Date : 20251024
Dossier : T-2706-24
Référence : 2025 CF 1720
Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2025
En présence de l’honorable juge Duchesne
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ENTRE : |
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A HOSAIN GH HOSAIN |
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demandeur |
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et |
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
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défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision [la Décision] rendue le 12 septembre 2024 par un conseiller de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] en vertu des articles 27 et 29 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17, [la LRPCFAT].
[2] Le conseiller de l’ASFC a déterminé en vertu de l’article 27 de la LPRCFAT que le demandeur avait commis l’infraction prévue à l’article 12(1) de la LPRCFAT en considération d’espèces saisies lors de son arrivé à un point d’entrée au Canada, soit, lors de son arrivé à l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau le 11 décembre 2023. Le conseiller de l’ASFC a aussi décidé en vertu de l’article 29 de la LRPCFAT que les espèces de 45,355 USD et 695 CAD en la possession du demandeur lors de son entrée au Canada seraient retenues à titre d’espèces confisquées.
[3] Le demandeur n’a pas démontré que la Décision est déraisonnable. Sa demande est donc rejetée pour les motifs qui suivent.
I. Les faits
[4] Le demandeur, A Hosain GH Hosain, a quitté Sacremento aux États-Unis d’Amérique sur un vol aérien et, après des escales à Salt Lake City et Washington, est arrivé à l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau le 11 décembre 2023. Il a rempli sa déclaration aux douanes au kiosque d’inspection primaire automatisé, a choisi la langue anglaise comme sa langue de communication pour les fins de sa déclaration, et a répondu « non »
à la question qui lui demandait s’il était en possession d’espèces ou d’instruments monétaires d’une valeur égale ou supérieure à 10 000 $ en dollars Canadiens.
[5] Il a par la suite interagi avec un agent frontalier de l’ASFC a un poste d’inspection et lui a verbalement déclaré être en possession d’une somme de 5 000 USD. Le demandeur a ensuite subi un examen secondaire par d’autres agents de l’ASFC [les Agents] en raison de l’incohérence entre sa déclaration au kioske d’inspection et ses propos à l’agent de l’ASFC.
[6] Vers 20h30 le 11 décembre 2023, lors de l'examen secondaire du demandeur et lors de la vérification de ses effets personnels, les Agents découvrent deux enveloppes contenant 20 000 USD chacune entre des couches de vêtements et à des endroits différents dans son bagage à mains. Le demandeur déclare aux Agents lors de leur découverte, « Please give me chance »,
« Please just give me a fine and I will pay and leave with the money »,
et « You can take me to jail »
en tendant les poignets comme pour être menotté.
[7] L’examen secondaire du demandeur révèle qu’il possède 451 billets de 100 USD et d’autres espèces pour un total de 45 355 USD et 695 CAD pour un total en espèces de 62 241,74 CAD.
[8] Les Agents posent d’autres questions au demandeur afin de tenter de déterminer la source des espèces en sa possession. Le demandeur informe les Agents qu’il avait emprunté la somme en USD de son cousin, Ahmad Wahidi, pour défrayer les dépenses de noces de sa fille. Le demandeur informe les Agents que son cousin travaille pour la compagnie Japonaise JDM NextGen dans le domaine de l’importation et l’exportation des transmissions et d’autres pièces automobiles.
[9] À la demande des Agents de parler au cousin prêteur des fonds, le demandeur ouvre son téléphone et appelle son cousin afin de permettre aux Agents de lui poser quelques questions. Le nom qui apparait à l’afficheur du téléphone du demandeur est « Ahmad Amrika »
et non Ahmad Wahidi. Un individu répond à l’appel et s’identifie comme étant « Amir Ali Mohammed ».
[10] Monsieur Mohammed informe les Agents qu’il travaille pour JDM, une compagnie qui œuvre dans l’importation et l’exportation des pièces automobile. Monsieur Mohammed n’identifie pas le siège social de JDM en dépit des questions qui lui sont posées à cet égard. Monsieur Mohammed informe les Agents qu’il a prêté 25 000 USD au demandeur et que son ami, Ahmad Wahidi, a prêté un autre 15 000 à 20 000 USD au demandeur. Monsieur Mohammed devient agité et injure les Agents de façon répété lorsqu’ils lui demande de divulguer la source des espèces qu’il dit avoir prêté au demandeur et, sans décrire la source des fonds mais en affirmant qu’il ne veut plus répondre aux questions des agents tout en les injuriant, rompt la communication et raccroche.
