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Date : 20250911


Dossier : T-3022-24

Référence : 2025 CF 1504

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2025

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

SAMI ELMALKI

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie de trois requêtes dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. En premier lieu, le demandeur sollicite une ordonnance de confidentialité interdisant la divulgation de ses informations médicales et personnelles et l’anonymisation du dossier. En deuxième lieu, le défendeur sollicite la radiation totale de l’avis de demande, puisque la demande serait prématurée en raison du processus de grief disponible en vertu de l’article 29 de la Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N-5. En troisième lieu, le demandeur cherche à déposer un affidavit supplémentaire, ainsi qu’une ordonnance provisoire qui interdit toutes convocations physiques ou sollicitations directes par son unité militaire dans les Forces armées canadiennes [Forces canadiennes].

[2] Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut que l’avis de demande de contrôle judiciaire du demandeur doit être radié, puisque la demande aurait pu faire l’objet d’un grief. Le principe général, et même « quasi absolu », veut qu’une partie doit épuiser les recours administratifs disponibles, y compris les voies de griefs, avant de solliciter le contrôle judiciaire devant cette Cour. Même si le demandeur prétend que le processus de grief en vertu de l’article 29 n’est pas juste ou efficace, les preuves présentées ne soutiennent pas cette affirmation et ne justifient pas une exception au principe général. L’avis de demande contient donc un vice fondamental et doit être radié. Étant donné que ce vice ne peut être corrigé par une modification, l’autorisation de le modifier n’est pas accordée.

[3] Quant à la requête du demandeur en confidentialité et anonymat, la Cour conclut que seuls les renseignements médicaux du demandeur méritent d’être protégés de la divulgation publique. Le demandeur n’a pas établi que les autres informations visées par la requête satisfont aux exigences d’une ordonnance en confidentialité. Il n’a pas non plus établi qu’il s’agit d’une des rares circonstances dans lesquelles une ordonnance en anonymisation est justifiée.

[4] La requête du demandeur pour le dépôt d’un affidavit supplémentaire et pour une ordonnance provisoire est rejetée. L’affidavit que le demandeur cherche à déposer n’est pas pertinent à la requête en radiation. Quant à l’ordonnance provisoire, même si l’avis de demande ne devait pas être radié, le demandeur n’a pas établi qu’une telle ordonnance est justifiée dans les circonstances.

[5] La requête du défendeur en radiation est donc accueillie, avec des dépens fixés à 1 500 $. La requête du demandeur en confidentialité et anonymisation est accordée en partie et sa requête pour déposer un nouvel affidavit et pour une ordonnance provisoire est rejetée, les deux sans dépens.

II. Questions en litige

[6] La Cour traitera des questions soulevées par les trois requêtes des parties dans l’ordre suivant :

  1. Est-ce que la Cour devrait considérer les affidavits déposés par les parties dans le contexte de la requête du défendeur en radiation?

  2. Le défendeur a-t-il démontré que la demande devrait être radiée?

  3. Si non, est-ce que la Cour devrait prononcer une ordonnance provisoire?

  4. Est-ce que le demandeur a démontré qu’une ordonnance de confidentialité et/ou d’anonymisation du dossier est justifiée et, si oui, dans quelle mesure?

III. Analyse

A. Les affidavits sont en partie admissibles dans le contexte de la requête en radiation

(1) Le contexte procédural et les affidavits déposés

[7] Le demandeur a introduit la demande sous-jacente le 31 octobre 2024. Celui-ci sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 9 octobre 2024 par le commandant du demandeur au sujet de son aptitude de travailler en milieu militaire. Le demandeur prétend que la décision a eu l’effet de modifier sa catégorie médicale, qu’elle n’est pas raisonnable et que le décideur n’a pas respecté les principes d’équité procédurale.

[8] Le 9 décembre 2024, le demandeur dépose une requête en confidentialité, cherchant une ordonnance d’anonymisation et de restriction d’accès aux informations personnelles dans le dossier. Au soutien de cette requête, le demandeur dépose son affidavit, daté du 8 décembre 2024 [1er affidavit du demandeur].

[9] Le 19 décembre 2024, le défendeur dépose sa réponse à la requête en confidentialité et sa requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Au soutien de sa requête en radiation, le défendeur dépose l’affidavit de Leslie Day, parajuriste principale au sein du Bureau du Conseiller juridique du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes [affidavit Day]. Selon le défendeur, le processus de grief prévu par la Loi sur la défense nationale est complet et exhaustif et le demandeur ne peut déposer une demande de contrôle judiciaire avant d’avoir épuisé ce recours.

[10] Le 15 janvier 2025, le demandeur dépose son dossier en réponse à la requête en radiation, qui comprend l’affidavit du demandeur daté du même jour [2e affidavit du demandeur]. Le 21 janvier 2025, le défendeur dépose sa réplique selon la règle 369(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles]. Malheureusement, cette réplique n’est pas mise devant la Cour avant le 27 août 2025.

[11] Entretemps, le 10 mars 2025, les deux requêtes en confidentialité et en radiation sont mises devant la Cour sans la réplique du défendeur. Le 22 avril 2025, la Cour invite les parties à déposer des représentations écrites supplémentaires limitées à l’application des principes énumérés dans l’arrêt Dunn v Canada (Attorney General), 2025 FC 652 [actuellement disponible seulement en anglais], rendu le 9 avril 2025.

[12] Quelques jours plus tard, le 25 avril 2025, le demandeur dépose une requête pour « amendement, introduction de faits nouveaux et ordonnance provisoire ». Cette requête cherche, entre autres, une ordonnance permettant le dépôt d’un « affidavit complémentaire » du demandeur, daté du 25 avril 2025 [3e affidavit du demandeur]. Le 3e affidavit du demandeur ajouterait de nouveaux faits et de nouvelles pièces en réponse à la requête du défendeur en radiation. Le défendeur n’a pas déposé de dossier de réponse à cette requête. Cependant, dans ses représentations écrites au sujet de l’arrêt Dunn, datées du 8 mai 2025, le défendeur note qu’il n’est pas clair si la Cour a accepté le dépôt du dossier de requête et prétend, de toute façon, que le 3e affidavit du demandeur n’est pas admissible.

(2) Principes

[13] Dans sa requête en radiation, le défendeur cite la règle 221. Cependant, cette règle se trouve dans la Partie 4 des Règles, qui ne s’applique pas aux demandes : voir la règle 169. Elle ne s’applique donc pas en l’espèce. Néanmoins, cette Cour a tout de même la compétence pour radier un avis de demande. Cette compétence n’est pas tirée des Règles, mais plutôt de la compétence absolue qu’ont les cours de justice pour restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires : David Bull Laboratories (Canada) Inc c Pharmacia Inc, 1994 CanLII 3529 (CAF), [1995] 1 CF 588 (CA) à la p 600; JP Morgan Asset Management (Canada) Inc c Canada (Revenu national), 2013 CAF 250 au para 48. Le seuil requis pour radier une demande est identique à celui requis pour radier une action en vertu de la règle 221 : Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199 aux para 32–33.

