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Date : 20250611

Dossier : IMM-4810-24

Référence : 2025 CF 1042

Montréal (Québec), le 11 juin 2025

En présence de madame la juge Azmudeh

ENTRE :

MANAR HASSAN

ABED AL KADER BORGHOL

FATME BORGHOL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse principale, Manar Hassan ainsi que ses deux enfants mineurs [collectivement, les « Demandeurs »] sont des citoyens libanais et ont été déclarés interdits de territoire au Canada pendant cinq ans pour les fausses déclarations. La famille avait demandé des visas pour le rejoindre l'époux de la demanderesse principale et le père des enfants qui se trouvait déjà au Canada avec un permis de travail. La demanderesse principale a cherché un permis de travail ouvert et des visas de visiteurs pour les enfants.

[2] La demanderesse principale et les enfants n'étaient pas inclus dans la demande initiale du conjoint, car son emploi ne lui permettait pas d'atteindre le niveau de revenu minimum requis pour subvenir aux besoins d'une famille de quatre personnes. Cependant, l'employeur avait accepté d'augmenter son salaire et d'offrir un logement à la famille lorsqu'elle déménagerait au Canada.

[3] L'agent chargé d'examiner la demande a conclu que la famille avait délibérément exclu de la demande initiale de visa et que la demanderesse principale avait créé un faux contrat de travail et de faux documents pour faire croire que son époux gagnerait plus d'argent. L'agent a donc non seulement rejeté les demandes de visa, mais il a également conclu à de fausses déclarations sur un fait matériel qui aurait pu entraîner une erreur dans l'application de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. L'Agent a donc conclu que la demanderesse principale était interdite de territoire au Canada pour cinq ans en application de l'article 40 de la LIPR.

II. Faits pertinents

[4] Le 11 août 2023, la demanderesse principale a présenté une première demande de permis de travail ouvert dans le cadre du Programme de mobilité internationale. Des demandes de visas de résidents temporaires ont été déposées pour les enfants en tant qu’enfants mineurs cherchant à accompagner leurs parents au Canada.

[5] La demande de permis de travail a été refusée notamment aux motifs que la demanderesse principale n’avait pas fourni de preuve de l’emploi de son époux au Canada et pour insuffisance de fonds puisque le salaire allégué de 18 $ de l’heure de son époux qu’elle avait indiqué dans sa demande était trop bas. Le salaire a été jugé trop bas pour satisfaire l’exigence du revenu annuel minimum qui est nécessaire selon les Lignes directrices sur les seuils de faible revenu [SFR] pour subvenir aux besoins de leur famille au Canada et considérant qu’elle n’avait pas d’emploi au Canada. Alors, le 5 octobre 2023, les demandeurs ont déposé de nouvelles demandes pour obtenir des visas de résidents temporaires.

[6] Au soutien de sa nouvelle demande de permis de travail ouvert dans le cadre du Programme de mobilité internationale, les demandeurs ont fourni un nouveau contrat de travail avec une date prévue d’entrée en fonction de 1er octobre 2023 pour son époux afin de montrer, entre autres, qu’il gagnerait désormais un revenu beaucoup plus élevé, soit un salaire de 25 $ de l’heure.

[7] Le 14 novembre 2023, l’agent des visas leur a envoyé une lettre d'équité procédurale dans laquelle il faisait part de ses inquiétudes de fausses déclarations ou trompeuses concernant l'offre d'emploi et le salaire de l’époux. Le 20 novembre 2023, la partie demanderesse a répondu à la lettre d’équité procédurale en joignant plusieurs documents. Le 26 février 2024, toutes les demandes ont été à nouveau refusées. La demanderesse principale a été déclarée interdite de territoire pour fausses déclarations et interdite d'entrée au Canada pour une période de cinq ans. Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire de cette décision.

A. Cadre juridique : dispositions applicables de la LIPR

[8] Un étranger qui souhaite résider au Canada ou y séjourner doit, avant d'entrer au pays, présenter une demande de visa approprié. Le visa sera délivré si, après examen, l'agent des visas est convaincu que l'étranger satisfait aux exigences de la LIPR. Un visa ne peut être délivré que si l'agent est convaincu que l'étranger n'est pas interdit de territoire en vertu de l'article 11 de la LIPR. Voici les autres articles de la LIPR qui s'appliquent en l'espèce :

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Visa et documents

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

[…]

Application before entering Canada

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[…]

Obligation du demandeur

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

[…]

Obligation — answer truthfully

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[…]

Fausses déclarations

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

[…]

Misrepresentation

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[…]

[9] Un étranger qui souhaite entrer au Canada a un « devoir de candeur », qui l'oblige à divulguer les faits importants (He c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 33 au para 17). Les tribunaux ont reconnu l'importance de la divulgation complète par les demandeurs pour la bonne administration et l'équité du régime d'immigration.

