Date : 20250609
Dossier : T-995-24
Référence : 2025 CF 1036
Ottawa (Ontario), le 9 juin 2025
En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond
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ENTRE : |
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MICHAEL MOREAU |
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demandeur |
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et |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (COMMISSARIAT À L’INFORMATION DU CANADA) |
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défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Se fondant sur l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, M, Moreau sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commissaire à l’information [la Commissaire] a refusé d’enquêter sur sa plainte au motif que l’institution fédérale visée n’avait jamais reçu sa demande d’accès à l’information. Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.
[2] Monsieur Moreau a présenté une demande d’accès à l’information à l’Administration portuaire de Port Alberni [l’APPA]. Il l’a envoyée par courriel à la boîte de messagerie générale de l’APPA (info@papa-appa.ca), à l’attention de Mme Dianna Stubbs. Sur la page « Confidentialité »
du site Web de l’APPA, sous la mention « Pour plus d’informations sur notre politique et nos pratiques de confidentialité, ou pour accéder à vos informations personnelles, veuillez contacter […] »
, Mme Stubbs était désignée comme la coordonnatrice de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels [l’AIPRP] de l’APPA.
Monsieur Moreau n’a jamais reçu de réponse. Il a ensuite déposé une plainte à la Commissaire au titre de l’article 30 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la Loi].
[3] La Commissaire a refusé d’enquêter sur la plainte de M. Moreau au motif que l’APPA n’avait jamais reçu sa demande. Dans une lettre adressée à M. Moreau, la Commissaire a fourni l’explication suivante :
[traduction]
D’après les renseignements que vous avez fournis dans votre plainte, le greffe constate que votre demande a été envoyée à l’adresse électronique info@papa-appa.ca. Cependant, le site Web de l’APPA fournit des instructions sur la façon de présenter une demande d’accès à l’information (https://www.papa-appa.ca/information/access-to-information). Vous ne les avez pas suivies, et l’APPA a déclaré ne pas avoir reçu votre demande d’accès. Puisque l’APPA n’a jamais reçu votre demande, le Commissariat à l’information ne peut enquêter sur votre plainte.
[4] La question déterminante en l’espèce est celle de savoir si les conclusions de la Commissaire sont raisonnables.
[5] Il est vrai que l’échange de courriels entre l’enquêteure du Commissariat à l’information et l’APPA, qui figure au dossier certifié du tribunal, donne l’impression que l’enquêteure aurait pu pousser plus loin sa remise en question de l’affirmation de l’APPA selon laquelle cette dernière n’avait jamais reçu la demande de M. Moreau. Cependant, les conclusions de fait appellent un degré élevé de retenue : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653 au paragraphe 125. Je ne suis pas convaincu que la conclusion de la Commissaire selon laquelle l’APPA n’avait pas reçu la demande de M. Moreau est déraisonnable.
[6] Monsieur Moreau ne nie pas qu’il n’a pas suivi les instructions sur le site Web de l’APPA pour la présentation d’une demande d’accès à l’information. Le nom de Mme Stubbs apparaissait sur une page qui ne portait pas sur l’accès à l’information. De plus, selon le paragraphe 4(1) du Règlement sur l’accès à l’information, DORS/83-507, toute demande doit être présentée au « fonctionnaire compétent »
, c’est-à-dire à la personne désignée conformément à l’alinéa 5(1)d) de la Loi. Selon la preuve, cette personne est l’actuel président-directeur général de l’APPA, mais M. Moreau ne lui a pas adressé sa demande. Il n’a pas non plus utilisé le portail centralisé de demandes d’AIPRP regroupant toutes les institutions fédérales. Par conséquent, il était raisonnable pour la Commissaire de conclure que M. Moreau n’avait pas suivi les instructions.
[7] Par ailleurs, M. Moreau soutient que la Commissaire n’a pas respecté les exigences de l’équité procédurale. Je ne suis pas de cet avis. Après avoir reçu sa plainte, la Commissaire lui a écrit pour lui demander des renseignements supplémentaires, qu’il lui a fournis. Selon le cadre d’analyse énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, l’obligation d’équité dans le cas de M. Moreau aurait de toute façon été minimale, d’autant plus que rien dans ce qui s’est passé n’a eu d’incidence sur son droit substantiel à l’accès à l’information.
[8] Dans son mémoire des faits et du droit, M. Moreau a présenté de longues observations sur la norme de contrôle et sur son droit à l’assistance d’un avocat aux frais de la Commissaire. Ces prétentions sont sans fondement. Il ne s’agit manifestement pas du type conflit de compétence entre deux organismes administratifs évoqué dans l’arrêt Vavilov au paragraphe 63. Pour ce qui est de l’assistance d’un avocat sans frais, comme M. Moreau n’en a jamais fait la demande à la Commissaire, il ne peut s’en plaindre dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de droit constitutionnel général à l’assistance d’un avocat au Canada : Colombie-Britannique (Procureur général) c Christie, 2007 CSC 21 aux paragraphes 23 et 25, [2007] 1 RCS 873; MS c Procureur général du Québec, 2023 QCCS 942 au paragraphe 14.
[9] Compte tenu de ma conclusion en l’espèce, il n’est pas nécessaire que je me penche sur la question de la réparation.
[10] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de M. Moreau sera rejetée. Les parties seront autorisées à présenter des observations écrites sur les dépens.
JUGEMENT dans le dossier T-995-24
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
- La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
- Le défendeur signifiera et déposera ses observations sur les dépens dans un document ne dépassant pas cinq pages, au plus tard 30 jours suivant la date du présent jugement.
- Le demandeur signifiera et déposera ses observations sur les dépens en réponse dans un document ne dépassant pas cinq pages, au plus tard 15 jours suivant la date de signification des observations du défendeur.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier : |
T-995-24 |
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INTITULÉ : |
MICHAEL MOREAU c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (COMMISSARIAT À L’INFORMATION DU CANADA) |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
TORONTO (ONTARIO) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 21 MAI 2025 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE GRAMMOND |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 9 JUIN 2025 |
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COMPARUTIONS :
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Michael Moreau |
POUR SON PROPRE COMPTE |
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Geneviève Tremblay-Tardif |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |