Date : 20250620
Dossier : IMM-1069-24
Référence : 2025 CF 1117
Montréal (Québec), le 20 juin 2025
En présence de monsieur le juge Gascon
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ENTRE : |
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OLGA JUDITH CANELAS GALINDO |
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Partie demanderesse |
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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Partie défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse, Olga Judith Canelas Galindo, est une citoyenne du Honduras. Elle sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 18 décembre 2023 [Décision] dans laquelle la Section de la protection des réfugiés [SPR] a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger, aux termes des articles 96 et 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. La SPR a rejeté la demande de Mme Galindo en raison de son manque de crédibilité et de l’existence d’une possibilité de refuge interne [PRI] dans la ville de Roatán.
[2] Mme Galindo soutient que la SPR aurait erré dans l’analyse de sa crédibilité, notamment en commettant les erreurs suivantes : (i) en lui reprochant son omission de mentionner, dans son formulaire de « Fondement de la demande d’asile »
[FDA], qu’elle craignait la persécution au Honduras basée sur son genre et en appréciant erronément la preuve objective relative aux violences fondées sur le genre au Honduras; (ii) en refusant de croire qu’elle avait été personnellement ciblée lors d’un enlèvement express dans un taxi collectif; et (iii) en tirant une inférence négative à l’égard de son défaut de demander l’asile aux États-Unis.
[3] Mme Galindo soumet également que l’analyse de la SPR concernant la PRI à Roatán est déraisonnable. Selon Mme Galindo, la SPR aurait erré en jugeant que ses agents de préjudice n’auraient ni la capacité ni la volonté de la retrouver à Roatán et en concluant qu’elle pourrait raisonnablement s’y relocaliser.
[4] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de Mme Galindo sera rejetée. Après avoir examiné les motifs et les conclusions de la SPR, la preuve dont elle disposait et le droit applicable, la Cour n’est pas convaincue que, dans les circonstances, la conclusion de la SPR sur l’absence générale de crédibilité de Mme Galindo peut être qualifiée de déraisonnable. De plus, la SPR a raisonnablement conclu que Mme Galindo peut se prévaloir d’une PRI viable à Roatán. En somme, la Décision ne comporte aucune lacune grave qui nécessiterait l’intervention de la Cour.
II. Contexte
A. Les faits
[5] Mme Galindo est une femme du Honduras âgée de 35 ans. Au Honduras, Mme Galindo travaillait pour un organisme venant en aide aux personnes vulnérables. Dans le cadre de ce travail, elle coordonnait un projet fournissant de la nourriture aux enfants inscrits dans les écoles publiques d’Intibucá, un département très pauvre du pays. La population d’Intibucá a grandi rapidement à la suite de deux ouragans, ce qui a augmenté la situation d’insécurité alimentaire dans la région.
[6] En novembre 2020, des parents commencent à exiger de Mme Galindo qu’ils reçoivent la nourriture du projet, même si leurs enfants ne sont pas inscrits à l’école. Certains parents se seraient fâchés contre Mme Galindo en la blâmant pour le refus de leur fournir de la nourriture. Mme Galindo aurait alors reçu des menaces de la part de certains parents. Craignant pour sa sécurité, elle quitte Intibucá le 3 janvier 2021 pour aller vivre chez ses parents à Tegucigalpa, la capitale du Honduras. Elle est congédiée de son poste à la suite de son départ.
[7] Le 18 mars 2021, Mme Galindo est dans un taxi collectif à Tegucigalpa lorsque deux hommes entrent et brandissent une arme à feu. Un des hommes l’aurait alors menacée en faisant allusion au fait qu’elle les aurait laissés affamés et qu’elle ne pouvait pas se cacher. Les bandits auraient utilisé sa carte bancaire pour voler de l’argent de son compte bancaire et l’auraient libérée par la suite. Mme Galindo porte plainte aux autorités par la suite mais, selon elle, la police n’aurait pas inclus tous les détails qu’elle avait relatés dans sa plainte et aurait refusé de modifier le document.
[8] À l’époque, Mme Galindo détient un visa de visiteur valide pour les États-Unis. Le 15 avril 2021, elle décide de quitter le Honduras pour aller à Los Angeles, où elle demeure chez une amie. Elle ne réclame pas l’asile aux États-Unis.
[9] Deux mois plus tard, le 11 juin 2021, Mme Galindo arrive au Canada et y demande l’asile.
B. La Décision de la SPR et l’appel à la SAR
[10] Le 18 décembre 2023, la SPR rejette la demande d’asile de Mme Galindo, concluant que les facteurs déterminants sont l’absence de crédibilité et l’existence d’une PRI à Roatán.
[11] Au niveau de la crédibilité, la SPR juge que Mme Galindo n’était pas crédible pour plusieurs raisons, lesquelles, lorsque considérées dans leur totalité, justifient une conclusion générale d’absence de crédibilité. Premièrement, la SPR conclut que Mme Galindo n’avait pas établi une possibilité sérieuse de persécution en raison de son genre, notamment parce qu’elle avait omis de mentionner dans son FDA qu’elle craignait la persécution au Honduras sur cette base. De plus, la SPR détermine qu’il n’y avait pas assez de preuves objectives sur les féminicides non reliés à la violence domestique au Honduras. Deuxièmement, la SPR ne croit pas que Mme Galindo avait été personnellement ciblée lors de l’enlèvement express dans le taxi collectif. La SPR fonde cette conclusion sur l’absence d’une lettre de son employeur confirmant les menaces qui lui aurait été proférées à Intibucá et l’absence de corroboration, dans le rapport de police, au sujet des menaces personnalisées qui lui aurait alors été adressées par les bandits. Troisièmement, la SPR détermine que le défaut par Mme Galindo de demander l’asile aux États-Unis pendant les deux mois où elle y a séjourné est un comportement incompatible avec sa crainte subjective alléguée.
[12] En ce qui concerne la PRI, la SPR conclut subsidiairement que Mme Galindo bénéficiait d’une PRI à Roatán. La SPR est d’avis que Mme Galindo n’a pas démontré que ses présumés persécuteurs auraient l’intérêt ou la capacité de la retrouver à Roatán, et que, dans les circonstances, il serait déraisonnable pour elle de déménager à cet endroit.
[13] Le 28 décembre 2023, Mme Galindo dépose un avis d’appel de la Décision auprès de la Section d’appel des réfugiés [SAR]. Cependant, le 12 janvier 2024, la SAR rejette l’appel de Mme Galindo pour défaut de compétence, car elle détermine qu’aucun appel de la Décision ne peut être interjeté au titre de l’alinéa 110(2)d) de la LIPR.