[11] Le demandeur répond à d’autres questions des Agents et divulgue qu’il voyage souvent en avion avec 10 000 $ en espèces sans aucun problème. Les Agents demandent au demandeur s’il a déjà eu des problèmes lors de son arrivé au Canada avec 10 000 $ en espèces. Le demandeur leur répond que oui. Il affirme avoir été l’objet de saisie d’espèces lors de son entrée au Canada à deux reprises auparavant, soit, une fois à Vancouver et une autre fois à Montréal.
[12] Les Agents demandent encore au demandeur d’identifier la source des espèces en sa possession. Le demandeur réitère qu’il est disposé à payer une amende sans pour autant identifier la source des espèces en question.
[13] Les Agents notent que les informations qui leurs sont disponibles reflètent que le demandeur a eu 24 passages dans le Système intégré des Douanes, a antérieurement fait l'objet de 8 inspections secondaire, et de deux saisies. Les Agents continuent leur enquête dans le cadre de l’examen secondaire.
[14] L’enquête des Agents révèle entre autre que :
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a)Le demandeur avait reçu des espèces de deux tiers distincts alors que son narratif original était qu’il avait reçu un seul prêt d’une seule personne, son cousin;
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b)Le narratif du demandeur ne cadre pas avec les faits découverts lors de leur examen secondaire; et,
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c)Monsieur Mohammed s’est montré injurieux et a refusé de répondre aux questions des Agents lorsqu’ils posaient des questions sur la source des espèces en question.
[15] L’agent principal de l’ASFC signale au demandeur qu’il a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction au paragraphe 12(1) de la LRPCFAT est survenue en raison de son absence de déclaration des espèces lors de son arrivée au Canada.
[16] L’ASFC informe le demandeur le 12 décembre 2023 que les espèces en question seront saisies et que le demandeur sera arrêté pour possession de biens criminellement obtenus au sens du paragraphe 354(1) du Code criminel. Le demandeur est informé de ses droits lors de son arrestation. Le demandeur indique qu’il comprend ses droits et qu’il ne veut pas parler à un avocat. Les espèces en question sont saisies en vertu de l’article 18(2) de la LRPCFAT. Le demandeur est libéré le 12 décembre 2023.
[17] Le 6 mars 2024, le demandeur demande la révision de la saisie.
[18] L’ASFC transmet toute la preuve qu’elle a à son dossier par un Avis exposant les circonstances de la saisie au demandeur, l’invite à examiner les pièces, et l’invite à soumettre des commentaires à l’appui de sa demande de révision de la saisie.
[19] Le 22 juillet 2024, suite une prolongation des délais demandée par le demandeur pour soumettre sa preuve et ses arguments, le demandeur soumet 14 pièces totalisant approximativement 150 pages à l’appui de sa demande révision auprès de l’ASFC. La vaste majorité des pièces soumises font état de faits et/ou dépenses reliés au mariage de sa fille. Le demandeur ne fournit pas d’affidavit personnel a l’appui de sa demande de révision. Plutôt il produit un affidavit de son ami Monsieur Ahmed Fouwad, la déclaration de revenus américaine de Monsieur Fouwad pour l’année 2022, une déclaration de revenus pour la personne morale Top Class JDM LLC pour l’année 2022, et des relevés bancaires pour les mois de juillet à décembre 2023 pour Top Class JDM LLC.
[20] Le demandeur reconnait dans ses arguments en révision qu’il lui incombe de prouver que les espèces saisies sont d’origine licite afin qu’elles puissent lui être restituées. Il plaide que les documents soumis établissent que les espèces saisies le 12 décembre 2023 ne proviennent pas de produits de la criminalité, mais bien des activités de l’entreprise Top Class JDM LLC qui se spécialise dans l’importation et l’exportation des pièces de véhicules. Il plaide que les espèces lui avait été remises par un ami, Monsieur Ahmed Fouwad, le propriétaire de Top Class JDM LLC. Il plaide également qu’il avait lui-même expliqué la source des espèces aux Agents et qu’il avait collaboré avec les Agents lors de son entrevue secondaire du 11 décembre 2023 malgré ses difficultés avec la langue anglaise. Le demandeur demande la remise des espèces saisies.
II. La Décision
[21] Le 12 septembre 2024, un conseiller de l’ASFC rend sa Décision sur la demande de révision du demandeur. La Décision communique la détermination du conseiller que le demandeur avait commis l’infraction prévue à l’article 12(1) de la LRPCFAT et que les espèces saisies seront retenues à titre de confiscation.