[14] En règle générale, les affidavits ne sont pas recevables pour appuyer une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire, ni pour répondre à une telle requête : JP Morgan aux para 51–64. Cette règle se fonde sur plusieurs principes, dont les suivants : a) les motifs invoqués et toute disposition législative applicable devraient être énoncés dans l’avis de demande lui-même; b) les allégations de fait dans l’avis de demande sont généralement tenues pour avérées; et c) le Parlement exige que les demandes de contrôle judiciaire soient instruites « à bref délai et selon une procédure sommaire » : JP Morgan au para 52; règle 301e) des Règles; Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, art 18.4(1).

[15] Il n’existe que quelques exceptions limitées à cette règle générale, exceptions qui ne s’appliquent que dans les cas où a) elles ne vont pas à l’encontre des justifications à la règle générale de l’irrecevabilité et b) elles servent l’intérêt de la justice : JP Morgan au para 53. Par exemple, les documents mentionnés et incorporés par renvoi à l’avis de demande peuvent être joints en annexe à un affidavit : JP Morgan au para 54.

[16] Dans l’arrêt JP Morgan, la Cour d’appel fédérale suggère, en obiter dictum, qu’il n’existe pas d’exception générale permettant à une partie de déposer un affidavit lorsque la compétence de la Cour est en litige : JP Morgan aux para 61–64. Le juge Stratas a souligné qu’un demandeur a l’obligation d’indiquer dans son avis de demande les raisons pour lesquelles la Cour a compétence : JP Morgan au para 63. Cela dit, dans sa décision ultérieure, Iris Technologies, la Cour d’appel a conclu qu’un affidavit déposé à l’appui d’une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire était admissible parce qu’il était essentiel aux questions de la compétence de la Cour et du caractère théorique de la procédure : Canada (Procureur général) c Iris Technologies Inc, 2021 CAF 223 aux para 31–33.

[17] L’approche de la Cour d’appel dans Iris Technologies s’aligne à sa jurisprudence au sujet de la règle 221. En vertu des règles 221a) et 221(2), aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête en radiation d’une action en général. Néanmoins, la Cour d’appel a confirmé que les affidavits seront admissibles lorsqu’ils concernent une question de compétence : Canada c Greenwood, 2021 CAF 186 au para 95; Berenguer c Sata Internacional - Azores Airlines, SA, 2023 CAF 176 au para 26; Adelberg v Canada, 2024 FCA 106 au para 40 [actuellement disponible seulement en anglais]. En particulier, la Cour d’appel a noté qu’une décision qui porte sur la nature et l’efficacité d’un autre recours suggéré « ne peut se rendre dans un vide factuel » et que la preuve sur une telle question est donc admissible : Greenwood au para 95; voir aussi Dunn aux para 29–37.

[18] Cette Cour a reconnu que, dans certains cas, elle peut admettre la preuve par affidavit lorsqu’une question de prématurité ou de compétence de la Cour est en jeu, sans offenser les principes de JP Morgan : Tait c Canada (Gendarmerie royale), 2024 CF 217 aux para 25–27; Graham v Canada (Attorney General), 2024 CanLII 89508 (FC) au para 21; Utano v Canada (Public Safety), 2024 FC 805 aux para 31–40 [actuellement disponible seulement en anglais].

[19] Dans l’affaire Utano, comme en l’espèce, une requête en radiation soulevait la prématurité de la demande de contrôle judiciaire en raison de la disponibilité d’un processus de grief : Utano aux para 3–4. Le juge Zinn a admis l’affidavit du défendeur, citant Tait, puisqu’il expliquait le processus de grief et annexait des documents mentionnés et incorporés par renvoi dans l’avis de demande : Utano aux para 34, 36–38. Cependant, il a conclu que la plupart des affidavits du demandeur étaient inadmissibles, citant la déclaration de la Cour d’appel dans JP Morgan selon laquelle « [l’] avis de demande ne peut être complété ou renforcé par un affidavit » : Utano aux para 35, 39–40, citant JP Morgan au para 52.

[20] En considérant la jurisprudence citée, et surtout la décision de la Cour d’appel fédérale dans Iris Technologies, la Cour conclut qu’une preuve pertinente quant à une question de compétence de la Cour — y compris les questions portant sur la nature et l’efficacité d’un autre recours — peut être admissible dans le contexte d’une requête en radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire, et ce, sans contrevenir aux exigences de la règle 301e) ou à l’intérêt de la justice.

[21] À cet égard, la règle 301e) des Règles oblige un demandeur d’inclure dans son avis de demande « un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable » : JP Morgan au para 63. Cependant, les règles 174 et 181 obligent également un demandeur dans une action d’inclure dans sa déclaration « un exposé concis des faits substantiels sur lesquels [il] se fonde » et « des précisions sur chaque allégation ». Néanmoins, ces dernières règles n’empêchent pas un demandeur de déposer un affidavit portant sur la compétence de la Cour dans le contexte d’une requête en radiation d’une déclaration en vertu de la règle 221 : Greenwood aux para 59, 93–98.

[22] Dans l’affaire Dunn, cette Cour a récemment appliqué ces principes dans le contexte d’une requête en radiation d’une déclaration en vertu de la règle 221 fondée — comme la requête du défendeur en l’espèce — sur l’article 29 de la Loi sur la défense nationale : Dunn aux para 27–36. Dans sa décision, la juge Strickland a conclu que les affidavits déposés par le défendeur/requérant étaient admissibles parce qu’ils portaient sur des questions pertinentes quant à la compétence de la Cour, notamment la question de savoir si la Cour devrait décliner sa compétence en faveur des recours administratifs alternatifs : Dunn aux para 22–23, 36–37. Quant à l’affidavit du demandeur/intimé, il n’y avait que certaines parties qui étaient admissibles, le reste n’étant pas pertinent à la question de compétence : Dunn aux para 26, 38–39.

(3) Les affidavits sont admissibles en partie

[23] Dans la présente affaire, quatre affidavits ont été déposés : l’affidavit Day, déposé par le défendeur, et les trois affidavits du demandeur. Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut que l’affidavit Day et les deux premiers affidavits du demandeur sont admissibles, en partie, pour la requête en radiation. Le 3e affidavit du demandeur n’est pas admissible dans le cadre de la requête en radiation parce qu’il ne porte pas sur des questions pertinentes à cette requête.