C. La norme de contrôle
[14] Il est bien établi que la norme de la décision raisonnable s’applique en ce qui regarde les conclusions de la SPR en matière de crédibilité (Mokoko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 815 au para 12 [Mokoko]; Regala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 192 au para 5; Janvier c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 142 au para 17; Yuan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 755 au para 13). De même, il est tout aussi établi que la norme de la décision raisonnable s’applique également aux conclusions concernant l’existence d’une PRI viable (Gonzalez Vargas v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 419 au para 19 [Gonzalez Vargas]; Valencia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 386 au para 19 [Valencia]; Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 81 au para 14; Ambroise c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 62 au para 6; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 350 au para 17 [Singh 2020]).
[15] D’ailleurs, le cadre d’analyse relatif au contrôle judiciaire du mérite d’une décision administrative est maintenant celui fixé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 7 [Mason]). Ce cadre d’analyse repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit désormais la norme applicable dans tous les cas.
[16] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle »
et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
(Mason au para 64; Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité »
(Vavilov au para 99, citant notamment Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 74).
[17] Il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur administratif « doit également, au moyen de ceux-ci,
justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique »
[en italique dans l’original] (Vavilov au para 86). Ainsi, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse tant au résultat de la décision qu’au raisonnement suivi (Vavilov au para 87). L’exercice du contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit comporter une évaluation rigoureuse des décisions administratives. Toutefois, dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit adopter une méthode qui « s’intéresse avant tout aux motifs de la décision »
, examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse »
, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Mason aux para 58, 60; Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif »
(Vavilov au para 13). La norme de la décision raisonnable, la Cour le souligne, tire toujours son origine du principe de la retenue judiciaire et de la déférence, et elle exige des cours de révision qu’elles témoignent d’un respect envers le rôle distinct que le législateur a choisi de conférer aux décideurs administratifs plutôt qu’aux cours de justice (Mason au para 57; Vavilov aux para 13, 46, 75).
[18] Il incombe à la partie qui conteste une décision de prouver qu’elle est déraisonnable. Pour annuler une décision administrative, la cour de révision doit être convaincue qu’il existe des lacunes suffisamment graves pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov au para 100).
III. Analyse
A. La Décision de la SPR sur la crédibilité est raisonnable
[19] Mme Galindo soutient d’abord que la SPR aurait erré dans l’analyse de sa crédibilité, et ce, à trois égards.
[20] Premièrement, Mme Galindo soumet que la SPR aurait erré dans l’étude de ses allégations de persécution basée sur le genre. La SPR aurait erronément tiré une inférence négative en raison de son omission de mentionner dans son FDA qu’elle craignait la persécution au Honduras basée sur son genre. Se fondant sur la décision Duversin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 466 [Duversin], Mme Galindo plaide qu’il n’incombe pas aux demandeurs d’asile d’identifier les motifs de persécution, mais plutôt à la SPR d’évaluer s’ils satisfont les critères. Mme Galindo allègue que la SPR aurait omis de considérer les « indices »
dans son FDA sous-entendant une persécution fondée sur le genre. Mme Galindo maintient également que, dans son analyse de la preuve objective, la SPR aurait omis de reconnaître que les femmes éduquées et célibataires — et non seulement les femmes en couple — peuvent aussi être victimes de violence fondée sur le sexe au Honduras et qu’en errant ainsi, la SPR aurait contrevenu aux Directives numéro 4 du président : Considérations liées au genre dans les procédures devant la CISR [Directives].
[21] Deuxièmement, Mme Galindo maintient qu’il était déraisonnable pour la SPR de rejeter les explications qu’elle a présentées pour justifier, d’une part, l’absence de preuves de son employeur pour corroborer les menaces proférées contre elle à Intibucá et, d’autre part, l’omission de la police de mentionner les menaces personnalisées dans son rapport sur l’enlèvement express dans le taxi collectif à Tegucigalpa.
[22] Troisièmement, Mme Galindo soutient que la SPR aurait erré en concluant qu’elle n’avait pas fourni de réponses crédibles sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas demandé l’asile aux États-Unis. Elle plaide qu’il est de jurisprudence constante que tenter d’être réuni avec sa famille — ici, son frère — est un motif valable pour un étranger de ne pas demander l’asile à la première occasion (Alekozai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 158 au para 12 [Alekozai]). Elle souligne aussi qu’elle n’avait aucune crainte de déportation aux États-Unis puisqu’elle détenait un visa valide pour ce pays. Elle affirme enfin qu’il était raisonnable pour elle de croire que les lois américaines en matière d’asile étaient moins favorables que celles au Canada.
[23] La Cour n’est pas convaincue par les arguments de Mme Galindo.
(1) Principes généraux sur l’analyse de la crédibilité
[24] Il est utile de commencer par résumer les principes fondamentaux régissant la manière dont la SPR doit évaluer la crédibilité des demandeurs d'asile. Pour ce faire, la Cour ne peut faire mieux que de reproduire l’essentiel des passages du soussigné dans Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 aux paragraphes 21–23 et 25–26 [Lawani].
[25] En premier lieu, lorsqu’ils jurent que certaines allégations sont véridiques, les demandeurs d’asile sont présumés dire la vérité (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1979 CanLII 4098 (CAF), [1980] 2 CF 302 (CAF) au para 5). Toutefois, cette présomption de véracité n’est pas incontestable, et le manque de crédibilité d’un demandeur peut suffire à la réfuter. Par exemple, la présomption est réfutable lorsque la preuve ne concorde pas avec le témoignage sous serment d’un demandeur d’asile (Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 666 au para 11, citant Adu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] ACF no 114 (CAF) (QL)), ou lorsque la SPR n’est pas satisfaite de l’explication fournie par le demandeur pour ces incohérences (Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 183 au para 19).
[26] En deuxième lieu, même si elles peuvent être insuffisantes lorsqu’elles sont examinées une à une ou isolément, l’accumulation de contradictions, d’incohérences et d’omissions concernant des éléments cruciaux d’une demande d’asile peut appuyer une conclusion négative sur la crédibilité d’un demandeur (Sary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178 au para 19; Quintero Cienfuegos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1262 au para 1). La Cour s’arrête un instant pour souligner l’énoncé bien reconnu selon lequel la SPR est la mieux placée pour évaluer la crédibilité d’un demandeur, puisqu’elle a l’avantage d’entendre son témoignage (Jin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 595 au para 10).
