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Date : 20250619


Dossier : IMM-9538-24

Référence : 2025 CF 1110

Ottawa (Ontario), le 19 juin 2025

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

YANICK WAMBA

partie demander

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

partie défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, un citoyen du Cameroun, a déposé une demande de permis de travail auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] après avoir reçu et signé une offre d’emploi et obtenu une étude d’impact sur le marché du travail favorable.

[2] Le 10 mai 2024, après avoir précédemment envoyé une lettre d’équité procédurale détaillant ses préoccupations quant à l’authenticité des documents, l’agent d’IRCC a rejeté la demande de permis de travail pour fausses déclarations, entrainant ainsi, pour le demandeur, une interdiction de territoire de cinq ans aux termes de l’alinéa 40(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] à l’appui de la décision de l’agent sont brèves :

22/04/2024 09:25

Document(s): edoc 629159396 [Dangote Pay Slips – DCT pdf pp 42-45 (Nov 2022-May 2023)] edoc 629157060

pages1-2 [reference letters from Dangote and Entreprises de transports des hydrocarbures (ETH) – DCT pdf pp 37-38]. The document was found to be

altered/manipulated by the reviewing officer.

Materiality: This misrepresentation is material as it

directly relates to R220 - the applicant's ability to pay for

their proposed program of studies. […] A

procedural fairness letter was sent to the applicant. The

applicant responded by providing a bank statement

showing salary payments has his CNPS history of

salary. The applicant's response does not disabuse me

of my concerns - I attempted to verify his matricule in

the CNPS on-line database and despite three different

variations of entering his name, he was not found. The

applicant is responsible for ensuring that all the

information submitted in their application is truthful,

complete, and accurate and that all documents

submitted are genuine. […] File

has been recommended for misrep. To delegated

authority for A40 decision.

10/05/2024 14:10

Application reviewed. The following documents were provided by the PA in support of the application: -Pay slips and Employment Reference letters These documents were verified and confirmed fraudulent. A procedural fairness letter outlining concerns regarding the authenticity of the document were sent to the PA. However, in response, the PA submitted additional documents which also raise concerns of authenticity. Upon review of the information on file, I am satisfied that the PA submitted fraudulent documentation and misrepresented their background and establishment in the country of residence. This is a material fact relating to a relevant matter that could have induced an error in the administration of the Act, namely the assessment of the PA's ability to undertake the proposed work in Canada. I am therefore refusing this application under paragraph 40(1)(a) of the IRPA.

[Je souligne.]

[3] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent au titre du paragraphe 72(1) de la LIPR. En particulier, il soutient que l’agent a commis une erreur de fait en concluant à la non-authenticité de la preuve soumise à l’appui de la demande. De plus, il fait valoir que l’agent n’a pas respecté le principe d’équité procédurale en tirant des conclusions négatives sur la crédibilité du demandeur sans offrir à celui-ci l’occasion d’y répondre.

[4] Le défendeur soutient que la décision est raisonnable, affirmant que le demandeur n’a fourni aucune explication concernant les préoccupations de l’agent et, surtout, en ce qui a trait à l’impossibilité, pour l’agent, de confirmer le numéro matricule du demandeur dans la base de données de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale [la CNPS].

[5] La norme de la décision raisonnable s’applique lors du contrôle judiciaire de la décision de l’agent. Comme l’enseigne la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la décision est raisonnable lorsqu’elle est, dans son ensemble, transparente, intelligible et justifiée (au para 15).

[6] Lorsqu’elle se penche sur des questions d’équité procédurale, la Cour n’applique aucune norme de contrôle à proprement parler. Plutôt, la Cour se demande « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54). Ainsi, cet exercice de contrôle s’apparente à un contrôle selon la norme de la décision correcte.

[7] J’estime que le demandeur a démontré que la décision de l’agent est déraisonnable.

[8] Le demandeur a répondu à la lettre d’équité procédurale en fournissant d’autres éléments de preuve afin de corroborer son statut d’employé, y compris une note explicative de son employeur et une attestation de la CNPS du Cameroun confirmant qu’il était un employé de l’entreprise.

[9] L’agent déclare avoir vérifié les fiches de paie ainsi que les lettres de recommandation et confirmé qu’elles étaient frauduleuses, et avoir constaté que les documents fournis en réponse à la lettre d’équité procédurale avaient été altérés/falsifiés, mais il ne précise pas les éléments sur lesquels se fonde cette conclusion. L’examen de l’ensemble du dossier certifié du tribunal ne permet également pas de cerner le fondement de la conclusion selon laquelle ces documents sont frauduleux, car rien, au vu même des documents, ne suggère que tel est le cas.

[10] L’agent affirme ne pas avoir été en mesure de vérifier le numéro matricule du demandeur dans la base de données en ligne de la CNPS, mais cette affirmation n’explique pas le fondement de la conclusion selon laquelle tous les documents relatifs aux antécédents professionnels du demandeur ont été altérés ou falsifiés. Je reconnais que les agents des visas disposent d’un large pouvoir discrétionnaire et que leur obligation de fournir des motifs est minime. Néanmoins, le pouvoir discrétionnaire a ses limites et les motifs que les agents fournissent doivent, au minimum et en tenant compte du contexte, démontrer un processus de raisonnement clair. En l’espèce, la décision ne peut être qualifiée de raisonnable puisqu’elle ne satisfait pas aux exigences de transparence, d’intelligibilité et de justification énoncées dans l’arrêt Vavilov.

[11] Ayant déterminé que la décision est déraisonnable, je ne suis pas tenu d’examiner les arguments relatifs à l’équité procédurale qui ont été soulevés.

[12] La demande est accueillie. Les parties ne proposent aucune question grave de portée générale à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-9538-24

LA COUR STATUE :

  1. La demande est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre décideur.

  3. Aucune question n’est certifiée.

 

« Patrick Gleeson »

blanc

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9538-24

 

INTITULÉ :

YANICK WAMBA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 juin 2025

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 juin 2025

 

COMPARUTIONS :

Hervé Ndedi Penda

 

Pour la partie demandeUr

 

Zoé Richard

 

pour la partie dÉfendeUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hervé Ndedi Penda

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demandeUr

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour lA partie défendeUr

 

 

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