[24] Il convient de noter que pour les fins de cette analyse, la question est simplement l’admissibilité de la preuve. La question portant sur le fond de la requête en radiation, en tenant compte des éléments de preuve admissibles, est abordée ci-après.

a) L’affidavit Day

[25] Trois pièces sont annexées à l’affidavit Day. La première est la décision du 9 octobre 2024, qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Cette décision est mentionnée et incorporée par renvoi à l’avis de demande et est donc admissible : JP Morgan aux para 54–57, 64. La deuxième est un chapitre des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [ORFC]. Les ORFC sont un règlement adopté par le gouverneur en conseil. Ils auraient pu être cités comme règlement et il n’était donc pas nécessaire de les déposer en tant que pièce. Cela étant dit, la Cour peut évidemment les considérer dans le cadre de la requête. La troisième est un courriel de l’avocat du défendeur à l’avocat du demandeur, daté du 22 novembre 2024, au sujet du paragraphe 29(1) de la Loi sur la défense nationale et la compétence de cette Cour. Cette pièce n’est pas pertinente à la question de la compétence de la Cour, mais elle a une certaine pertinence pour la question des dépens. Je la trouve donc uniquement admissible à cette fin.

[26] Cependant, en plus de ces trois pièces, l’affidavit Day contient des observations juridiques qui ne sont pas admissibles. Notamment, Mme Day déclare que la décision du 9 octobre 2024 est une décision qui est contestable par voie de grief. Cette prétention juridique n’a pas de place dans un affidavit et n’est donc pas admissible : Canada (Procureur général) c Quadrini, 2010 CAF 47 au para 18. Mme Day cite également certaines dispositions des ORFC, comme le chapitre qui prescrit les procédures d’un grief et l’article qui porte sur le délai pour déposer un grief. Même s’il s’agit de questions qui ne sont pas controversées, de telles déclarations constituent en fait des observations juridiques. La Cour fera abstraction de ces déclarations inadmissibles.

b) Le 1er affidavit du demandeur

[27] Le demandeur a déposé son 1er affidavit à l’appui de sa requête en confidentialité et non dans le contexte de la requête du défendeur en radiation. Cependant, le 1er affidavit soulève des questions d’urgence et du caractère inadéquat des recours internes, notamment le processus de grief selon la Loi sur la défense nationale. Ces questions sont pertinentes aux questions de compétence et de prématurité de la demande de contrôle judiciaire. Étant donné que le demandeur a soulevé cette question avant la requête du défendeur, la Cour est prête à tenir compte des paragraphes qui portent sur l’urgence et l’inadéquation du processus de grief. Le reste du 1er affidavit sera considéré dans le cadre de la requête en confidentialité.

c) Le 2e affidavit du demandeur

[28] Le demandeur a déposé son 2e affidavit en réponse à la requête du défendeur en radiation. Dans cet affidavit, le demandeur rend compte des autres griefs qu’il a déposés pendant son service au sein des Forces canadiennes, de ses interactions avec son commandant avant et après la décision du 9 octobre 2024, de son état de santé et de la prétendue « instrumentalisation » de ses données médicales, d’une plainte qu’il a déposée auprès du Collège des médecins à l’encontre d’un professionnel et de ses croyances au sujet de l’efficacité des recours internes et la nécessité d’une intervention judiciaire.

[29] Le demandeur a annexé à son affidavit des documents portant sur les plaintes et les griefs qu’il a déposés, dont plusieurs sont considérablement caviardés. Il annexe également des documents au sujet d’un rapport rédigé en 2022 par l’Honorable Louise Arbour relatif à l’inconduite sexuelle dans les Forces canadiennes.

[30] Même si certains aspects de cette preuve ont une pertinence limitée, la Cour accepte que la plupart du 2e affidavit du demandeur est pertinent quant à la question de compétence puisqu’elle traite du caractère adéquat du processus de grief, et donc sur la prématurité de la demande et la compétence de la Cour. Il y a, cependant, quelques exceptions. Les évènements décrits par le demandeur qui se sont produits après la décision du 9 octobre 2024, et même après le dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire, ne sont pas pertinents quant à la question de la suffisance et l’efficacité du processus du grief. De même, les allégations du demandeur relatives à la clinique médicale et la plainte qu’il a déposée auprès du Collège des médecins n’ont pas de pertinence quant au caractère adéquat du processus de grief. Cette preuve n’est donc pas admissible.

[31] De surcroît, le demandeur renvoie généralement à la jurisprudence au sujet de l’épuisement des recours internes, une prétention de nature juridique. Comme les observations juridiques qui se trouvent dans l’affidavit Day, une telle observation ne devrait pas être incluse dans un affidavit. La Cour écartera cette prétention.

d) Le 3e affidavit du demandeur

[32] Le 3e affidavit du demandeur fait l’objet de sa requête visant l’introduction de nouveaux faits. Selon le demandeur, cet affidavit « complète [sa] réponse à la demande de radiation ». Cependant, les faits et les documents présentés dans cet affidavit ne sont pas pertinents afin de déterminer si la décision du 9 octobre 2024 était susceptible d’être portée en grief, ou si le processus de grief prévu par la Loi sur la défense nationale est un recours adéquat. L’affidavit et les pièces jointes abordent la condition médicale du demandeur en 2025, sa demande de libération volontaire en 2025, et des communications et des documents connexes. L’affidavit n’est donc pas admissible dans le cadre de la requête du défendeur en radiation.

[33] Cela dit, même si le 3e affidavit était admis, il ne modifierait aucunement la conclusion de la Cour sur la requête en radiation.

B. La déclaration doit être radiée

(1) Principes

[34] Les principes applicables à une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire sont bien établis par la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale :

  • un avis de demande de contrôle judiciaire ne sera radié que s’il est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli, c’est-à-dire dans le cas exceptionnel d’un « vice fondamental et manifeste » qui infirmerait à la base la capacité de la Cour à instruire la demande ou une autre circonstance qui amènerait la Cour à conclure que le recours est « voué à l’échec » : JP Morgan au para 47; Bernard c Canada (Procureur général), 2019 CAF 144 au para 33;

  • les allégations de fait dans l’avis de demande doivent être tenues pour avérées, à moins qu’elles ne soient manifestement ridicules, impossibles à prouver, ou fondées sur des suppositions, des conjectures ou de la spéculation : JP Morgan au para 52; Wenham au para 33; Canada c Scheuer, 2016 CAF 7 au para 19;

  • la Cour lit l’avis de demande de manière à trouver sa véritable nature, en s’employant à en faire une lecture réaliste, globale et pratique, sans s’attacher aux questions de forme : JP Morgan aux para 49–50; Wenham au para 34;

  • une demande de contrôle judiciaire peut être radiée si elle est introduite malgré l’existence d’un recours approprié et efficace ailleurs, sauf dans des circonstances exceptionnelles : JP Morgan aux para 66, 84–91; Dugré c Canada (Procureur général), 2021 CAF 8 aux para 34–37; Wilson c Énergie atomique du Canada Limitée, 2015 CAF 17 aux para 31–33, infirmé pour un autre motif, 2016 CSC 29; CB Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61 aux para 4–5, 30–33, 51.