[27] En troisième lieu, la SPR ne peut fonder une conclusion défavorable quant à la crédibilité sur des contradictions mineures qui sont secondaires ou accessoires à la demande d’asile. Le décideur ne doit pas effectuer une analyse trop détaillée ou trop zélée de la preuve. En d’autres mots, ce ne sont pas toutes les incohérences et invraisemblances qui justifient une conclusion défavorable quant à la crédibilité; une telle conclusion ne devrait pas se fonder sur un examen « microscopique »
de questions sans pertinence ou périphériques eu égard à la demande d’asile (Attakora c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 NR 168 (CAF) au para 9; Cooper c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 118 au para 4 [Cooper]).
[28] En quatrième lieu, les conclusions sur la crédibilité ne doivent pas être fondées strictement sur l’absence de preuve corroborante (Ndjavera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 452 au para 6 [Ndjavera]). Toutefois, lorsqu’il y a une raison valable de remettre en question la crédibilité d’un demandeur, d’autres conclusions défavorables peuvent être tirées à l’égard de la crédibilité s’il est incapable de fournir une explication de l’absence de preuve corroborante raisonnablement attendue (Ndjavera au para 7). Lorsque des éléments de preuve corroborants devraient raisonnablement être disponibles pour établir les éléments essentiels d’une demande d’asile et qu’il n’y a pas d’explication raisonnable de leur absence, le décideur peut tirer une conclusion défavorable à l’égard de la crédibilité en se fondant sur l'absence d’efforts de la part du demandeur pour obtenir ces éléments de preuve corroborants (Ismaili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 84 aux para 33, 35 [Ismaili]).
[29] Enfin, la SPR a également le droit de tirer des conclusions au sujet de la crédibilité d’un demandeur en se fondant sur des invraisemblances, le bon sens et la rationalité. Elle peut rejeter une preuve si celle-ci est incompatible avec les probabilités touchant l’ensemble de l’affaire ou si elle est marquée par des incohérences (Shahamati c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] ACF no415 (CAF) (QL) au para 2; Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1379 au para 25; Yin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 544 au para 59; Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 116 au para 10 [Lubana]). Une conclusion d’invraisemblance doit cependant être rationnelle, tenir compte des différences culturelles et être clairement exprimée (Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319 au para 44 [Rahal]). Les conclusions et les inférences de la SPR sur la crédibilité d’un demandeur d’asile doivent toujours demeurer raisonnables et l’analyse doit être formulée dans des « termes clairs et non équivoques »
(Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 1991 CanLII 14469 (FCA), 130 NR 236 (CAF) au para 6 [Hilo]; Cooper au para 4; Lubana au para 9). Parmi les situations où il est possible de tirer des conclusions d’invraisemblance, mentionnons lorsque le témoignage du demandeur déborde le cadre de ce à quoi on pourrait raisonnablement s’attendre, ou lorsque les éléments de preuve documentaire démontrent que les événements n’auraient pas pu se produire comme il est allégué. Inversement, le simple fait de « jeter un doute »
sur la crédibilité de la preuve sera insuffisant, car la SPR doit expliquer pourquoi la crédibilité est minée en ayant recours à des termes qui sont plus que vagues et généraux (Hilo au para 6).
(2) La persécution basée sur le genre
[30] Après analyse, la Cour conclut que la SPR a raisonnablement jugé non crédible la crainte de persécution fondée sur le genre de Mme Galindo, car elle n’était nullement indiquée dans son FDA et ne pouvait pas non plus s’inférer de la trame factuelle relatée. La Cour note toutefois que l’appréciation qu’a faite la SPR de la preuve documentaire sur les féminicides au Honduras est erronée.
(a) L’omission au FDA
[31] Il est bien établi que tous les faits importants du récit d’un demandeur d’asile doivent apparaître au FDA et que l’omission de les inclure peut conséquemment porter un coup fatal à la crédibilité d’une demande d’asile (Rodriguez Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 426 au para 41; Allanah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 408 au para 63 [Allanah]; Zamor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 672 au para 14; Occilus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 374 au para 25).
[32] À la fin de son témoignage et en réponse aux questions de son avocate, Mme Galindo a allégué, pour la toute première fois, qu’elle avait été touchée sans son consentement au Honduras et qu’elle craignait d’être persécutée en raison de son genre dans ce pays. Comme l’a noté la SPR, cette crainte ne figure cependant pas dans son FDA et n’a pas été mentionnée dans son témoignage en réponse aux questions de la SPR, à l’exception de la crainte d’une agression sexuelle en raison du refus d’obtempérer aux demandes de ses agents de préjudice.
[33] La SPR a demandé à Mme Galindo pourquoi cette allégation était divulguée si tard dans le processus et n’était pas incluse dans son FDA, mais elle ne le savait pas. Elle a affirmé que le motif principal de sa demande était plutôt sa crainte à l’égard des parents d’Intibucá en raison de son travail. Mme Galindo n’a pas non plus pu répondre à la question de la SPR lui demandant si elle aurait quitté le Honduras si elle n’avait pas été menacée par ses agents de préjudice — soit, les parents — dans le cadre de son travail.
[34] La Cour est d’accord avec le Ministre que l’allégation que Mme Galindo craindrait pour sa vie et sa sécurité au Honduras en raison de son genre n’est pas un simple détail anodin, mais plutôt un élément central de sa crainte alléguée de retour.
[35] Il est vrai qu’il n’incombe pas aux demandeurs d’asile d’identifier les motifs de persécution, mais qu’il appartient plutôt à la SPR d’évaluer s’ils satisfont les critères de la Convention (Canada (Procureur général) c Ward, 1993 CanLII 105 (CSC), [1993] 2 RCS 689 à la p 745 [Ward]; Duversin au para 34). Cependant, l’arrêt Ward n’écarte pas le principe selon lequel la détermination des motifs de persécution doit être faite en fonction des faits allégués par les demandeurs. Il incombe ainsi aux demandeurs d’asile de présenter en preuve toute la documentation qui peut s’avérer essentielle à l’appréciation de leurs demandes (Rendon Ocampo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 80 au para 28, citant, inter alia, Ortiz Ortiz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1066 aux para 15–16).
[36] En l’espèce, il était raisonnable pour la SPR de conclure que les faits relatés dans son FDA ne démontraient pas que Mme Galindo était visée par ses présumés persécuteurs au motif qu’elle était une femme. Les « indices »
identifiés par Mme Galindo dans son FDA ne permettaient pas de déduire clairement une crainte fondée sur le genre, mais révélaient plutôt une peur générale pour sa vie et sécurité en raison de son travail à Intibucá.