[22] Le conseiller note les arguments du demandeur dans la Décision :
« En bref, vous contestez cette mesure d'exécution en indiquant que la somme d'argent qui a été saisi n’était pas des produits de la criminalité et que vous avez tenté d’expliquer la nature et la provenance de ces sommes à l’agent saisissant, mais ce fut sans succès. Vous constatez que malgré que vous ne parliez pas convenablement en anglais, que votre droit à un traducteur n’a pas été respecter [sic] ce qui a grandement nuit lors des échanges avec l’agent responsable de la saisie. »
[23] Le conseiller explique dans la Décision que l'article 12(1) de la LRPCFAT exige que les personnes et entités doivent déclarer l'importation d'espèces ou d'effets d'une valeur égale ou supérieure à 10 000,00 CAD (ou un montant équivalent en devises étrangères), à l'ASFC et que l’'article 3 du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces et d'effets, DORS/2002-412 [le Règlement], exige que de tels montants soient déclarés par écrit de manière à satisfaire à toutes les obligations légales de déclaration.
[24] Le conseiller résume les faits saillants, soit, que le demandeur n’a pas déclaré sa possession d’espèces sur sa déclaration lors de son arrivée au Canada, que le demandeur a par la suite dit qu’il possédait des espèces non-déclarés lors de sa présence au kiosque d’inspection primaire, et qu’il fut découvert par la suite lors de son examen secondaire qu’il possédait beaucoup plus d’espèces non-déclarés dissimulées dans son bagage. Ces faits, explique le conseiller, établissent selon la balance des probabilités que le demandeur à fait défaut à son obligation statutaire de déclarer les espèces en vertu de l'article 12 (1) de la LRPCFAT et que ce défaut constitue une infraction en vertu de l’article 27 de la LRPCFAT.
[25] Le conseiller cite la jurisprudence qui s’applique à la question de savoir si les espèces saisies suite à une contravention apparente de l’article 12(1) de LRPCFAT devrait être restitué au demandeur saisi. En citant Sellathurai c Canada (Sécurité publique et Protection civile) 2008 CAF 255 au para 50, le conseiller clarifie que le demandeur doit convaincre le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 29 de la LRPCFAT pour annuler la confiscation des espèces saisies en lui démontrant que les espèces en question ne sont pas des produits de la criminalité en démontrant la légitimité de la provenance des fonds.
[26] Le conseiller résume son analyse de la preuve soumise par le demandeur dans la Décision comme suit :
« Après avoir examiné les éléments de preuve au dossier présentés par toutes les parties, vous ne m'avez pas persuadé que les sommes qui furent saisies ne sont pas des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel. Je comprends que M. Fouwad affirme vous avoir remis une somme de $45,000 USD. Il affirme aussi que ces sommes proviendraient de revenus légitimes découlant de l’entreprise JDM. De la documentation d'incorporation légale de JDM est au dossier, ainsi que des soumissions fiscales en matières de taxes gouvernementales américaines. Cependant, malgré que certaines informations au dossier démontrent que certains individus occupent des emplois ou occupèrent des emplois pour JDM: vous (ainsi que les autres individus) ne m'avez pas soumis de preuve documentée durant l'appel me permettant de valider un ou des liens identifiables ou traçables entre de la monnaie saisie en votre possession et une / des origines légitimes de manière suffisamment détaillée, avec des preuves concluantes, qu’elle provient bien (complètement ou en partie) d’une origine avancée par vous ou par une des personnes ci-haut identifiées.
De plus, les photocopies de relevés bancaires de M. Ahmed Fouwad censés confirmer la source des retraits ne donnent aucun détail sur la source des fonds reçus. Tel qu'indiqué par la jurisprudence (Tran v. Canada 2013 CF 600), le fait que des espèces retirées d’un compte bancaire soient remises à un saisi n’établit pas que cet argent provient d’une source légitime.
[…]
Vous affirmez que vous aviez eu un problème de communication durant l’évènement menant à la saisie. Cependant, les rapports narratifs au dossier indiquent que les agents frontaliers n'ont pas eu de difficulté de communication en anglais avec vous. De plus, la déclaration à la borne électronique fut effectuée dans la langue de votre choix : l'Anglais. A cet égard, j'ai décidé d'assigner davantage de poids aux affirmations faites par les agents frontaliers qui affirmèrent ne pas avoir eu de difficulté de communications en anglais avec vous lors des circonstances en cause. Ces agents sont habilités à administrer la Loi dans l'exercice de leurs fonctions et je ne possède pas d’information au dossier pouvant démontrer un manque d’impartialité envers vous.