(2) La nature de la demande de contrôle judiciaire

[35] Dans l’avis de demande, le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 9 octobre 2024 par son commandant. La décision, qui se trouve dans un formulaire intitulé « Examen administratif des contraintes à l’emploi pour raisons médicales (EA CERM) », porte sur l’aptitude médicale du demandeur à poursuivre ses fonctions. Dans la décision, le décideur conclut que le demandeur rencontre la catégorie médicale minimale pour son métier et est apte à poursuivre sa formation et son emploi au sein de son unité, pourvu qu’il respecte une contrainte médicale identifiée dans le formulaire.

[36] Le demandeur allègue que la décision « modifie arbitrairement » sa catégorie médicale. Il sollicite l’annulation de la décision et une « reconnaissance des contraintes de sa catégorie médicale permanente ».

(3) La décision est susceptible à un processus de grief

[37] Le paragraphe 29(1) de la Loi sur la défense nationale accorde à « tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes » le droit de déposer un grief. Cette Cour a décrit, à de nombreuses reprises, la portée de ce paragraphe comme étant large et même la « plus large possible » : Dunn aux para 137–140; Graham au para 33; Jones c Canada (Chef d’état-major de la Défense), 2022 CF 1106 au para 21; Fortin c Canada (Procureur général), 2021 CF 1061 au para 25; Doucette c Canada (Procureur général), 2018 CF 697 aux para 28–29; Bernath c Canada, 2005 CF 1232 aux para 35–37.

[38] Il ne peut être contesté que la décision du 9 octobre 2024 au sujet de l’aptitude médicale du demandeur est « une décision […] dans les affaires des Forces canadiennes » par laquelle le demandeur s’estime lésé. Le paragraphe 29(1) donne donc au demandeur l’opportunité de déposer un grief contre la décision. Le demandeur ne prétend pas le contraire.

[39] Tel que confirmé par la jurisprudence citée ci-dessus, le paragraphe 29(1) est obligatoire; il exige que le processus de grief suive son cours avant qu’un demandeur sollicite le contrôle judiciaire devant cette Cour : Graham aux para 34–35, citant Sandiford c Canada, 2007 CF 225 au para 28 et la jurisprudence y citée; Doucette aux para 34–35. Ceci n’est que l’application du principe général en droit administratif que le contrôle judiciaire ne soit généralement disponible qu’une fois que les recours alternatifs adéquats sont épuisés : Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37 aux para 38, 40–45; CB Powell aux para 4–5, 30–33; Graham aux para 34–35; Jones au para 17; Fortin au para 18; Dunn aux para 136–140.

(4) Caractère adéquat du processus de grief

[40] Le demandeur accepte les principes précédents, mais il souligne qu’il existe des exceptions à la règle générale d’épuisement. Il prétend qu’en l’espèce, le processus de grief est inadéquat, et que conséquemment, il ne peut pas l’empêcher de solliciter le contrôle judiciaire.

[41] La Cour garde un pouvoir discrétionnaire résiduel d’entendre une demande de contrôle judiciaire même si le demandeur dispose d’un recours administratif : Strickland aux para 42–44; CB Powell aux para 31–33; Le Procureur général du Canada et autres c Smith, 2007 NBCA 58 aux para 8, 16. Cependant, la Cour suprême du Canada a confirmé que la Cour doit « faire preuve de retenue avant de l’exercer » : Tran c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50 au para 22; Fortin au para 51.

[42] Lorsque la Cour est satisfaite qu’il y a un recours administratif disponible auquel elle doit déférer, comme c’est le cas en l’espèce, le demandeur a le fardeau d’établir que la Cour devrait exercer sa compétence résiduelle : Dunn au para 141. La Cour entendra une demande de contrôle judiciaire avant la fin du processus administratif seulement dans des circonstances rares et exceptionnelles : CB Powell au para 31; Wilson au para 33. La doctrine de l’épuisement est donc « quasi absolue » : Dugré aux para 34–37; Viaguard Accu-Metrics Laboratory v Standards Council of Canada, 2023 FCA 63 aux para 3–5 [actuellement disponible seulement en anglais].

[43] Le demandeur prétend que de telles circonstances exceptionnelles sont présentes en l’espèce. Il soulève des aspects de sa situation personnelle et médicale, certaines faiblesses du processus de grief et l’urgence de sa demande. Il prétend que sa cause « met en lumière un problème systémique d’inefficacité, de partialité et de comportement abusifs dans le traitement des griefs internes, [lui] ayant causé un préjudice grave ».

[44] Ayant lu attentivement les éléments de preuve et les prétentions du demandeur, la Cour ne peut pas souscrire à ses arguments. Les preuves mises devant la Cour par le demandeur ne révèlent pas de problèmes systémiques d’inefficacité, de partialité ou d’abus dans le traitement des griefs en vertu de l’article 29 de la Loi sur la défense nationale ni d’autres insuffisances dans le processus de grief qui justifieraient une exception au principe général d’épuisement. Au contraire, pour les motifs qui suivent, la Cour doit forcément conclure que le demandeur n’a ni établi le caractère inadéquat du processus de grief ni même soulevé une question sérieuse à cet égard. Il est donc manifeste et évident que l’avis de demande est irrégulier et qu’il doit être radié. Dans la suite du propos, la Cour traite ci-dessous des arguments avancés par le demandeur quant au caractère inadéquat du processus de grief.

a) Arguments concernant un prétendu conflit d’intérêts

[45] Le demandeur constate que son commandant, qui a rendu la décision du 9 octobre 2024, a été impliqué dans la gestion de plusieurs griefs antérieurs déposés par le demandeur en discrimination, diffamation, manœuvre dilatoire et abus de pouvoir. Il prétend que la décision, ainsi que le contexte dans lequel elle lui a été communiquée, peuvent donner l’impression d’une forme de représailles et d’une apparence manifeste de partialité.

[46] Ayant lu les documents auxquels le demandeur fait référence, il est loin d’être clair que la décision ou son contexte puisse donner l’impression de partialité ou de représailles. Le simple fait que cet officier, en tant que commandant et/ou autorité initiale en vertu des ORFC, a été impliqué dans des griefs ultérieurs ne peut pas en soi soulever une question de partialité : ORFC, arts 7.08, 7.09, 7.14, 7.15. Quoi qu’il en soit, les arguments au sujet de la partialité du décideur peuvent être soulevés dans le cadre d’un grief. Le simple fait que le demandeur soulève des arguments d’impartialité du décideur n’établit pas que le processus de grief est inadéquat : CB Powell au para 33; Vaughan c Canada, 2005 CSC 11 aux para 37–39; Nosistel c Canada (Procureur général), 2018 CF 618 aux para 53, 68–69; Gosselin c Canada (Procureur général), 2023 CF 853 aux para 36–37, 53–58.