[37] Au surplus, la SPR a noté que Mme Galindo n’a pas fait mention d’incidents spécifiques d’agression sexuelle à la fin de l’audience, alors qu’elle avait allégué avoir subi des attouchements chaque jour dans la rue, sans donner plus de détails. Mme Galindo a raison d’affirmer qu’une personne demandant l’asile n’a certes pas besoin de démontrer qu’elle a été persécutée personnellement dans le passé (Fodor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 218 au para 19, citant Salibian c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1990 CanLII 7978 (CAF), [1990] 3 CF 250 aux para 17–19). En revanche, lorsque la personne allègue de manière générale avoir déjà subi de la persécution, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle témoigne d’incidents précis, au lieu de se limiter à des énoncés généraux.
[38] Aux yeux de la Cour, la présente situation est similaire à celle qui prévalait dans l’affaire Allanah, où le juge Guy Régimbald a conclu que la preuve ne donnait pas réellement à penser que la crainte de la demanderesse principale était fondée sur le sexe (Allanah au para 44) :
[44] Comme le font valoir les demandeurs, le commissaire doit évaluer tout risque de persécution fondée sur le sexe, même si ce risque n’est pas explicitement soulevé à l’audience (Dezameau c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 559 au para 18; Canada (Procureur général) c Ward, 1993 CanLII 105 (CSC), [1993] 2 RCS 689 aux pp 745-746; Aleaf c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 445 au para 37; Ortiz Ortiz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1066 au para 16). Cependant, en l’espèce, la preuve ne donne pas du tout à penser que la crainte est fondée sur le sexe. Elle donne plutôt à penser que la DP [la demanderesse principale] et les membres de sa famille craignaient d’être persécutés par le groupe Otu-Ihaza parce qu’ils s’étaient opposés à l’adhésion de Chinedu au groupe. En ce qui concerne le fait que la DP est une femme célibataire sans soutien masculin, rien dans la preuve n’étaye ce fait, hormis l’allégation de la DP selon laquelle son époux ne pourrait plus la protéger.
[Soulignements ajoutés.]
[39] En regard de ce qui précède, il était loisible à la SPR de tirer une inférence négative du fait que Mme Galindo n’avait pas mentionné sa crainte de persécution fondée sur le genre dans son FDA. Une telle inférence suffit pour enlever toute crédibilité à ce motif de persécution. Néanmoins, la Cour souhaite commenter succinctement l’appréciation qu’a faite la SPR de la preuve documentaire relative au fléau des féminicides au Honduras.
(b) La preuve objective sur les femmes
[40] Dans son analyse de la preuve objective, la SPR accepte que la situation est difficile pour les femmes au Honduras. La preuve documentaire à l’époque démontre regrettablement que le Honduras a le deuxième taux de féminicides le plus élevé en Amérique latine, avec une femme tuée environ toutes les 23 heures. Cela dit, la SPR souligne que les partenaires représenteraient 60 % des auteurs de féminicides au Honduras. Ce faisant, elle juge que la plus grande menace pour les femmes en matière de violence mortelle, statistiquement parlant, proviendrait de la violence domestique. Au Honduras, les femmes risqueraient donc bien plus d'être tuées par un partenaire domestique que par un inconnu. Or, Mme Galindo n’est pas mariée et n’a pas mentionné avoir un conjoint ou une relation abusive dans son récit.
[41] Mme Galindo soumet, entre autres, que la SPR a déraisonnablement omis de considérer la preuve objective contredisant expressément l’idée selon laquelle les féminicides au Honduras sont majoritairement causés par les partenaires. À cet effet, elle renvoie notamment au passage suivant d’un rapport datant de juin 2023 préparé par la Banque mondiale, lequel se retrouve à l’onglet 5.17 dans la version du Cartable national de documentation [CND] utilisée par la SPR :
In contrast to the trend in many countries in the region, intimate femicides12 in Honduras amount to less than 20% of the total, indicating that femicidal violence is perpetrated mainly by strangers or people with whom the victim had no emotional ties (See Appendix 1).13 Indeed, a recent analysis from the IDB shows that the characteristics of femicide in Honduras differ from trends in other Latin American countries and the rest of the world in which a significant proportion of cases correspond to intimate femicide (by partner, ex-partner), while in Honduras most are perpetrated by organized crime and a significant number are classified in the category “not determined.”14
[En gras dans l’original.]
[42] Il est bien reconnu que l’omission par un décideur administratif de mentionner des éléments de preuve ne rend pas nécessairement sa décision déraisonnable (Gonzalez Vargas au para 53; Valencia au para 25; Khir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 160 au para 48 [Khir]). En effet, les décideurs administratifs sont présumés avoir soupesé et examiné tous les éléments de preuve qui leur ont été présentés, sauf preuve du contraire, même s'ils n'ont pas tiré de conclusion explicite sur chaque élément de preuve (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 16; Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86 au para 36). Le défaut de tenir compte de certains éléments de preuve bien précis doit être examiné au regard du contexte. De ce fait, ce n’est que lorsque les éléments de preuve sont essentiels et contredisent carrément la conclusion du décideur que la Cour peut déterminer que le décideur n’a pas tenu compte des éléments dont il disposait (Gonzalez Vargas au para 53; Khir au para 48; Torrance c Canada (Procureur général), 2020 CF 634 au para 58; Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8667 (CF), [1998] ACF no 1425 (QL) aux para 16–17).
[43] Il ne fait aucun doute que l’onglet 5.17 du CND était essentiel à l’appréciation de l’allégation de persécution fondée sur le genre et qu’il contredit directement la conclusion de la SPR que les partenaires sont les auteurs principaux des féminicides au Honduras. Dans tous les cas, l’analyse statistique qu’a effectué la SPR est simpliste et minimise la possibilité que les femmes célibataires et éduquées au Honduras puissent aussi être victimes de violence fondée sur le genre. Une telle approche va à l’encontre du principe 4.4(h) des Directives, qui appelle la SPR à éviter le stéréotype selon lequel « [l]es femmes instruites, les femmes qui occupent un emploi bien rémunéré ou qui ont un titre professionnel, ou encore les femmes qui démontrent la capacité de subvenir à leurs propres besoins ou de prendre soin de leurs enfants seules, sont moins susceptibles d’être victimes de violence fondée sur le sexe »
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[44] Nonobstant ce qui précède, la Cour est forcée de reconnaître que l’appréciation erronée de la preuve objective par la SPR ne suffit pas, dans le présent dossier, pour rendre déraisonnable son rejet de l’allégation de persécution fondée sur le genre. Tel qu’expliqué plus haut, la Cour est d’avis que la conclusion de la SPR relative à l’omission au FDA est raisonnable, et suffit pour écarter l’argument de Mme Galindo sur la persécution basée sur le genre.