Dans ces conditions particulières, vous ne m'avez pas convaincu d'exercer mon pouvoir discrétionnaire pour annuler la confiscation en me démontrant que les fonds saisis ne sont pas des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel. En vertu de l'article 29 de la Loi, j’ai décidé que toutes les sommes saisies seront retenues à titre de confiscation. »
[27] Le demandeur a déposé sa demande de contrôle judiciaire par la suite.
III. Questions en litige
[28] Le demandeur soumet que la question en litige est de savoir si le conseiller a erré en droit en rendant une décision fondée sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve au dossier.
[29] Le défendeur soumet que les questions en litige sont :
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1)La Décision en vertu de l’article 29 de la LRPCFAT de confirmer la confiscation des espèces saisies était-elle raisonnable, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont il disposait est raisonnable à la lumière des faits et du droit applicable; et,
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2)Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale.
[30] Les questions en litige plaidés par le demandeur dans son mémoire de faits et de droit aboutissent aux mêmes questions en litige substantives que celle formulées par le défendeur malgré sa formulation différente d’une seule question en litige ailleurs dans son mémoire de faits et de droit.
IV. Les normes de contrôle
[31] La norme de contrôle applicable à la Décision est la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux paras 16 et 17).
[32] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est une approche au contrôle judiciaire visant à faire en sorte que les cours de justice interviennent dans les affaires administratives uniquement lorsque c’est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif. L’application de la norme de contrôle n’est pas une « simple formalité ».
Ce type de contrôle demeure rigoureux (Vavilov, au para 13). La Cour doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Elle est appréciée en apportant une attention particulière aux motifs écrits du décideur administratif et en les interprétant de façon globale et contextuelle (Vavilov, au para 97).
[33] La décision raisonnable s’apprécie en considérant le contexte dans laquelle la décision est rendue, les contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen, l’historique et le contexte de l’instance, le dossier devant le décideur, l’impact de la décision sur ceux qui sont touchés par ses conséquences, et que ces conséquences soient justifiées au regard des faits et du droit (Vavilov, aux para 88 à 90, 94, et 133 à 135). La norme de la décision raisonnable exige de la cour de justice qu’elle fasse preuve de déférence envers une décision raisonnable (Vavilov, au para 85).
[34] Finalement, il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Il ne conviendrait pas que la cour infirme une décision administrative pour la simple raison que son raisonnement est entaché d’une erreur mineure. La cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable (Vavilov, au para 100).
[35] Soupeser à nouveau les éléments de preuve ou les remettre en question ne fait pas partie du rôle de cette Cour à titre de cour de révision: Doyle c Canada (Procureur général), 2021 CAF 237 (Doyle) aux paragraphes 2 et 3.
[36] Tel que l’explique la Cour d’appel fédérale dans Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [CP Rail], des arguments d’équité procédurale sont évaluées en demandant, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi. Les exigences de l’équité procédurale sont très variables et tributaire du contexte (Knight c. Indian Head School Division No. 19, 1990 CanLII 138 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 682). La teneur ou le degré d’équité requis est circonscrit par les cinq facteurs contextuels non exhaustifs énoncés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), aux pages 837 à 841 [paragraphes 21 à 28]. Aucune norme de contrôle n’est appliquée même si l’exercice de révision est particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte [CP Rail, au para 54].
V. L’encadrement statutaire
[37] Les articles 11.8, 12, 18, 27 et 29 de la LRPCFAT se lisent comme suit :
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[38] L’article 3 et les paragraphes 4(3) et 4(3.1) du Règlement se lisent comme suit :
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VI. Arguments et analyse
A. La décision est raisonnable
[39] L’argument du demandeur porte uniquement sur l’appréciation de sa preuve par rapport à la source légitime des espèces qu’il a importés au Canada. Il ne soulève aucune question qui requiert l’interprétation de la LPRCFAT ou du Règlement.
[40] Le demandeur reconnait dans ses arguments qu’il lui revient de persuader le conseiller de l’ASFC et de prouver que les espèces saisies sont d’origine licites afin que celui-ci considère utiliser son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 29 de la LRPCFAT pour annuler la confiscation des espèces (Sukhvir Singh Sidhu c. Le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile, 2010 CF 911, para 39). Le demandeur plaide qu’il a soumis de la preuve documentaire suffisante pour convaincre le conseiller de l’ASFC que les espèces étaient de source licite et que leur destination était également licite.