[47] À cet égard, le demandeur n’a établi ni que ce même décideur serait (ou aurait été) impliqué dans le processus de grief ni qu’il n’aurait pas l’opportunité de soulevé la question de partialité dans le cadre du grief. Même si le commandant peut généralement agir à titre d’autorité initiale, les ORFC prévoient que l’officier saisi d’un grief qui se rapporte à une de ses propres décisions doit le renvoyer à l’officier qui est son supérieur immédiat et qui a compétence : ORFC, art 7.14(2). De plus, comme le prétend le défendeur, les allégations de partialité peuvent être soumises au chef d’état-major de la défense en tant qu’autorité de dernière instance en matière de griefs : Loi sur la défense nationale, art 29.11; ORFC, art 7.16. Le chef d’état-major de la défense ne peut pas déléguer ses fonctions à titre d’autorité de dernière instance à un délégataire qui serait en situation de conflit d’intérêts réel, apparent ou possible : Loi sur la défense nationale, art 29.14; ORFC, art 7.17.

[48] Le demandeur prétend que la situation de conflit est « aggravée » du fait qu’il a reçu des informations contradictoires de la part des autorités militaires au sujet de sa catégorie médicale. Il est difficile de comprendre cet argument, qui ne porte pas sur le conflit d’intérêts ou la question de partialité. Peu importe, ce sont encore des observations qui pourraient être soulevées dans le cadre d’un grief. Elles ne démontrent aucunement le caractère inadéquat du processus de grief.

[49] La Cour tire la même conclusion quant à l’argument du demandeur fondé sur la signature de son commandant, le décideur, sur la lettre de réponse envoyée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire en vertu de la règle 318 des Règles. Cette réponse s’oppose à la transmission des documents en possession du tribunal. Elle soulève les mêmes motifs qui sous-tendent la demande en radiation du défendeur, dont la disponibilité du processus de grief et le principe d’épuisement. La signature du décideur sur cette lettre n’a aucune incidence sur le caractère inadéquat du processus de grief.

[50] À l’appui de son argument, le demandeur cite l’arrêt Smith de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le processus de grief alors en vigueur pour les employés de la Gendarmerie Royale du Canada était « incapable de répondre aux cas difficiles et de le faire en temps utile », qu’il ne pouvait pas offrir un redressement efficace pour les plaintes de harcèlement, et que dans le cas complexe du Sergent Smith, il ne constituait pas d’un obstacle à son action en dommages-intérêts : Smith aux para 27–29, 50–60.

[51] Même si l’arrêt Smith donne un exemple de circonstances exceptionnelles exonérant un demandeur de suivre le processus de grief en faveur d’un contrôle judiciaire, le demandeur n’a pas établi de quelle manière les principes dans l’affaire Smith s’appliquent à sa situation. D’ailleurs, en l’espèce, il ne s’agit pas d’une plainte en harcèlement, mais d’un grief au sujet d’une décision sur l’aptitude médicale. Le demandeur souligne également que son commandant, qui a pris la décision du 9 octobre 2024, continue de communiquer avec lui. Ceci n’est pas surprenant étant donné que le décideur demeure le commandant du demandeur, et que ses fonctions ne sont pas suspendues par le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire ou d’un grief.

[52] Il semble que lors d’une rencontre en octobre 2024, le demandeur a informé son commandant qu’il avait subi de la discrimination au cours de son service militaire. Dans une lettre de suivi au mois de décembre 2024, le commandant a : (i) confirmé qu’il mettrait tout en œuvre pour offrir des conditions en vue d’un retour au travail agréable, inclusif et exempt de toute forme de discrimination; (ii) encouragé le demandeur de l’informer de tous manquement ou représailles à son égard ou de contacter les conseillers en matière de harcèlement ou de relation de travail; (iii) rappelé le demandeur des ressources disponibles pour faciliter sa réintégration; et (iv) confirmé que s’il y avait des incidents non rapportés de discrimination que le demandeur veuille signaler, il se ferait un devoir de les adresser conformément au processus en vigueur. Le demandeur prétend que cette lettre « soulève des préoccupations quant à l’apparence d’impartialité et à l’intégrité même du processus décisionnel », tirant des comparaisons avec l’arrêt Smith. La Cour ne voit pas comment cette preuve d’ouverture du commandant à recevoir des plaintes de discrimination de la part du demandeur peut raisonnablement être perçue comme un signe d’impartialité, et encore moins comme un manque d’intégrité du processus de grief.

[53] Finalement, le demandeur prétend que les preuves déposées au sujet de ses autres griefs et la plainte qu’il a déposée auprès du Commissariat à l’intégrité du secteur public établissent « l’existence d’une conduite répréhensible ou d’agissements dans le traitement de ses plaintes ». La Cour n’est pas d’accord. Il est clair que le demandeur a déposé d’autres griefs et d’autres plaintes qui portent sur d’autres évènements. Cependant, ni la preuve au sujet de ces griefs ni la plainte auprès du Commissariat à l’intégrité ne démontrent le caractère inadéquat du processus de grief. À cet égard, le demandeur ne précise pas ses allégations générales de « conduite répréhensible ou d’agissements dans le traitement de ses plaintes ». De telles allégations simples et généralisées sont nettement insuffisantes pour établir le caractère inadéquat du processus de grief.

b) Délai dans le processus de grief et condition médicale du demandeur

[54] Le demandeur décrit la décision contestée comme étant de caractère « exécutoire ». Il prétend que les effets immédiats de la décision affectent directement sa santé, ce qui l’empêche de recourir au processus de grief en temps opportun. Dans son 1er affidavit, le demandeur allègue qu’il y a des « délais excessifs et [systémiques] » dans le processus de grief et que son état de santé ne lui permet pas d’attendre les résultats d’un grief.

[55] La preuve ne soutient pas ces allégations et prétentions. Il n’y a pas de preuve médicale qui confirme que la décision du 9 octobre 2024 a causé les effets allégués sur la santé du demandeur. Au contraire, le demandeur lui-même témoigne que la gestion de son dossier médical a atteint un « point critique » plus de deux mois plus tard, en décembre 2024, après la lettre de suivi du commandant décrite ci-dessus. Cette lettre et la note médicale datée du 22 décembre 2024 n’expliquent pas pourquoi le demandeur ne pouvait pas déposer un grief de la décision du 9 octobre 2024.

[56] De même, le demandeur affirme dans son affidavit que la décision du 9 octobre 2024 aurait pu être rendue dès juin 2024 et qu’il a subi un préjudice considérable du fait qu’elle ne lui a pas été communiquée avant le 23 octobre 2024. Toutefois, le demandeur n’a présenté aucune preuve médicale à cet égard. Dès lors, le demandeur n’a établi ni la nature du préjudice ni l’effet préjudiciable de la date de communication de la décision. Qui plus est, il n’explique pas en quoi ce délai rend le processus de grief inadéquat.