(3) Les menaces personnalisées
[45] Dans un deuxième temps, Mme Galindo plaide qu’il était déraisonnable pour la SPR de rejeter les explications qu’elle a présentées pour justifier, d’une part, l’absence de preuves de son employeur pour corroborer les menaces anonymes à Intibucá et, d’autre part, l’omission de la police de mentionner les menaces personnalisées dans son rapport sur l’enlèvement express.
[46] Pour les raisons qui suivent, la Cour n’est pas d’accord.
(a) L’absence de lettre de l’employeur
[47] Lorsqu’elle vivait à Intibucá, Mme Galindo affirme avoir reçu un appel sur son téléphone portable professionnel provenant d’un inconnu qui lui disait connaître le nom de l’hôtel où elle séjournait ainsi que l’emplacement de son bureau. À l’audience, elle a témoigné avoir signalé ces menaces à son employeur, mais que celui-ci ne lui avait pas fourni de protection. La SPR l’a ensuite questionnée sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas fourni une lettre de son employeur confirmant qu’il était au courant de ces menaces. Mme Galindo a répondu que son employeur n’a pas voulu lui fournir une telle lettre et qu’elle a été congédiée un mois après avoir reçu les menaces.
[48] Le Ministre soumet que la SPR a raisonnablement conclu que les explications de Mme Galindo n’étaient pas crédibles. Le Ministre rappelle que Mme Galindo n’avait pas mentionné dans son FDA qu’elle aurait tenté d’obtenir une lettre de son employeur, et qu’elle a omis de mentionner ce fait lorsque la SPR lui a demandé au début de l’audience si elle avait tenté d’obtenir certains documents qu’elle n’a pas pu obtenir. La Cour est du même avis.
[49] Le fait que Mme Galindo ait tenté de recueillir une preuve corroborante auprès de son employeur est un fait important qui a été omis et qui entache sa crédibilité. Mme Galindo aurait dû préciser ce fait au début de l’audience devant la SPR.
[50] Il est vrai que les conclusions sur la crédibilité ne doivent pas être fondées strictement sur l’absence de preuve corroborante (Lawani au para 25, citant Ndjavera au para 6). Cela n’empêche pas qu’il est possible de remettre en question la crédibilité lorsqu’il y a des raisons valables de le faire. Dans un tel cas, il est possible de tirer une conclusion défavorable sur la base de l’absence d’efforts pour obtenir certains éléments de preuve corroborant un élément essentiel qui devraient raisonnablement être disponibles et pour lesquels il n’y a pas d’explication raisonnable de leur absence (Lawani au para 25, citant Ismaili aux para 33, 35).
[51] Aux yeux de la Cour, il était raisonnable pour la SPR de s’attendre à recevoir une lettre de l’employeur, et de rejeter les vagues explications de Mme Galindo sur le refus de son employeur de lui fournir une telle lettre. La Cour reconnaît que, dans certaines circonstances, il est possible qu’un employeur ne soit pas enclin d’assister une employée avec qui il a eu des relations tendues. Cependant, le manque de détails de Mme Galindo dans son explication rend la conclusion de la SPR raisonnable.
(b) Les omissions au rapport de police
[52] Par ailleurs, en raison des omissions dans le rapport de police, la SPR n’a pas cru que Mme Galindo avait été ciblée par ses agents de préjudice et avait reçu des menaces personnalisées en lien avec son ancien travail lors de l’enlèvement exprès dans le taxi à Tegucigalpa. La SPR a plutôt conclu que le rapport de police appuyait la conclusion voulant que Mme Galindo avait été victime d’un crime de nature aléatoire.
[53] La SPR a déterminé qu’il n’est pas logique que la police ait accepté de prendre la plainte de Mme Galindo à l’égard de l’enlèvement express, mais qu’elle aurait refusé refuserait d’inclure les détails pertinents à l’égard des menaces personnalisées qui lui auraient été proférés lors de cet incident. La SPR était tout aussi insatisfaite des explications de Mme Galindo à l’effet que la police n’était pas intéressée, que la police aurait refusé d’inscrire ces détails parce qu’elle ne connaissait pas les noms des responsables, ou que les autorités policières n’avaient pas les ressources nécessaires pour investiguer les plaintes.
[54] Comme l’a fait valoir le Ministre, il était loisible pour la SPR de conclure que l’explication offerte par Mme Galindo n’était pas logique ou crédible parce que les faits articulés déborderaient le cadre de ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre (Lawani au para 26; Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155 aux para 10–11 [Aguilar Zacarias]).
[55] La Cour observe qu’il est en effet curieux que les seuls détails qui auraient été omis du rapport de police soient ceux relatifs aux menaces personnalisées à l’endroit de Mme Galindo.
[56] Les conclusions d’invraisemblance ne doivent être tirées que dans « les cas les plus évidents »
(YZ c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 232 au para 12 [YZ], citant Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 au para 7). En conséquence, les conclusions d’invraisemblance commandent une norme plus rigoureuse que celle qui s’applique généralement aux conclusions quant à la crédibilité, qui appellent une grande retenue (YZ au para 12, citant Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 167 au para 10). En l’absence d’éléments de preuve fiables et vérifiables au regard desquels la vraisemblance des faits peut être appréciée, les conclusions d’invraisemblance peuvent être tout au plus des conjectures non fondées et inadmissibles (YZ au para 12, citant Aguilar Zacarias au para 11).
[57] Dans ses motifs, la SPR admet que le CND démontre que la police hondurienne est sous-équipée, que la majorité des crimes contre les femmes ne sont pas résolus et que l'impunité est endémique. Il n’est donc pas impossible de concevoir que, même si elle accepte de rédiger un rapport donné, la police hondurienne puisse refuser de préparer plus qu’un rapport bref et générique, faute de ressources et d’intérêt à prendre les allégations sérieusement.
[58] Cependant, la Cour n’est pas convaincue que les conclusions tirées par la SPR au niveau des omissions du rapport de police puissent être qualifiées de déraisonnables. Certes, la SPR aurait pu aussi raisonnablement accepter que la police ait refusé de consigner les menaces personnalisées à l’endroit de Mme Galindo. Toutefois, le fait qu'il puisse y avoir d’autres interprétations raisonnables des faits ne rend pas déraisonnable l’interprétation choisie par la SPR (Vavilov au para 86; Smajlaj v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 821 au para 20; Tong c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2023 CF 625 au para 32).