[41] Le demandeur cite l’affidavit de son prêteur, Monsieur Fouwad, et les relevés bancaires et documents comptables pour l’entreprise Top Class JDM comme preuve qui révèle la source licite des fonds. Le demandeur admet dans son argument, toutefois, qu’il a soumis aucun lien documentaire vérifiable entre ce qu’il prétend être la source présumée des fonds de Top Class JDM et les espèces saisies.
[42] La Décision fait état du raisonnement et de l’appréciation de la preuve soumis par le conseiller de l’ASFC. Il identifie chaque document soumis par le demandeur à l’appui de ses prétentions en indiquant qu’il les a considéré. Il note explicitement dans la Décision que l’affidavit de Monsieur Fouwad indique qu’il a donné une somme de 45 000.00 USD au demandeur et que l’affidavit ne présente aucun lien documentaire vérifiable entre les sources présumées de fonds et les devises saisies. Le conseiller de l’ASFC n’a pas ignoré la preuve soumise tel que l’argumente le demandeur. Le conseiller de l’ASFC a apprécié la preuve soumise par le demandeur et a noté ce qui était absent de l’affidavit et de la preuve soumise. Les conclusions du conseiller se trouvent parmi les conclusions raisonnables et justifiées à la lumière de la preuve soumise.
[43] Le conseiller de l’ASFC explique son appréciation de la preuve soumise de façon plus générale dans la Décision et remarque qu’il y a une absence de preuve qui lui permet de valider un ou des liens identifiables ou traçables entre de l’argent saisie, la possession des espèces par le demandeur, et une / des origines légitimes de manière suffisamment détaillée avec des preuves concluantes. Le conseiller de l’ASFC a encore ici apprécié et tenu de compte de la preuve soumise. Le conseiller de l’ASFC à encore ici remarqué les insuffisances de la preuve du demandeur. Ces conclusions sont raisonnables et justifiées.
[44] Le conseiller de l’ASFC remarque de plus en citant Tran v Canada, 2013 CF 600, au paragraphe 26, que les relevés bancaires de Monsieur Fouwad n’établissent pas le fait que des espèces retirées d’un compte bancaire sont soit remises à un saisi, ou que les argents retirés proviennent d’une source légitime. Le conseiller a bien appliqué la jurisprudence et conclu à bon droit que les relevés bancaires produits par le demandeur ne suffisaient pas pour convaincre que les espèces confisquées sont de source légitime.
[45] Les arguments du demandeur cachent sa véritable demande : que cette Cour soupèse les documents et la preuve qu’il a soumis à nouveau avec l’espoir qu’une conclusion différente soit retenue. Soupeser la preuve à nouveau ou remettre les éléments de preuve en question ne fait pas partie du rôle de cette Cour en contrôle judiciaire (Doyle c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 237, au para 3). La demande du demandeur est donc vouée à l’échec.
[46] Considérant les dispositions de la LRPCFAT, la jurisprudence citée et appliquée par le conseiller de l’ASFC, la preuve soumise et les faits, la Cour doit conclure que la Décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le conseiller est assujetti. La Décision est raisonnable et le demandeur n’a pas démontré qu’elle souffre d’un manque de justification, de transparence, ou est par ailleurs déraisonnable.
B. L’équité procédurale a été respectée
[47] Le demandeur plaide qu’il ne maitrise pas l’anglais, qu’il a demandé d’avoir recours aux services d’un interprète, et qu’il n’a pas eu un interprète malgré sa demande. Il plaide que son bas niveau de compétence en langue anglaise explique les contradictions dans ses interactions avec les agents de l’ASFC. Il plaide que le conseiller aurait dû demander des documents additionnels ou, du moins, rencontrer le demandeur afin de s’assurer de son niveau de connaissance en anglais et qu’en omettant de le faire, le conseillé n’a pas respecté les principes de justice naturelle.
[48] Le demandeur ne cite aucune jurisprudence à l’appui de son argument.
[49] La Cour note qu’aucune preuve a été soumise au conseiller de l’ASFC que le demandeur avait fait une demande pour les services d’un interprète lors de ses interactions avec les Agents. L’argument du demandeur est donc mal fondé en fait à cet égard. Il ne peut donc pas y avoir déni d’équité procédurale à cet égard.
