transports d’avoir que « le système de transport est accessible sans obstacle aux personnes handicapées ». On le voit bien, c’est l’accès au système qui est recherché. La portée du pouvoir règlementaire est vaste. On peut par règlement reconnaître, éliminer ou prévenir de nouveaux obstacles, notamment dans la conception et la prestation de services dans le système de transport pour ce qui est des possibilités de déplacement des personnes handicapées. Lorsqu’on interprète les textes législatifs et règlementaires, il faut leur donner une interprétation large et téléologique qui sera en ligne avec un objet dominant de la Loi (Auer c Auer, au para 3). Lorsqu’en plus on constate l’existence d’une présomption de validité, il aurait fallu que le demandeur fasse la démonstration que la décision n’était pas raisonnable. Ici, l’Office argue que son Règlement n’est pas ultra vires et le TATC est d’accord.

[136] Si, comme je l’ai dit, l’obligation est faite à l’exploitant de terminal pour favoriser l’accessibilité au système de transport en s’assurant que certains entrepreneurs ait la formation requise pour chercher à éviter les obstacles aux personnes handicapées qui veulent avoir accès au système de transport, en quoi le Règlement serait-il ultra vires? C’était au demandeur à l’établir.

[137] L’argument offert est toujours le même : le Règlement ne peut régir les entreprises. Comme dit plus tôt, l’argument procède d’une prémisse erronée. Ce n’est tout simplement pas ce qui est prévu au régime règlementaire. D’ailleurs, il n’est pas clair que si cela avait été le cas le Règlement aurait été ultra vires au sens propre, sans tenter d’injecter une contestation constitutionnelle. Quoi qu’il en soit, la question ne se pose pas lorsqu’on lit le texte du Règlement. Il n’y a aucune règlementation à l’égard d’entreprises provinciales, dit le TATC. C’est juste.

[138] Encore ici, le TATC se déclare en parfait accord avec la Conseillère dont il révise la décision. Le TATC écrit :

[48] Tout comme la conseillère en révision, je ne retiens pas la proposition de l’appelante voulant qu’une interprétation du Règlement qui inclut ces entreprises comme étant des entrepreneurs soit fausse parce qu’elle excède nécessairement la portée de la loi habilitante. C’est plutôt l’appelante que vise le texte de l’article 170 et qui lui impose une obligation à titre d’exploitante du terminal.

[49] En conséquence, l’appelante, par le biais du Règlement, a le devoir d’éliminer les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes handicapées dans le réseau de transport aérien. Il est fondé, logique et correct de conclure que les entrepreneurs de services de navettes d’hôtel et de location de voitures ont un lien de connexité suffisamment important avec le réseau de transport aérien et l’exploitant du terminal pour faire naître chez l’appelante cette obligation créée par le Règlement et la Loi.

[50] Il faut donc interpréter les expressions « services liés au transport » et « entrepreneur » du Règlement comme incluant ces entreprises. De plus, cette obligation n’entrave pas le contenu essentiel d’une compétence provinciale exclusive. À ce sujet, ces entrepreneurs ne doivent pas relever de la compétence fédérale pour créer une obligation auprès de l’appelante. Il n’est pas question de savoir si l’entrepreneur est devenu « fédéral » en raison de son intégration à une entreprise ou à une activité fédérale. Il faut simplement déterminer si l’entrepreneur exerce ses activités dans le « réseau » de transport fédéral, et cela seulement pour les fins de l’identification des obligations de l’appelante qui elle est assujettie à la règlementation fédérale.

Le TATC ajoute qu’il n’est aucunement question de légiférer au sujet des relations de travail des entrepreneurs. Le « Règlement précise l’étendue de la responsabilité imposée à l’appelante [ADM] de s’assurer que les employés et les entrepreneurs qui transigent avec le public ou qui prennent des décisions concernant le transport des personnes ayant une déficience reçoivent une formation adaptée aux besoins de leurs fonctions » (au para 51). Ainsi, le Règlement reste à l’intérieur de la compétence fédérale et il est aussi conforme à sa loi habilitante. De fait, rien n’empêche l’autorité provinciale, dit le TATC, de légiférer sur « les moyens de transport qui desservent l’afflux des passagers aux aéroports » (au para 53). C’est l’exploitant de terminal qui est l’objet du Règlement sous étude. À mon avis, la décision du TATC a rendu une décision qui était raisonnable en concluant que l’exercice de la délégation satisfaisait les conditions du vires.