(4) Le défaut de demander l’asile aux États-Unis
[59] Enfin, la SPR a examiné les circonstances particulières de Mme Galindo et jugé que son défaut de demander l’asile aux États-Unis pendant les deux mois qu’elle a passés dans ce pays était un comportement incompatible avec sa crainte subjective alléguée.
[60] Questionnée à l’audience sur son omission de réclamer l’asile, Mme Galindo a répondu que les politiques d’immigration aux États-Unis n’étaient pas favorables aux personnes provenant du Honduras. La SPR a également observé qu’elle avait un visa valide à son arrivée, parlait un peu l’anglais, avait déjà voyagé, était bien éduquée et avait un oncle ainsi qu’une meilleure amie qui auraient pu l’assister. Elle ne risquait alors pas d’être détenue ou renvoyée dans son pays. La SPR a aussi tenu compte de son témoignage indiquant que ses parents avaient récemment obtenu la résidence permanente aux États-Unis. La SPR n’a toutefois pas jugé crédible que Mme Galindo n’avait pas d’autres informations à l’égard du statut de ses parents, car elle considérait déjà que cette dernière manquait de crédibilité.
[61] Il est de jurisprudence constante que la présence d’un membre de sa famille au Canada est une raison valable de ne pas demander l’asile aux États-Unis (Salman c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2022 CF 984 au para 33; Demirtas c Canada (Citizenship and Immigration), 2020 CF 302 au para 30; Yasun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 342 au para 21 [Yasun]; Wangchuk c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 160 aux para 23–26, 39; Alekozai au para 12; Gopalarasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1138 aux para 32–35; Ay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 671 aux para 39–40).
[62] Dans Alekozai, la Cour a abordé la situation où un demandeur n’a pas demandé l’asile aux États-Unis pendant une période de deux mois passés là-bas. Accueillant le contrôle judiciaire, le juge Donald Rennie (alors juge à la Cour) a entre autres conclu qu’il était déraisonnable pour la SPR de faire abstraction des explications données par le demandeur et de juger qu’il aurait dû demander l’asile aux États‑Unis simplement parce qu’il avait obtenu un visa pour s’y rendre et qu’il avait travaillé pour une organisation d’aide américaine. En effet, le demandeur n’avait jamais envisagé de faire une demande aux États-Unis et souhaitait dès le début faire du Canada son pays de refuge, puisqu’il avait deux sœurs au Canada. Fait important, le juge Rennie rappelle que le demandeur n’avait passé qu’une « courte période »
aux États-Unis avant de demander l’asile au Canada, c’est-à-dire deux mois (Alekozai aux para 12–13).
[63] Dans la même veine, le juge Sébastien Grammond a également conclu qu’un séjour de deux mois aux États-Unis avant de demander l’asile au Canada n’entachait pas la crédibilité de la demanderesse, car celle-ci voulait être réunie avec un parent au Canada (Yasun au para 21).
[64] À la lumière de ce qui précède, la Cour est d’avis qu’il était déraisonnable pour la SPR de tirer une inférence négative de crédibilité à partir du court séjour de deux mois de Mme Galindo aux États-Unis. Il est vrai que l’un des motifs de Mme Galindo de ne pas demander l’asile aux États-Unis était qu’elle jugeait les lois américaines en matière d’immigration moins favorables que la loi canadienne. Cependant, Mme Galindo a aussi allégué au paragraphe 30 de son FDA qu’elle désirait demander l’asile au Canada parce qu’elle pourrait compter sur son frère si elle l’y rejoignait. À l’instar de l’affaire Alekozai, Mme Galindo n’avait jamais eu l’intention de demander l’asile aux États-Unis. Il s’agissait dès le début d’un pays de transit. Mme Galindo a voyagé d’abord aux États-Unis parce qu’elle souhaitait quitter le Honduras le plus rapidement possible grâce à son visa de visiteur valide pour les États-Unis, visiter son amie à Los Angeles et préparer son arrivée au Canada avec l’aide de son frère et d’un organisme communautaire.
[65] Dans ses motifs, la SPR argumente aussi que Mme Galindo a des liens aux États-Unis en raison de sa meilleure amie à Los Angeles et de son oncle, et qu’il n’est pas clair qu’elle soit proche avec son frère au Canada. Avec égards, Mme Galindo est manifestement plutôt proche avec son frère si celui-ci a accepté de l’aider à préparer son arrivée au Canada. La suggestion par la SPR que Mme Galindo ne serait pas proche de son frère relève de la spéculation.
[66] En revanche, la Cour n’est pas d’avis que l’inférence erronée de la SPR au sujet du voyage de Mme Galindo aux États-Unis constitue une lacune suffisamment grave pour rendre la conclusion d’absence de crédibilité déraisonnable. Cette conclusion de la SPR est appuyée par de nombreux motifs, dont la majorité sont tout à fait raisonnables. Considérant la Décision dans son ensemble, l’erreur commise par la SPR est relativement mineure et ne peut infirmer la conclusion d’absence de crédibilité. La Cour ne peut infirmer une décision administrative pour la simple raison que son raisonnement est entaché d’une erreur mineure (Vavilov au para 100).
(5) Conclusion sur la crédibilité
[67] Sur la question de crédibilité, la SPR a donc raisonnablement rejeté l’allégation de Mme Galindo de persécution fondée sur le genre, en dépit d’avoir mal apprécié la preuve objective relative à cette allégation. De plus, il n’était pas déraisonnable pour la SPR de ne pas juger crédibles les menaces personnalisées proférées à Mme Galindo. Même si la Cour n’est pas convaincue du caractère raisonnable de l’inférence négative tirée par la SPR à l’endroit de Mme Galindo en raison de son bref séjour aux États-Unis, ceci ne suffit pas pour rendre déraisonnable la conclusion de la SPR sur l’absence générale de crédibilité de Mme Galindo.
[68] Les conclusions d’absence de crédibilité relèvent de l’expertise de la SPR. Comme cette Cour l’a réitéré maintes fois, la crédibilité est « une question de fait au cœur de l’expertise de la SPR »
et « les conclusions de crédibilité formulées par la SPR attirent une déférence considérable »
(Mokoko au para 34; Mbuyamba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 918 au para 28, citant Lunda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 704 au para 36 et Kahumba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 551 aux para 31–32). Dans le présent dossier, la SPR a fourni des motifs étoffés et rigoureux dans lesquels elle a analysé la preuve en détail avant de conclure au manque de crédibilité de Mme Galindo. En somme, les arguments avancés par cette dernière pour attaquer les conclusions de la SPR sur son manque de crédibilité se résument à un désaccord avec le poids accordé à la preuve et l’interprétation retenue par le décideur. Or, il est bien établi qu’un tel désaccord ne suffit pas pour justifier l’intervention de la Cour (Vavilov au para 125).