[10] En vertu du paragraphe 40(1)a) de la LIPR, une personne est interdite de territoire au Canada si elle dissimule des faits importants relatifs à une question pertinente qui induisent ou pourraient induire une erreur dans l'application de la LIPR. Un étranger est interdit de territoire pour fausse déclaration directe ou indirecte, et la fausse déclaration doit être importante en ce sens qu'elle aurait pu induire une erreur dans l'application de la LIPR (LIPR, alinéa 40(1)a)).

[11] En évaluant le caractère raisonnable de la décision, la Cour reconnaît que le volume élevé de décisions en matière de visas est tel qu'il n'est pas nécessaire de fournir des motifs exhaustifs (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux paras 88 et 91; Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552, au para 13; Yuzer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 781 aux paras 9 et 16 [Yuzer]; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1298 aux paras 19-20). Néanmoins, les motifs invoqués par l'agent doivent, lorsqu'ils sont lus dans le contexte du dossier, expliquer et justifier de manière adéquate les raisons pour lesquelles la demande a été rejetée (Yuzer, aux paras 9 et 20; Hashemi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1562 au para 35; Vavilov, aux paras 86, 93 à 98).

[12] Plus important encore, comme souligné dans l'arrêt Vavilov, la CSC a confirmé que le niveau d'équité procédurale doit être proportionnel aux conséquences potentielles pour les demandeurs, tout en influençant l'approche adoptée pour l'examen de la raisonnabilité. Par conséquent, la Cour s'attend à ce qu'il y ait une réceptivité adéquate à la preuve présentée :

[133] Il est bien établi que les individus ont droit à une plus grande protection procédurale lorsque la décision sous examen est susceptible d’avoir des répercussions personnelles importantes ou de leur causer un grave préjudice : Baker, par. 25. Toutefois, ce principe a également une incidence sur la manière dont une cour de justice effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Le point de vue de la partie ou de l’individu sur lequel l’autorité est exercée est au cœur de la nécessité d’une justification adéquate. Lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux. Le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné. Cela vaut notamment pour les décisions dont les conséquences menacent la vie, la liberté, la dignité ou les moyens de subsistance d’un individu.

[134] En outre, les préoccupations relatives à l’arbitraire sont généralement plus prononcées dans les cas où la décision a des conséquences particulièrement graves ou sévères pour la partie visée et le défaut de traiter de ces conséquences peut fort bien se révéler déraisonnable. Par exemple, notre Cour a statué qu’au moment d’exercer sa compétence en equity pour ordonner un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la section d’appel de l’immigration devait tenir compte des difficultés que risque de connaître la personne concernée à l’étranger par suite de son expulsion : Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 R.C.S. 84.

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (CanLII) aux paras 133 à 134.

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]

Fausses déclarations

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

[…]

Application

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

a) l’interdiction de territoire court pour les cinq ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction.

 

Misrepresentation

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[…]

Application

(2) The following provisions govern subsection (1):

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of five years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

(b) paragraph (1)(b) does not apply unless the Minister is satisfied that the facts of the case justify the inadmissibility.

 

Inadmissibilité familiale

42 (1) Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

b) accompagner, pour un membre de sa famille, un interdit de territoire.

 

Inadmissible family member

42 (1) A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if

(a) their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non-accompanying family member is inadmissible; or

(b) they are an accompanying family member of an inadmissible person.

 

III. Questions en litige et norme de contrôle

[13] Les parties soutiennent, et je conviens, que la question principale pourrait se résumer à la question de savoir si la décision de l'Agent était raisonnable (Vavilov, aux paras 12 à13, 15).

[14] Une décision raisonnable est une décision qui repose sur un raisonnement cohérent et rationnel et qui est justifiée par rapport aux faits et au droit qui contraignent le décideur (Vavilov, au para 85). La cour d'appel doit s'assurer que la décision est justifiable, intelligible et transparente (Vavilov, au para 95). Les décisions justifiables et transparentes tiennent compte des questions et préoccupations essentielles soulevées dans les observations présentées par les parties au décideur (Vavilov, au para 127).