[50] Les représentations du demandeur en révision au conseiller de l’ASFC affirment que le demandeur a « collaboré tout au long de ses échanges avec les agents de l’ASFC, et ce, malgré ses difficultés dans la langue »
et que le demandeur avait lui-même expliqué la source des fonds aux Agents. L’argument qu’il ne pouvait pas communiquer convenablement afin d’offrir son explication de la source des espèces souffre alors d’une incohérence et d’une contradiction interne fatale.
[51] Les représentations du demandeur au conseiller de l’ASFC ne comportaient aucun argument qu’il y avait des contradictions dans ses interactions avec les agents de l’ASFC ou les Agents, et encore moins que de telles contradictions survenaient en raison de ses compétences linguistiques en langue anglaise. Tout au plus, le demandeur avait soumis une lettre écrite pas sa fille à l’attention de son avocat pour tenter de démontrer les difficultés linguistiques du demandeur lors de ses interactions avec les Agents. Il s’agit du ouï-dire non assermenté sans force probante: la fille du demandeur n’était pas présente lors des interactions du demandeur avec les Agents le 11 et le 12 décembre 2023. L’argument du demandeur doit être rejeté puisqu’il est mal fondé en faits. Il ne peut donc pas y avoir déni d’équité procédurale en raison de cet argument.
[52] La Décision reflète que le conseiller avait compris l’argument du demandeur qu’il avait des difficultés dans la langue anglaise. La Décision reflète également que les rapports narratifs au dossier devant le conseiller indiquaient que les agents frontaliers n'avaient pas eu de difficulté de communication en langue anglaise avec le demandeur, et que le demandeur n’avait pas eu de difficulté de communication en langue anglaise avec les agents. Cette preuve devant le conseiller n’est pas contredite par le demandeur.
[53] L’argument du demandeur que le conseiller aurait dû lui demander des documents additionnels n’a aucun fondement et doit être rejeté. La jurisprudence est claire que le demandeur a le fardeau de la preuve pour démontrer la source légitime des fonds. Le conseiller n’avait aucune obligation de demander au demandeur de bonifier ou d’améliorer sa preuve après que le demandeur avait soumis sa preuve et ses arguments ou une fois que le conseiller avait déterminé que le demandeur n’avait pas satisfait le fardeau qui lui incombe.
[54] Finalement, l’argument que le conseiller aurait dû rencontrer le demandeur afin de s’assurer de son niveau de connaissance en anglais doit également être rejeté. La preuve au dossier devant le conseiller et les arguments présentés par le demandeur faisaient état de compétences linguistiques du demandeur et du fait qu’il avait communiqué avec les Agents et que les Agents avaient communiqués avec le demandeur les 11 et 12 décembre 2023 nonobstant ses limites linguistiques en langue anglaise. Toute rencontre tel que plaidée par le demandeur pour s’assurer du niveau de connaissance en anglais du demandeur serait d’aucune utilité étant donné la preuve au dossier qui faisait état des communications entre le demandeur et les Agents au moment de l’infraction du demandeur. L’équité procédurale n’a pas été enfreinte par la conduite du conseiller.
VII. Conclusion et dépens
[55] La demande de contrôle judiciaire du demandeur doit alors être rejetée.
[56] Le défendeur demande ses dépens fixés à 2 700 $ en vertu des Règles 400(1), 400(3), 407, des Règles des Cours fédérales et du Tarif B. Le défendeur a droit à ses dépens à titre de partie qui a eu gain de cause. La Cour exerce sa discrétion en vertu des Règles 400(1), 400(3) et 407 et fixe les dépens payables par le demandeur au défendeur à 2 700 $.
JUGEMENT au dossier T-2706-24
LA COUR JUGE que :
-
La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.
-
Le demandeur est ordonné à payer des dépens de 2 700 $ au demandeur.
« Benoit M. Duchesne »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DOSSIER : |
T-2706-24 |
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INTITULÉ : |
A HOSAIN GH HOSAIN c. MSPPC |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
montréal (québec) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 6 octobre 2025 |
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JUGEMENT ET motifs : |
le juge duchesne |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 24 octobre 2025 |
|
COMPARUTIONS :
|
Victoria Quéréda Waice Ferdoussi |
Pour le demandeur |
|
Jessica Pizzoli |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
|
VQ Legal Montréal (Québec) Waice Ferdoussi Avocats Montréal (Québec) |
Pour le demandeur |
|
Procureur général du Canada Montréal (Québec) |
Pour le défendeur |