B. La Décision de la SPR sur la PRI est raisonnable
[69] Au cas où elle aurait commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité, la SPR constate subsidiairement dans la Décision que Mme Galindo dispose d’une PRI à Roatán. Il s’agit ici encore d’une conclusion déterminante car, si les conclusions de la SPR sur l’existence de la PRI sont raisonnables, cela suffit pour rejeter la demande de contrôle judiciaire de Mme Galindo.
[70] Mme Galindo s’attaque aux deux volets du test pour établir une PRI. Au niveau du premier volet, ses arguments sont variés : (i) l’analyse de la SPR serait incomplète, car celle-ci aurait omis d’analyser la PRI en fonction de ses risques allégués en raison de son genre; (ii) le fait qu’elle ait été retrouvée par ses agents de préjudice à Tegucigalpa, une ville plus peuplée, démontrerait leur capacité et leur volonté de la retrouver à Roatán, une petite île comparablement éloignée d’Intibucá; (iii) les agents de préjudice seraient encore motivés à la retrouver afin de se venger; et (iv) Roatán est l’une des municipalités ayant les taux d’extorsions les plus élevés.
[71] En ce qui concerne le second volet, les arguments de Mme Galindo sont les suivants : (i) l’absence de soutien familial au Honduras rend la PRI déraisonnable, puisque ses parents résident maintenant aux États-Unis; (ii) son expérience professionnelle ne s’inscrirait pas dans la dynamique économique de Roatán, une île dont l’économie est axée sur le tourisme; et (iii) la SPR aurait omis de prendre en considération qu’elle est une femme seule au Honduras.
[72] La Cour n’est pas convaincue par les arguments de Mme Galindo concernant l’existence d’une PRI viable. Comme l’a expliqué le Ministre, la SPR a raisonnablement conclu que Mme Galindo peut se prévaloir d’une PRI viable à Roatán. Cela suffit pour rendre la Décision raisonnable.
(1) Le test applicable relatif aux PRI
[73] Dans l’affaire Singh 2020, la Cour rappelle que « l’analyse d’une PRI repose sur le principe voulant que la protection internationale ne puisse être offerte aux demandeurs d’asile que dans les cas où le pays d’origine est incapable de fournir à la personne qui demande l’asile une protection adéquate partout sur son territoire »
[soulignements ajoutés] (Singh 2020 au para 26). Si un demandeur d’asile dispose d’une PRI viable, cela invalidera sa demande d’asile en vertu de l’article 96 ou 97 LIPR, quel que soit le bien-fondé des autres aspects de la demande (Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 FC 799 au para 7 [Olusola]).
[74] Le test permettant de déterminer l’existence d’une PRI viable est bien établi. Il trouve sa source dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706 (CAF) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 (CAF) [Thirunavukkarasu], où la Cour d’appel fédérale a identifié les deux critères à satisfaire pour conclure au caractère raisonnable d’une PRI : (i) il ne doit pas y avoir de possibilité sérieuse, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur soit persécuté dans la partie du pays où est la PRI; et (ii) il ne doit pas être déraisonnable pour le demandeur de trouver refuge dans la PRI, compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles qui sont propres à sa situation.
[75] Il est important de noter que le seuil permettant de satisfaire au deuxième volet du test de la PRI est élevé : il doit y avoir une « preuve réelle et concrète »
de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 FC 164 (CAF) au para 15 [Ranganathan]; Verma v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 693 au para 13).
[76] Si une PRI est établie, il incombe alors au demandeur d’asile de démontrer que la PRI est inadéquate et qu’il est déraisonnable de s’y établir (Thirunavukkarasu au para 12; Salaudeen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 39 au para 26; Manzoor‑Ul‑Haq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1077 au para 24; Feboke c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 155 aux para 43–44).
(2) Premier volet de la PRI
[77] Au stade du premier volet du test de la PRI, pour réfuter l’existence d’une PRI, Mme Galindo devait démontrer que ses agents de préjudice disposaient à la fois de la capacité et de la volonté requise pour la pourchasser jusqu’à Roatán. En effet, il est bien établi « qu’il existe une différence entre la capacité d’un persécuteur de poursuivre un individu partout dans un pays et sa volonté ou son intérêt de le faire. Le fait qu’un persécuteur a la capacité de poursuivre un individu n’est pas une preuve décisive que ce dernier est motivé de poursuivre cet individu. Si le persécuteur n’a pas la volonté ou l’intérêt de trouver, poursuivre et/ou persécuter un individu, il est raisonnable de conclure qu’il n’y a pas de risque sérieux de persécution »
[en italique dans l’original] (Leon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 428 au para 13; voir aussi: Fuentes Hernandez v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 1682 aux para 22, 24; Cely Tiria v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 422 au para 30).
[78] Dans le cas présent, la SPR a fourni des motifs transparents, justifiés et intelligibles pour appuyer sa conclusion selon laquelle Mme Galindo ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait une possibilité sérieuse que ses agents de préjudice — les parents de la région d’Intibucá — aient la capacité ou la volonté de la retrouver à Roatán.
[79] Comme l’a expliqué la SPR, il incombait à Mme Galindo de démontrer que ses agents de préjudice disposaient de la capacité requise pour la localiser dans tout le pays. Elle n’avait pas à démontrer précisément comment cela pourrait se produire, mais elle devait fournir des preuves démontrant que les parents d’Intibucá ont les moyens de la retrouver à Roatán. Elle ne l’a pas fait. Le simple fait que les agents de préjudice de Mme Galindo l’auraient peut-être retrouvée à Tegucigalpa — lors de l’enlèvement express dans un taxi — ne démontre pas qu’ils auraient pour autant la capacité de la retrouver partout au pays. La SPR a noté à cet égard que Roatán est une île située au large de la côte du Honduras, accessible seulement par avion ou traversier et située à une distance considérable de Tegucigalpa. Rien dans la preuve n’indique que des parents motivés à obtenir de l’aide alimentaire auraient les ressources nécessaires pour retrouver Mme Galindo n’importe où au Honduras. Les agents de préjudice de Mme Galindo ne sont effectivement pas une organisation criminelle sophistiquée.