[57] Quant à la question du délai dans le processus de grief, la preuve déposée révèle qu’il y avait certains délais dans l’évaluation d’au moins un grief déposé par le demandeur en 2023. Cependant, même si le demandeur fait référence à plusieurs griefs et témoigne qu’ils se sont « heurtés de manière quasi systématique à des pratiques dilatoires et à un manque de diligence notable », ces allégations manquent de précision. La preuve devant la Cour, largement caviardée, n’établit simplement pas un manquement pervasif ou systémique de diligence dans le traitement des griefs déposés par le demandeur en vertu de l’article 29 de la Loi sur la défense nationale.

[58] Sur ce point, la référence du demandeur aux extraits du rapport Arbour ne démontre pas l’existence de « circonstances exceptionnelles ». Ce rapport soulève des préoccupations à l’égard du processus de grief, y compris des « délais déraisonnables pour statuer sur de nombreux griefs », mais il concerne principalement des griefs liés aux plaintes d’inconduite sexuelle, de harcèlement sexuel ou de discrimination sexuelle. Apparemment, le rapport Arbour a mené à un changement de politique au sein des Forces canadiennes selon lequel les militaires peuvent porter ce genre de plainte directement auprès de la Commission canadienne des droits de la personne sans objection par les Forces canadiennes fondé sur le processus de grief. Ce changement de politique ne saurait justifier une exception générale à la doctrine d’épuisement et ne permet pas d’établir le caractère inadéquat du processus de grief dans son ensemble. D’ailleurs, cette Cour a conclu, même après le rapport Arbour, que le processus de grief en vertu de l’article 29 constitue un recours adéquat qui empêche un recours judiciaire avant que celui-ci ne soit terminé : Dunn aux para 137–159; Graham aux para 44–45, 50–54.

[59] La Cour note aussi que malgré les arguments du demandeur au sujet de l’urgence et l’importance d’un recours rapide, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire presqu’à la date limite prévue. Il n’a pas sollicité un échéancier abrégé ou une date d’audience avancée. Il n’a pas demandé de mesures provisoires avant le dépôt, un mois après le commencement de la demande, de sa requête en anonymat et confidentialité. Le fait qu’il ne recoure pas à ses mesures, même si elles ne sont pas nécessaires, s’oppose à la logique de son argumentation selon lequel son état de santé requiert un processus plus rapide que celui du grief.

[60] Sur la question des mesures provisoires, le demandeur souligne que le processus de grief ne permet pas de suspendre la décision du commandant. Cependant, en l’absence d’ordonnance en sursis ou suspension, que le demandeur n’a pas demandé, une demande de contrôle judiciaire ne donne pas davantage lieu à une suspension de la décision contestée. Mis à part la question d’anonymat et de confidentialité, la seule mesure provisoire sollicitée par le demandeur est une ordonnance interdisant toute convocation physique ou sollicitation directe du demandeur par l’unité militaire. La Cour examinera cette requête sur le fond ci-après.

c) Arguments concernant le bien-fondé de la décision

[61] Certains des arguments du demandeur s’adressent non au processus de grief, mais plutôt au bien-fondé de la décision du 9 octobre 2024. Il prétend, par exemple, que la décision va à l’encontre de la preuve médicale, qu’elle est déraisonnable et irrationnelle, et qu’elle n’était justifiée que par des motifs laconiques.

[62] Ces arguments pourraient être soulevés dans le contexte d’un grief de la décision et ne sont pas pertinents à la question du caractère adéquat du processus de grief en lui-même. Le bien-fondé d’une décision, sa déraisonnabilité ou l’insuffisance alléguée de ses motifs ne sont pas des justifications valables pour écarter le processus de grief prévu par le législateur. Ils ne témoignent surtout pas du caractère inadéquat de ce processus.

d) Conclusion

[63] Le demandeur n’a donc pas établi que le processus de grief prévu par l’article 29 de la Loi sur la défense nationale est inapte ou inadéquat pour contester la décision de son commandant du 9 octobre 2024 ou qu’il y a des circonstances exceptionnelles qui justifient l’écart de ce processus en faveur d’une demande de contrôle judiciaire immédiate. Par conséquent, il est évident et manifeste que l’avis de demande du demandeur doit être radié dans sa totalité.

(5) Une modification ne peut pas rectifier le vice fondamental

[64] La Cour peut radier un avis de demande avec ou sans autorisation de le modifier. En règle générale, la Cour autoriserait une modification s’il n’est pas évident et manifeste que l’avis comporte un vice qui ne peut être corrigé par une modification : Simon c Canada, 2011 CAF 6 au para 8, par analogie à la règle 221. En l’espèce, le vice fondamental est la prématurité de l’avis de demande compte tenu du processus administratif de grief prévu par la Loi sur la défense nationale. Ceci n’est pas un vice qui pourrait être corrigé par une modification de l’avis de demande; il est inhérent à l’introduction de la demande.

[65] De plus, même si l’avis de demande dans son état actuel n’aborde pas les questions de la compétence de la Cour, le caractère adéquat du processus de grief, la prématurité ou le principe d’épuisement, le demandeur a eu l’occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments sur ces questions. Malgré cette opportunité, il n’a pas convaincu la Cour qu’une exception à ce principe est justifiée en l’espèce. La Cour est donc satisfaite qu’une modification à l’avis de demande ne permettrait pas d’établir que le processus de grief est inadéquat.

[66] Par conséquent, la Cour conclut qu’il est approprié de radier l’avis de demande sans autorisation de modification.

C. Une ordonnance provisoire n’est pas justifiée

[67] L’avis de demande étant radié, il n’y a pas de procédure dans laquelle une ordonnance provisoire peut être accordée. L’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales présume que la Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire valable. Malgré cette conclusion, la preuve devant la Cour ne justifie tout de même pas d’accorder l’ordonnance provisoire sollicitée par le demandeur.

[68] Le demandeur réclame une ordonnance exigeant que « toute convocation ou sollicitation physique du demandeur soit suspendue jusqu’au jugement final, et que toute communication passe par son avocat ». En fonction du contexte, il est clair que l’ordonnance demandée vise la gestion du service militaire du demandeur et cherche à empêcher des membres des Forces canadiennes, y compris son commandant, de le convoquer ou de communiquer directement avec lui. La justification avancée par le demandeur pour cette ordonnance extraordinaire est exprimée de manière assez générale. Dans ses prétentions écrites, le demandeur fait référence de manière imprécise à la preuve médicale et à l’effet des sollicitations passées et prétend que le refus d’une telle ordonnance crée un risque réel et sérieux de détérioration de son état de santé.