IV. Analyse

A. Question préliminaire : nouvelles preuves

[15] À l'appui de leur demande, les demandeurs ont tenté de présenter au contrôle judiciaire des éléments de preuve qui n'avaient pas été soumis à l'agent des visas. Il s'agit notamment d'affidavits de l'employeur et du conjoint, et ils font valoir que ces nouveaux éléments de preuve fournissent au tribunal un contexte qui lui permet de mieux comprendre l'expertise de l'agent des visas. Ils soutiennent donc que ces nouveaux éléments de preuve doivent être admis.

[16] Comme je l'ai constaté dans l'affaire Ganesh c Canada (Procureur général), 2023 CF 1405 aux paras 17 à 19, le rôle de la Cour, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, consiste à examiner le dossier dont disposait le décideur administratif, et ce afin de déterminer si la décision de ce dernier était raisonnable et conforme à l’équité procédurale compte tenu du contexte juridique et factuel de l’affaire en cause. Par conséquent, la Cour ne doit pas tenir compte des documents auxquels le décideur n’avait pas accès sauf si des circonstances exceptionnelles le justifient (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 19 [Association des universités]).

[17] Dans l’arrêt Association des universités, la Cour d’appel fédérale a reconnu, aux paras 19 et 20, qu’il y avait trois exceptions à cette règle générale, à savoir lorsque de nouveaux éléments de preuve : 1) contiennent des renseignements généraux et contextuels; 2) répondent à des manquements à l’équité procédurale; 3) font ressortir le fait que le décideur administratif ne disposait d’aucune preuve.

[18] Dans le cas présent, la lettre d'équité procédurale indiquait clairement les préoccupations de l'agent, et les demandeurs ont convenu que ces préoccupations avaient été clairement communiquées. Par conséquent, il n'y avait aucune raison de ne pas fournir suffisamment de contexte à l'agent pour l'aider à interpréter les documents. En fait, la demanderesse principale a commenté la situation au Liban dans le contexte de sa demande d'accélération de la procédure. Je suis d'accord avec le défendeur que les demandeurs n'ont pas satisfait aux exceptions prévues dans la jurisprudence pour admettre la nouvelle preuve.

B. La décision est-elle raisonnable ?

[19] Dans le cas présent, l'agent a en effet conclu que le nouveau contrat de travail de l'époux de la demanderesse principale, qui indiquait un taux horaire de 25 $ au lieu de 18 $, n'était pas authentique et, par conséquent, il a conclu que les demandeurs n'avaient pas accès à des fonds suffisants. Dans les notes qui constituent les motifs, la seule raison invoquée par l'agent pour conclure que le contrat n'était pas authentique était qu'il n'y avait aucune raison logique (à son avis) pour que l'époux se voie offrir un salaire plus élevé. Puis, dans un raisonnement circulaire, l'agent a conclu que le fait de fournir des renseignements faux et trompeurs et des documents non authentiques avait une incidence négative sur la crédibilité globale de la demanderesse principale.

[20] Je trouve que l'agent a substitué sa propre conclusion d'invraisemblance pour nier l'authenticité du contrat de travail, même si ce même contrat offrait également un logement potentiel, ainsi que la lettre du consultant indiquant qu'il prendrait effet après l'arrivée de la famille. Je considère que la conclusion d'invraisemblance de l'agent, qui était fondée sur ses spéculations et non sur des preuves, est du type dangereux contre lequel le juge Norris a mis en garde à juste titre dans l'affaire Zaiter c Canada, 2019 CF 908, au para 8 :