[80] Mme Galindo renvoie à une décision de la SAR pour soutenir que le fait que Roatán soit une île très petite et isolée augmente les chances qu’elle soit retrouvée par ses agents de préjudice (X (Re), 2019 CanLII 120798 (CA CISR) aux para 24, 26). Il existe cependant une différence majeure entre l’affaire X (Re) et le présent dossier. Dans X (Re), la preuve démontrait que le cousin de l’agent de persécution de l’appelante — son ex-époux — était policier (X (Re) au para 26). À l’inverse, les agents de préjudice de Mme Galindo ne disposent pas de tels contacts.
[81] Les motifs de la SPR quant à la volonté des agents de préjudice sont tout aussi raisonnables. La SPR a noté que Mme Galindo ignorait l’identité des personnes qui l’auraient menacée dans le taxi à Tegucigalpa et que les membres de sa famille toujours au Honduras — avec qui elle est occasionnellement en contact — n’ont pas été contactés par des personnes à sa recherche depuis son départ du pays il y a plus de deux ans. La SPR a également souligné que les présumés agents de préjudice étaient motivés par leur intérêt d’obtenir la nourriture offerte par le programme alimentaire de l’employeur de Mme Galindo, en plus du désir de voler son argent durant le taxi. Or, cette dernière ne travaille plus pour cet employeur. Il n’y a aucune preuve démontrant clairement que les parents d’Intibucá étaient alimentés par un désir de vengeance à l’époque, et encore moins que ce soi-disant désir de vengeance aurait persisté plus de deux ans après le départ de Mme Galindo, alors que cette dernière n’occupe plus son poste et ne détient plus aucune influence sur l’allocation de l’aide alimentaire. Pour toutes ces raisons, la Cour est d’avis que la SPR pouvait raisonnablement conclure que Mme Galindo n’avait pas établi que ses agents de préjudice disposent de la volonté requise pour la retrouver.
[82] Enfin, l’argument de Mme Galindo selon lequel la SPR aurait omis d’analyser l’allégation de persécution fondée sur le genre au stade du premier volet est sans mérite. Le fardeau de preuve à cet égard incombait à Mme Galindo. Or, elle n’a pas démontré devant la SPR qu’elle ferait face à un risque de persécution en raison de son genre si elle devait déménager à Roatán. La SPR n’a donc pas erré en omettant d’analyser cet élément dans le cadre de son appréciation de la PRI.
(3) Deuxième volet de la PRI
[83] D’autre part, il ne fait aucun doute que les conclusions de la SPR relativement au deuxième volet de la PRI sont également raisonnables. Mme Galindo n’a pas satisfait au seuil élevé établi par la Cour d’appel fédérale au stade du deuxième volet (Ranganathan au para 15).
[84] La SPR a tenu compte du niveau d’éducation et de l’expérience professionnelle de Mme Galindo ainsi que de ses capacités en anglais. L’anglais de Mme Galindo pourrait effectivement lui être utile vu la population importante d’habitants de Roatán provenant des États-Unis. La SPR a aussi noté le fait que Mme Galindo avait déjà voyagé à Roatán, qu’elle connaissait quelqu’un vivant à cet endroit et qu’elle pouvait s’y rendre directement par avion sans risque d’être ciblé en transit par ses agents de préjudice. La Cour ne détecte aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire dans le raisonnement suivi par la SPR au stade du deuxième volet.
[85] Selon Mme Galindo, l’absence de soutien familial au Honduras rendrait la PRI déraisonnable, car ses parents résident maintenant aux États-Unis. De plus, son expérience professionnelle ne s’inscrirait pas dans la dynamique économique de Roatán, une île dont l’économie est axée sur le tourisme. Cependant, il n’y a aucune preuve permettant de conclure que ces arguments auraient été soulevés devant la SPR. La Cour a le pouvoir discrétionnaire d’examiner une nouvelle question dans le cadre d’un contrôle judiciaire, mais il n’est généralement pas approprié de le faire lorsque la question aurait pu être soulevée devant le décideur, comme c’est le cas en l’espèce (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 22–23; Zoghbi c Air Canada, 2024 CAF 123 au para 26). La Cour ne retiendra donc pas ces nouveaux arguments soulevés par Mme Galindo.
[86] La Cour rappelle que le but premier d’un contrôle judiciaire est de contrôler des décisions administratives, et non pas de trancher, par un procès de novo, des questions qui n’auraient pas été examinées de façon adéquate sur le plan de la preuve devant le décideur administratif compétent. Une demande de contrôle judiciaire n’est pas un appel (Lavigne c Canada (Procureur général), 2023 CF 1182 au para 23).
[87] Enfin, Mme Galindo réitère au stade du second volet son argument selon lequel la SPR aurait omis de considérer son profil en tant que femme seule. La Cour rejette cet argument, pour les mêmes motifs qu’elle a fournis au niveau du premier volet.
IV. Conclusion
[88] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de Mme Galindo est rejetée. Malgré l’inférence erronée de la SPR en ce qui concerne le séjour de Mme Galindo aux États-Unis, la conclusion d’absence générale de crédibilité de la SPR demeure raisonnable. D’une part, le rejet par la SPR de la crainte de persécution fondée sur le genre de Mme Galindo est raisonnable, car cette allégation n’était nullement mentionnée dans son FDA. D’autre part, il était raisonnable pour la SPR de ne pas juger crédibles les menaces personnalisées prétendument proférées à l’encontre de Mme Galindo. De plus, la SPR a raisonnablement conclu que Mme Galindo peut se prévaloir d’une PRI viable à Roatán. Les motifs de la Décision relatifs à la PRI possèdent donc les attributs d’intelligibilité, de transparence et de justification requis en vertu de la norme de la décision raisonnable.
[89] Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.
JUGEMENT au dossier IMM-1069-24
LA COUR STATUE que :
-
La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.
-
Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.
« Denis Gascon »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
|
DOSSIER : |
IMM-1069-24 |
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INTITULÉ : |
OLGA JUDITH CANELAS GALINDO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE |
|
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 9 avril 2025 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
GASCON J. |
|
DATE DES MOTIFS |
LE 20 JUIN 2025 |
COMPARUTIONS :
|
Me Julie Devillers |
POUR La partie demanderesse |
|
Me Suzanne Trudel |
POUR La partie défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
|
Devillers & Valencia Cabinet d’avocats Inc. Montréal (Québec) |
POUR La partie demanderesse |
|
Procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR La partie défenderesse |