[69] Cependant, la preuve médicale déposée par le demandeur ne soutient pas ces prétentions. Cette preuve ne porte pas sur ses capacités de communiquer ou de se présenter une fois convoqué et elle n’étaye pas la déclaration que les sollicitations passées ont aggravé son inaptitude médicale. Il n’est pas nécessaire de spécifier dans ce jugement la nature des diagnostics professionnels; il suffit de souligner que les documents et diagnostics médicaux devant la Cour ne soulèvent pas de telles préoccupations : voir Dossier du Demandeur — Avis de requête pour amendement, introduction de faits nouveaux et ordonnance provisoire [Dossier de Requête], pp 21, 56, 67. Ce n’est que dans sa correspondance et celle de ses avocats avec les Forces canadiennes que la nécessité de ne pas se présenter en personne est invoquée : Dossier de Requête, pp 36–37, 60, 63–64, 72–73, 75.

[70] Néanmoins, lorsque le demandeur a soulevé ses préoccupations quant à sa présence physique et a confirmé l’autorité de ses avocats, les Forces canadiennes ont accepté de procéder par l’entremise de ses avocats : Dossier de Requête, pp 35, 38, 63. Le demandeur reconnaît que les Forces canadiennes ont souscrit à ses demandes, mais il prétend que « [l]’unité ayant elle-même validé la remise par procuration, il est à propos que la Cour entérine cette modalité par ordonnance ». La Cour n’est pas d’accord. Même si la Cour disposait du pouvoir de prévenir les Forces canadiennes de contacter un de ces membres, la preuve devant la Cour est loin d’être suffisante pour justifier une ordonnance exigeant que les Forces canadiennes fassent ce qu’elles font déjà.

D. Une ordonnance limitée en confidentialité est appropriée

[71] Dans sa première requête, le demandeur sollicite une ordonnance de confidentialité interdisant la divulgation au public de ses informations médicales et personnelles, ainsi qu’une ordonnance d’anonymisation visant à remplacer son nom par un pseudonyme pour les fins du dossier de la Cour ainsi que les décisions publiées. Pour les motifs qui suivent, une ordonnance plus limitée que celle à large portée sollicitée par le demandeur est accordée, mais non une ordonnance d’anonymisation.

(1) Principes

[72] Par exigence constitutionnelle, les dossiers et les décisions de cette Cour sont présumés ouverts au public. Comme la Cour suprême du Canada l’a confirmé, « il existe une forte présomption en faveur de la publicité des débats judiciaires » : Sherman (Succession) c Donovan, 2021 CSC 25 aux para 2, 30.

[73] La Cour suprême a également confirmé que malgré cette présomption, il se peut que dans des circonstances exceptionnelles, des intérêts opposés justifient la restreinte du principe de la publicité des débats judiciaires : Sherman (Succession) aux para 3, 31. Il y a donc des circonstances où il serait justifié d’émettre une ordonnance qui limite l’accès du public.

[74] La règle 151 permet à la Cour d’ordonner que des documents ou éléments matériels déposés soient considérés comme confidentiels, si elle est convaincue qu’il est nécessaire de le faire étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires. Suivant l’arrêt Sherman (Succession), pour démontrer qu’une telle ordonnance en confidentialité et/ou en anonymisation est appropriée, un demandeur doit démontrer que (1) la publicité des débats présente un risque sérieux pour un intérêt opposé qui revêt une importance pour le public, (2) l’ordonnance est nécessaire pour écarter le risque, et (3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de cette ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs : Sherman (Succession) aux para 3, 38; Rémillard c Canada (Revenu national), 2022 CAF 63 aux para 49–51; Mamut c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 243 aux para 16–18.

[75] Quand il s’agit de la vie privée, la diffusion des renseignements personnels doit entraîner non un simple désagrément ou embarras, mais une atteinte à la dignité d’une personne. La question n’est donc pas si les renseignements sont « personnels », mais bien si, en raison de leur caractère très sensible, leur diffusion entraînerait une atteinte à la dignité que la société dans son ensemble a intérêt à protéger : Sherman (Succession) aux para 33–35, 56; Rémillard au para 51. À cet égard, un certain degré d’atteinte à la vie privée, entraînant des inconvénients, la contrariété ou de l’embarras, est inhérent à toute instance judiciaire accessible au public. La susceptibilité individuelle et le simple désagrément personnel découlant des procédures judiciaires ne sont pas susceptibles de justifier l’exclusion du public aux procédures judiciaires : Sherman (Succession) au para 31.

[76] Étant donné l’importance centrale de la publicité des débats judiciaires, toute ordonnance de confidentialité doit être limitée aux renseignements qui satisfont aux exigences de l’arrêt Sherman (Succession). Comme l’a exprimé la Cour d’appel fédérale [ma traduction] : « [t]out secret doit être nécessaire, justifié et minimisé » : Ontario Addiction Treatment Centres v Canada (Attorney General), 2023 FCA 236 au para 11 [actuellement disponible seulement en anglais].

(2) Application à la présente affaire

[77] Le demandeur cherche une ordonnance de confidentialité très large, qui couvre « toute mention du nom complet du demandeur et toute information sensible, personnelle ou médicale contenue dans le dossier ». Selon les versions publiques proposées de ses dossiers de requête, cette information comprendrait, en plus de son nom : sa profession; sa ville de domicile; la durée de sa carrière auprès des Forces canadiennes; la date de la décision contestée; la décision contestée dans sa totalité; le nom du décideur; et l’entièreté des pièces jointes à son 2e et 3e affidavits. Selon le demandeur, seulement une telle ordonnance assurerait sa dignité, sa vie privée et sa réputation. Le demandeur prétend en particulier qu’en raison de sa profession, sa réputation est particulièrement essentielle à son rôle et que la publication de son nom et de ses informations médicales pourrait avoir un impact sur sa carrière et sa crédibilité professionnelle. Il ajoute qu’une ordonnance de confidentialité est nécessaire pour préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et garantir un procès équitable.

[78] La Cour accepte, tout comme le défendeur, que les informations médicales au sujet du demandeur, c’est-à-dire le contenu substantif des rapports médicaux à son égard, puissent constituer des « aspects fondamentaux de la vie personnelle [du demandeur] qui se rapportent à [sa] dignité » et qu’en raison de « leur caractère très sensible, leur diffusion entraînerait une atteinte à sa dignité » : Sherman (Succession) aux para 33–34, 77. La Cour est également satisfaite qu’une ordonnance est nécessaire pour écarter ce risque d’atteinte à la dignité du demandeur et que, du point de vue de la proportionnalité, les avantages d’une ordonnance limitant l’accès à ces informations médicales l’emportent sur ses effets négatifs : Sherman (Succession) aux para 3, 38. Ces informations satisfont donc aux critères de l’arrêt Sherman et une ordonnance de confidentialité est justifiée à l’égard de ces informations. Par souci de clarté, il s’agit seulement des informations médicales au sujet de la santé du demandeur, y compris les diagnostics, les plans de traitements recommandés et la conclusion qui se trouve dans la partie 4 du formulaire EA CERM. Conséquemment, cette conclusion exclut la décision administrative contestée du commandant dans la partie 5 du formulaire, qui ne révèle pas de détails quant aux informations médicales du demandeur.