[8] Il est possible de tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en fonction de l’invraisemblance du récit d’un demandeur, mais le droit établit clairement que les inférences de ce genre sont dangereuses en soi et que la prudence s’impose avant de tirer de telles inférences. La nécessité d’agir avec prudence est évidente. Les conclusions d’invraisemblance qui reposent sur le sens commun ou l’expérience commune peuvent s’avérer totalement erronées lorsque le « sens commun » ou l’« expérience commune » en question est fondé sur des normes sociales ou culturelles qui ne s’appliquent pas dans l’affaire en cause (Leung c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 8 ACF 303, à la p. 307 (CFPI); Bains c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 63 ACF 312, à la p. 314 (CFPI); Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 937, au par. 15). De plus, lorsqu’une inférence est tirée à partir d’une expérience passée, la fréquence à laquelle des événements analogues se sont produits par le passé peut aider à établir la probabilité que ledit événement se soit bel et bien produit. L’exactitude du résultat de cette démarche repose sur de nombreux facteurs, dont la représentativité de l’échantillon et la possible évolution des conditions. De plus, le simple fait qu’un événement soit peu probable à la lumière de l’expérience passée ne signifie pas qu’il ne s’est pas produit (ou qu’il n’aurait pas pu se produire). Par conséquent, dans la décision Valtchev c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CAF 161 (CanLII), 2001 ACF 776 [Valtchev], le juge Muldoon a affirmé dans des remarques souvent reprises (au par. 7) qu’un tribunal « ne peut […] conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend » (non souligné dans l’original). Comme l’a souligné le juge Gleason dans la décision Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155, au par. 10 [Zacarias], « la Cour a souvent fait la mise en garde de ne tirer de telles conclusions que dans les situations où il est clairement invraisemblable que les faits se soient produits comme le témoin le prétend, à la lumière du bon sens ou du dossier de preuve » (non souligné dans l’original). Par conséquent, une affirmation peut être considérée comme invraisemblable « si cette affirmation est dénuée de sens à la lumière de la preuve déposée » (Zacarias, au par. 11).

[21] La réponse à la lettre relative à l'équité procédurale fournissait également des informations sur les économies en espèces du mari, d'un montant de 25 000 dollars américains, accompagnées d'une déclaration notariée concernant ces fonds. Cependant, l'agent a rejeté l'ensemble de la réponse à la lettre relative à l'équité procédurale au motif que « l'attestation fournie n'est pas une forme de preuve acceptable. Dans l'ensemble, les preuves fournies pour justifier les fonds et les changements d'emploi/de salaire invoqués ci-dessus, fondés sur l'arrivée de la famille, sont insuffisantes ». Si l'agent souhaite rejeter les preuves, il doit motiver sa décision, en particulier dans le contexte d'un organe décisionnel administratif qui n'est pas lié par les règles formelles en matière de preuve.

[22] Lorsque j'ai demandé à l'avocat du défendeur de m'expliquer les éléments de preuve ou l'interprétation qui ne corroborent pas la conclusion spéculative de l'agent, le défendeur a invoqué la date d'entrée en vigueur du contrat de travail, soit le 1 octobre 2023. Cependant, ce n'est pas la raison pour laquelle l'agent a rejeté le contrat. En fait, l'agent n'a soulevé aucune objection quant à la date. C'est le défendeur qui a substitué sa propre logique à ce qu'il aurait souhaité que l'agent dise. Une décision raisonnable est une décision dont les motifs fournissent un raisonnement clair, sans spéculation supplémentaire de la part des parties ou de la Cour. En l'espèce, l'agent a simplement jugé invraisemblable que l'employeur accepte d'augmenter le salaire du mari. C'est précisément cette rupture dans le raisonnement que Vavilov met en garde contre.

[23] Compte tenu notamment des conséquences importantes qu'entraîne la constatation d'une fausse déclaration, à savoir l'interdiction de présenter une nouvelle demande pendant cinq ans, il incombe tout particulièrement aux agents de fournir des motifs qui ne soient pas spéculatifs et qui répondent aux arguments présentés.

[24] En raison de cette conclusion clé sur la plausibilité seule, l'ensemble du raisonnement est déraisonnable.

V. Conclusion

[25] Le recours en contrôle judiciaire est accueilli et l'affaire est renvoyée pour être examinée par un nouvel agent.

[26] Il n'y a aucune question pour certification.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4810-24

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. Le recours en contrôle judiciaire est accueilli et l'affaire est renvoyée pour être examinée par un nouvel agent.
  2. Il n'y a aucune question pour certification.

blanc

« Negar Azmudeh »

blanc

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-4810-24

INTITULÉ :

MANAR HASSAN ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 JUIN 2025

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE AzMUDEH

DATE DES MOTIFS :

Le 11 JUIN 2025

COMPARUTIONS :

Me Rym Jawad

Pour les demandeurs

Me Evan Liosis

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RJK Avocat

Montréal (Québec)

Pour les demandeurs

Ministère de la Justice Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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