[139] C’était bien évidemment à la demanderesse de réfuter la présomption de validité. Il n’a pas réussi dans cette entreprise.

VI. Conclusion

[140] Le pouvoir d’adopter des règlements en vertu de l’article 170 est très vaste. L’article parle en termes de « notamment » avant de noter des sujets que peuvent faire l’objet de règlementation : la liste n’est pas exhaustive. C’était au demandeur de démontrer que les alinéas de l’article 170, si tant qu’ils soient utiles, constituent une limitation malgré le texte de l’article qui est d’une large portée. Cela correspond à l’objectif de l’alinéa 5 d.1) de la Loi de rendre accessible le système de transport. Tel était son fardeau. Comme pour le reste, le demandeur ne semble pas accepter que l’obligation faite par Règlement n’est pas aux entrepreneurs mais bien à ADM.

[141] En fin de compte, le demandeur lance que les tribunaux administratifs n’ont pas procédé à une étude sérieuse du régime légal. C’est que, dit le demandeur, si cela avait été fait ils seraient arrivés à la bonne solution, celle préconisée par le demandeur. Je ne partage pas cette proposition par ailleurs tautologique.

[142] La plus grande difficulté qui se pose au demandeur est son postulat selon lequel la législation subordonnée vise à règlementer les activités d’entrepreneurs qui œuvrent sur les terrains et locaux du défendeur. La seule obligation qui soit faite est au demandeur qui ne s’en est pas acquittée. De là les violations reprochées à ADM. Les entrepreneurs ne sont responsables de rien. Le Service de transport de Montréal dessert l’aéroport exploité par ADM et si son personnel ne respecte par les personnes avec des déficiences, aucune sanction n’est imposée à ADM pour une formation adéquate qui n’aurait pas été suivie. L’obligation fait à ADM est étroite.

[143] L’exploitant de terminal qui veut offrir des services de navettes ou de louage de véhicules doit s’assurer que la formation a été reçue par les entrepreneurs avec qui il s’associe par contrat. Cette mesure règlementaire vise, dans les cas où le service est offert, à favoriser l’accès au système de transport par les personnes handicapées. Les arguments mis de l’avant par ADM ne permettent pas de conclure que le Règlement qui cible l’exploitant de terminal est ultra vires de pouvoir conféré par l’article 170 de la Loi, à la lumière de la Politique nationale.

[144] Contrairement aux allégations d’ADM, le TATC a procédé à son analyse pour se trouver en accord avec les motifs très détaillés et étayés de la Conseillère. ADM n’est pas d’accord. Quant à cette Cour, elle ne peut que constater que la décision sous étude est raisonnable. J’aurais conclu qu’elle est correcte si ce devait être la norme de contrôle. Sur la foi de Auer c Auer, il semble plutôt que la norme de la décision raisonnable devrait être retenue.

[145] Il en résulte que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[146] ADM a demandé des dépens à hauteur de 5 000 $. L’Office des transports quant à lui « s’en remet à la discrétion de la Cour relativement au caractère opportun des dépens accordés à l’Office » (mémoire des faits et du droit, au para 90). Dans ces circonstances, des dépens, incluant déboursés et taxes, de 5 000 $ sont accordés à l’Office des transports du Canada.


JUGEMENT au dossier T-2497-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Des dépens, incluant déboursés et taxes, au montant de 5 000 $ sont accordés à l’Office des transports du Canada.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2497-22

 

INTITULÉ :

AÉROPORTS DE MONTRÉAL c OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATES DES AUDIENCES :

LE 27 NOVEMBRE 2023;

le 26 MARS 2024;

LE 7 JUIN 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE Roy

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 mai 2025

 

COMPARUTIONS :

Me Elizabeth Cullen

Me Mathieu Quenneville

 

Pour la demanderesse

Me Gabrielle Fortier-Cofsky

Me Andray Renaud

Pour lA défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Prévost Fortin D’Aoust S.E.N.C.R.L.

Boisbriand (Québec)

 

Pour la demanderesse

Direction des services juridiques

Gatineau (Québec)

 

Pour lA défenderesse

 

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