[79] Cependant, la Cour n’est pas convaincue que les autres informations que le demandeur cherche à caviarder du dossier, y compris son nom, sa profession, sa ville de domicile, et les documents administratifs qu’il a déposés auprès de la Cour, satisfont aux critères de l’arrêt Sherman.

[80] En particulier, le demandeur n’a pas établi qu’il s’agit d’une des circonstances exceptionnelles dans laquelle une ordonnance d’anonymisation est justifiée. Soulignons que la Cour suprême du Canada a affirmé que « la partie qui engage un débat judiciaire renonce, à tout le moins en partie, à la protection de sa vie privée » : Lac d’Amiante du Québec Ltée c 2858-0702 Québec Inc, 2001 CSC 51 au para 42; Sherman (Succession) au para 58. Le demandeur n’a pas établi que la diffusion de son nom ou sa profession dans le contexte de la présente demande, porterait atteinte à sa dignité, ou à ses perspectives de carrière au point de restreindre la publication des débats judiciaires. Il ne s’agit pas dans l’espèce des renseignements qui « révèlent quelque chose d’intime et de personnel sur la personne, son mode de vie ou ses expériences » : Sherman (Succession) au para 77.

[81] La Cour suprême a souligné qu’un demandeur ne peut pas se contenter d’affirmer sans fondement que l’intérêt du public à l’égard de la dignité est compromis : Sherman (Succession) au para 35. Les prétentions du demandeur au sujet de l’anonymisation consistent effectivement à des simples affirmations que la publication de son nom pourrait avoir un impact sur sa carrière, sans aucun support de preuve. De telles prétentions ne suffisent pas pour satisfaire aux exigences de l’arrêt Sherman (Succession).

[82] Il va de même pour les autres documents administratifs et les communications qu’a eu le demandeur avec les Forces canadiennes. Certains de ces documents mentionnent la condition de santé du demandeur et pourraient être donc caviardés en partie. Cependant, le demandeur n’a pas établi que ces documents devraient être caviardés en totalité, comme le suggèrent les versions confidentielles et publiques proposées de ses dossiers de requête.

[83] La Cour conclut donc qu’une ordonnance en confidentialité plus circonscrite que celle sollicitée par le demandeur est justifiée et appropriée. En particulier une ordonnance en vertu de la règle 151 sera accordée selon laquelle les informations particulières et substantives au sujet de la condition médicale du demandeur sont considérées comme confidentielles.

[84] Le demandeur a déposé des versions publiques des deux dossiers de requête : son « Dossier du demandeur », déposé le 9 décembre 2024, pour une ordonnance en confidentialité et anonymisation, et son « Dossier du demandeur — Avis de requête pour amendement, introduction de faits nouveaux et ordonnance provisoire ». Compte tenu de l’ordonnance moins large en confidentialité, les versions publiques proposées sont trop caviardées. Le demandeur est donc tenu de déposer de nouvelles versions publiques de ces deux dossiers de requête qui caviardent uniquement les informations médicales du demandeur décrites ci-dessus.

[85] Étant donné la nature de la requête du demandeur en confidentialité et anonymisation et puisque la publication de ce jugement risque de rendre tout appel à ce sujet théorique en l’absence d’une ordonnance en sursis, la Cour ordonne que ce jugement ne soit pas publié dans les 30 jours suivant sa transmission aux parties.

E. Dépens

[86] Le défendeur réclame ses dépens de sa requête en radiation tandis que le demandeur demande qu’aucuns dépens ne soient octroyés pour cette requête. Le demandeur réclame les dépens pour sa requête pour déposer un affidavit supplémentaire et pour une ordonnance provisoire, à laquelle le défendeur n’a pas répondu. Ni le demandeur ni le défendeur n’ont demandé des dépens pour la requête du demandeur en confidentialité. Aucun des deux n’a fait d’observations substantives au sujet des dépens.

[87] Reconnaissant sa pleine discrétion en matière de dépens, la Cour conclut qu’il n’y a aucune raison de ne pas suivre la règle habituelle selon laquelle la partie gagnante devrait avoir ses dépens. Ayant considéré les facteurs énumérés à la règle 400(3), le résultat de l’affaire, sa complexité, et le fait que la requête a été présentée par écrit selon la règle 369, les dépens fixés d’une somme de 1 500 $ seront accordés au défendeur à l’égard de sa requête en radiation. Aucuns frais ne seront accordés à l’égard des deux autres requêtes.

IV. Conclusion

[88] Pour ces motifs, la déclaration du demandeur est radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier. La requête du demandeur en confidentialité et anonymisation est accordée en partie. La requête du demandeur pour une ordonnance provisoire et le dépôt d’un affidavit supplémentaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier T-3022-24

LA COUR STATUE que

  1. La requête en radiation du défendeur est accueillie. L’avis de demande du demandeur est radié dans son intégralité, sans autorisation de le modifier, avec dépens fixés d’une somme de 1 500 $.

  2. La requête en confidentialité et anonymisation du demandeur est accordée en partie, sans dépens, selon les modalités suivantes :

    1. Les renseignements personnels médicaux du demandeur, notamment le contenu substantif des rapports médicaux, les diagnostics, les traitements et/ou les cours de traitement recommandés, seront considérés comme confidentiels et traités comme tels par la Cour et le greffe et ne doivent être accessible à personne d’autre qu’aux parties et au personnel judiciaire compétent.

    2. Le demandeur est tenu de déposer, dans les 30 jours suivant la date de ce jugement ou dans tout autre délai accordé par la Cour sur requête informelle du demandeur, des versions publiques de ses deux dossiers de requête dont il a déposé des versions confidentielles, qui reflètent la rédaction seulement des informations identifiées au paragraphe 2a.

    3. La requête est par ailleurs rejetée et le dossier ne serait pas anonymisé.

  3. La requête du demandeur pour amendement, introduction de faits nouveaux et ordonnance provisoire est rejetée, sans dépens.

  4. Ce jugement et motifs ne seront pas publiés sur le site web de la Cour ou accessible au public pendant 30 jours suivant la date du jugement.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-3022-24

INTITULÉ :

SAMI ELMALKI c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTES ÉCRITES EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 septembre 2025

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me Chakib Benhadji Serradj

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Me Laurence Charron-Raymond

Me Benoît de Champlain

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Chakib Benhadji Serradj

Montréal (Québec)

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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